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Non Possumus

Participation au débat concernant la bénédiction du mariage civil des personnes de même sexe, par le pasteur François Anglade

Dix propositions pour fonder notre résistance – « Il y a au fond des âmes, depuis que Jésus-Christ en a pris l’empire, cette parole plus forte que la puissance de tous les rois : Non possumus. Vous nous demandez de placer notre conscience sous le sceptre d’un dictat : Non possumus »

I) Sept propositions pour la foi :

- Sola Scriptura – L’Eglise réformée de France déclarait en 1938 : « Elle affirme l’autorité souveraine des Saintes Écritures telle que la fonde le témoignage intérieur du Saint-Esprit, et reconnaît en elles la règle de la foi et de la vie »

1) parce que « la bénédiction » nous introduit dans le plan créateur et sauveur de Dieu et nous fait entrer dans la fécondité de l’Alliance, elle ne peut pas être manipulée pour servir nos fins personnelles ; au contraire nous croyons en la puissance subversive et souvent contrariante de la bénédiction (Cf. Ge 49,3 et 4 et Mt 5,11 et 12) ;

2) parce qu’en suivant les Écritures il est possible de définir ce qu’est l’institution du mariage qui crée certes différentes formes de familles selon les époques, mais qui donne comme constante : une alliance contractée entre deux personnes de sexe différents pour former une communauté de respect et d’amour et accueillir, s’ils sont donnés, les enfants qui naîtront ;

3) parce que l’Église, corps du Christ, n’est pas formée de justes, mais de personnes justifiées, non pas de personnes impeccables mais de personnes appelées à devenir des saints ;

4) parce que la Bible dénonce les relations de sexe entre hommes comme une des conséquences du désordre spirituel de l’idolâtrie, (Romains 1:25 (ils) ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur, qui est béni éternellement. Amen !)

5) parce que le Nouveau Testament ne stigmatise en particulier aucune forme du péché, la personne homosexuelle a toute sa place dans la vie de la communauté chrétienne en compagnie de tous les autres pécheurs appelés à la sanctification ;

6) parce tout pécheur qui se convertit est appelé à laisser la grâce agir en lui pour être conformé au dessein créateur et sauveur de Dieu ;

7) parce que le mariage ne se définit pas seulement par une alliance, ou seulement par un amour, comme dans le cas d’une union homosexuelle, mais aussi par la différenciation sexuée qui ouvre à la fécondité, le mariage homosexuel n’est pas un mariage au sens où nos pères en la foi nous en ont transmis la définition;

II) Trois propositions de type anthropologique

8) parce que la formation du couple homosexuel engendre la souffrance du couple due à sa stérilité et conduit au désir de l’enfant et finalement au « droit à l’enfant » ;

9) parce que, dans le cas de la famille homoparentale l’engendrement par procréation médicalement assistée ou la gestation pour autrui sont des pratiques qui privent ipso facto (par différence d’avec les accidents de la vie) l’enfant de l’un de ses parents ;

10) parce que la famille homoparentale ne fait pas droit, dans l’intimité familiale, à l’identification différenciée nécessaire à la construction de l’enfant, ce qui est source de carence dans la construction de l’adulte comme nous le rapportent de nombreux témoignages ;

En conséquence :

La bénédiction nuptiale, qui va bien au-delà d’un simple accueil, prononcée sur des unions de personnes de même sexe serait une tromperie !

Il me serait impossible de rester en communion avec une Eglise qui encourage ces bénédictions. Non possumus ! En outre j’affirme, pour l’avoir vérifié, qu’une personne homosexuelle qui se laisse rejoindre par la grâce de Dieu trouvera son identité et la joie de la vie éternelle. (1Co 6,11)

Pasteur François Anglade, DEA en théologie pratique IPT Paris 1993

Création/libération de l’homme et de la femme

Une étude biblique du pasteur M. Helmlinger sur Genèse 1-3 à télécharger ici en cliquant ce lien.
En voici un extrait, tiré de la conclusion.

De nombreux rapprochements à faire entre le récit de la création et le récit de l’exode, conduisent à cette affirmation : la libération est une création.
Dans l’histoire humaine, Israël en est la trace visible : ce ramassis d’esclaves en Egypte est devenu un peuple, survivant à la destruction de sa nation, de sa capitale, survivant à toutes les tentatives de génocide.
La libération définitive de toute l’humanité, ainsi que de l’univers entier, se fera par une nouvelle création. Ceux qui croient au FILS de DIEU YeSHou*a (Jésus) portent la trace de cette nouvelle création.

Vous pourrez aussi lire cette étude biblique du même auteur sur la notion d’un « mariage chrétien ».

Bénir est subversif

Le commandement du Christ, et des premiers chrétiens est clair : un chrétien doit bénir. Bénir les autorités (Romains 13,1), bénir ses ennemis (Luc 6,35), bénir toute personne (Romains 12,14). Notre attitude ne doit pas être de condamner mais de toujours vouloir le meilleur pour la personne concernée, qu’importe ce qu’elle est ou ce qu’elle fait.

Mais bénédiction n’implique pas approbation
En bénissant la femme adultère, Jésus n’a pas approuvé ses actes.  Pour Paul, la bénédiction de son ami Philémon comportait une demande explicite et verbalisée de changement d’attitude envers son esclave, Onésime (Philémon). En bénissant nos ennemis nous ne demandons pas qu’ils continuent à nous haïr. Au contraire, demander la bénédiction, demander le meilleur pour quelqu’un, peut aller de paire avec une attente de changement.

Alors qu’implique la bénédiction de l’Eglise sur un couple Pacsé : une invitation au mariage ? Bénir un voleur : un changement de métier ? Bénir un chef d’entreprise : un respect pour ses employés ? Bénir ses employés : un respect pour le chef d’entreprise ? Et, comme c’est la question qui, qu’on le veuille ou non, semble être dans l’esprit du moment : qu’implique vraiment la bénédiction d’un couple homosexuel ? Sa réussite ou sa fin ? D’aucuns affirmeront le premier ; d’autres le deuxième. Y a-t-il du sens dans une telle cérémonie quand les implications seront comprises de manières contradictoires ?

Soyons une Église qui bénit, et bénissons tout le monde, mais ne le prenons pas comme un acte innocent, gentil, facile. Au contraire, c’est un acte difficile, profond, parfois subversif et bouleversant, qui accepte chaque personne telle qu’elle est, mais qui ne souhaite pas toujours que les choses restent telles qu’elles sont.

Un laïc de l’EPUdFdevant rester anonyme pour des questions professionnelles sur internet

Une relecture biblique du dossier « Bénir »

Voici une analyse détaillée sur les enjeux du rapport synodal « Bénir ».

En voici les grands titres :
1. Pourquoi le conseil national a-t-il choisi de nous faire réfléchir sur la bénédiction ?
2. Pourquoi recommencer le même débat après seulement une dizaine d’années ?
3. Pourquoi s’obstiner à répéter que l’église ne marie pas, maintenant que la société civile a changé la définition du mariage ?
4. L’anthropologie est au cœur de la foi réformée.
5. L’alliance est le cadre dans lequel la Bible nous parle de bénédiction. Pourquoi est-elle absente du dossier ?
6. L’alliance est le cadre de la bénédiction. Et cette bénédiction, ce sont les commandements du Seigneur Dieu accomplis par le Christ, accomplis aujourd’hui par la vie de son Esprit en nous.
7. L’instrumentalisation des textes bibliques
8. La question de la bénédiction des couples de même sexe met la foi chrétienne en jeu, elle relève du status confessionis.

Vous pouvez télécharger ici dans sa version complète le document du pasteur Matthias Helmlinger (PDF)

Jésus au prisme du genre

Les débats actuels et la confusion des propos bruyants ne permet pas vraiment la réflexion. Dans les milieux chrétiens comme dans le reste du monde, il devient difficile de faire reconnaître la différence profonde et fondamentale entre :
- des études du genre, qui cherchent à comprendre combien les notions de féminité et de masculinité sont codifiées et façonnées différemment selon les cultures,
- une vraie théorie du genre (bien que d’aucuns disent qu’elle n’existe pas), qui est l’extrapolation hasardeuse, normative et idéologique desdites études, prônant toutes sortes d’excès dont la négation de la différence sexuelle, le rupture fantasmée entre genre et culture, ou un hégémonisme d’une culture a-sexuelle ou trans-sexuelle (androgynie).

Alors portons paisiblement notre regard sur Jésus avec le recul critique d’une lecture au prisme du genre, en voyant quelles dérives nous pourrions en conclure dans une idéologie du genre (plutôt que « théorie », si vous le voulez bien).

JÉSUS, HOMME JUIF
Jésus est troublant à plus d’un titre, et pas seulement parce qu’il a su être pleinement Homme et pleinement Dieu. Il l’est parce que sa façon d’être homme, telle que les évangiles nous la décrivent, est étonnante pour notre perception culturelle.

Du point de vue de sa propre culture, juive, il est tout à fait un homme. Il porte une robe, avec vraisemblablement des téfilines (תפילין), puisque ce fut une drôle d’expérience qu’une femme impure du fait de pertes de sang ose toucher la frange de sa tunique (Luc 8,46). Il est un rabbin assez normal, il convoque des disciples qui sont des hommes essentiellement même s’il semble très ouvert à ce que des femmes suivent son enseignement et ses pérégrinations. Il ne s’oppose pas ouvertement aux catégories de son époque dans la répartition des prérogatives sexuelles, mais en même temps il transgresse plusieurs interdits. Il n’hésite pas à parler à une femme au bord d’un puits (Jean 4), ce qui « ne se fait pas », tout comme se faire sécher les pieds par une prostituée (Jean 12). Mais surtout il sera de fait connu comme le Ressuscité par le témoignage premier de femmes l’ayant découvert vivant au tombeau (Luc 23,55), ce qui est une bizarrerie car le témoignage des femmes n’a aucune valeur juridique.

JÉSUS EFFÉMINÉ ?
Du point de vue de notre culture, Jésus est un peu efféminé. Pas simplement à cause de la robe, mais surtout à cause de sa douceur dans les relations avec les autres. Ce type de délicatesse est classé au registre des valeurs féminines dans la France d’aujourd’hui.
Beaucoup sont aussi assez gênés qu’il ne soit pas marié.

C’est oublier qu’il est fiancé, et ceci depuis qu’il a posé, à Cana (Jean 2) l’acte d’abandonner la férule maternelle. Par là il a « quitté son père et sa mère pour s’attacher à son épouse » (Genèse 2,24), et ceci, justement, dans des noces qui préfigurent son propre mariage ! Lisez Apocalypse 19 pour y voir la narration des Noces de l’Agneau, où le Christ-époux prendra entièrement pour lui l’Église-Épouse en noces joyeuses : toute l’humanité rassemblée deviendra l’Épouse.
Donc Jésus n’est pas célibataire, à moins qu’on considère un fiancé comme un pur célibataire.

C’est un déficit de connaissance biblique qui a fait de Jésus une sorte d’androgyne dans l’imaginaire des chromos italiens, mais il était bien un homme, sexué et plein d’émois. Est-ce le fait qu’il pleure (Jean 11) ou qu’il soit secoué d’émotions à Getsémané (Matthieu 26) qui fait que nous trouvons encore qu’il soit un peu sensible ou maniéré ? En tout cas, cela ne peut être le point de vue que d’une société où s’est radicalisé une masculinité ancrée dans l’adage : « un garçon ça ne pleure pas… voyons ! ».

CROIRE C’EST POUR LES FEMMES
Ce déficit de culture quant à l’anthropologie biblique donne à penser à beaucoup d’hommes occidentaux que la foi n’est pas faite pour les vrais mâles, parce qu’elle implique une sensibilité qui est classée culturellement en France comme de l’ordre du féminin. Un homme ne confesse pas ses péchés devant les autres, il ne parle pas de son intimité, il ne partage pas ce qui est de l’ordre de l’émotion. Sinon il n’est pas un homme… D’où la perception que la foi serait une sorte de mariage spirituel entre la femme croyante et Jésus, ce qui est une aberration parce que Jésus n’est pas polygame, et encore moins infidèle à sa seule Épouse qui est l’Église. C’est aller un peu vite en besogne de dire que, parce que Jésus serait l’époux spirituel de l’Église, il serait l’époux psychique et émotionnel de chaque femme… Et conséquemment qu’on ne peut pas être homme et croyant parce que cela évoque une intimité d’homme à homme qui semble être de l’ordre d’une relation « entre copines ».

Une saine étude du personnage de Jésus selon les catégories du genre nous permet donc de comprendre combien le machisme occidental est d’une toute autre nature que le système patriarcal connu à l’époque de Jésus. C’est un produit d’un puritanisme du XIXème siècle. Le patriarcat juif est compensé par la transmission matrilinéaire de la judéité : cette idée émerge exactement au temps de Jésus. Notre machisme d’avant 1968 est quant à lui plus que patriarcal : c’est un simple système de domination des hommes sur les femmes, pour l’essentiel.

Il pourrait ainsi y avoir une Bonne Nouvelle à considérer l’étonnante égalité biblique, que l’on trouve dans plusieurs passages dont deux sont assez explicites :
- « la femme est l’os de mes os, la chair de ma chair » (Genèse 2,23) signifie une radicale identité qualitative entre l’homme et la femme,
- « La femme n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est le mari ; et pareillement, le mari n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est la femme. » (1 Corinthiens 7,4). C’est révolutionnaire pour le contexte du Proche-Orient ancien.

IL S’EN SUIT QUE…
Nous sommes donc mis au défi en tant qu’Église de savoir si la lutte contre le machisme ambiant n’est pas une partie de la Bonne Nouvelle qu’un Christ sauveur veut annoncer à notre culture. Pour autant, comment rejoindre une génération d’hommes à certains égards traumatisée par le choc de représentations de 1968, et les contrecoups inattendus du mouvement — positif ! — de libération de la Femme ? Comment être un homme entre les deux lignes de fuite que sont l’hypervirilité du colosse bodybuildé, d’une part, et l’androgyne des publicités de Jean-Paul Gaultier promouvant explicitement une culture gay, d’autre part ?

En somme, ne serait-il pas vraiment révolutionnaire de parler de l’homme (masculin), via les modèles de la paternité de Dieu (amour et fermeté), de la masculinité de Jésus (tendresse et autorité), etc. ? N’est-ce pas là une façon de s’affranchir d’une culture qui s’est avéré être aliénante ?

Il deviendrait en revanche idéologique de faire de Jésus une icône gay, interprétant au crible d’une androgynie devenue but en soi, justifiant son a-sexualité par son célibat dénoncé plus haut, ou par des versets faciles à tordre dans un but doctrinal : « Un des disciples, celui que Jésus aimait, était couché sur le sein de Jésus. » (Jean 13,23). Pareillement, pourquoi inverser la logique et à tout prix vouloir employer un langage inclusif pour parler de Dieu, l’appeler Mère ou Père/Mère plutôt que d’assumer que l’Écriture l’appelle simplement Père ?

Car là, on ne serait plus dans le « lire » mais dans le « délire ».

La nouvelle brebis perdue

Parabole revisitée

Luc 15.3 — Jésus leur dit cette parabole : « Quel homme d’entre vous, s’il a 100 moutons et qu’il en perde un, ne laisse les 99 autres dans le désert pour aller après celui qui est perdu, jusqu’à ce qu’il le retrouve ? »

Mais que firent les 99 moutons pendant que le berger était parti ?
Ils tinrent un conciliabule – une sorte de synode ovin – se demandant quelle attitude adopter face à cette situation inédite : pensez, un mouton, animal grégaire par excellence, qui avait fait son « going out » !
A propos de l’inédit de la situation, remarquons que l’on a souvent tendance à croire que notre époque est celle de toutes les nouveautés, comme si le passé n’était qu’une sombre époque de conservatisme et de dogmatisme étroit. C’est oublier que de tous temps les bergers durent se mettre en recherche de moutons égarés.
Mais revenons aux discussions tenues en la bergerie.
Certains moutons étaient d’avis qu’il était urgent d’attendre et qu’il fallait faire confiance au berger. Après tout c’était son métier à lui de trouver et de ramener la brebis perdue. D’autres estimaient que cet incident était une occasion de méditer plus en profondeur sur ce qui incite certains de leurs congénères à se mettre en marge du troupeau et à prendre parfois des chemins de traverse. Quelques-uns voulaient aller plus loin que les paroles. « Et si par solidarité avec notre frère perdu, nous allions nous aussi à sa rencontre. Nous pourrions ainsi lui témoigner notre soutien, lui manifester que nous trouvons son choix courageux. Arrêtons de penser que c’est forcément mal de se perdre. D’ailleurs, dit un des moutons, j’ai eu récemment un échange de vues des plus stimulant sur ce sujet avec la chèvre d’un certain M. Seguin…
Pendant ce temps dans un coin du bercail, un mouton se taisait. On aurait dit qu’il priait. Et si l’on s’était avancé plus près, on aurait aperçu une larme au coin de l’œil et aussi une patte un peu tordue, cicatrice d’une escapade qui aurait pu mal tourner si le berger n’était pas, pour lui aussi, parti à sa recherche. C’était il y a longtemps, mais quand on a goûté au salut, on ne l’oublie pas.

Code de sainteté et homosexualité: Quelle compréhension à l’aune de l’Évangile ?

UNE PRÉDICATION DU 21 AVRIL 2013 A L’EGLISE PROTESTANTE UNIE DE NEVERS

LECTURES: Lévitique 20 : 1-13 ; Jean 8 : 1-11; Matthieu 19 : 1-6

Au moment où le débat fait rage dans notre société en ce qui concerne le mariage homosexuel, inutile de vous dire qu’aborder un tel sujet dans l’Église est délicat, tant les tensions sont grandes. Mais avant toute chose, j’aimerais préciser que mon but n’est d’offenser personne, mais seulement de rechercher à travers l’étude de la Bible ce qui nous est dit sur un tel sujet. Je rappelle également que si dans le débat sur le mariage civil des arguments d’ordre philosophique, sociaux, moraux, anthropologique ont été avancés, dans un débat sur la possibilité de reconnaître et de bénir de telle union dans l’Église, nous devons avant toute chose partir de la Bible. En effet, pour toutes les églises issues de la réforme protestante, un principe essentiel doit être appliqué à nos pratiques d’Église : le principe de « sola scriptura » : il stipule que la Bible est l’autorité ultime à laquelle les chrétiens et l’Église se soumettent, pour la foi et la vie de l’Eglise. C’est donc en premier lieu dans la Bible que nous devons chercher pour savoir si une bénédiction des couples homosexuels est possible. C’est la raison pour laquelle mon message sera en deux parties : dans une première partie, il s’agira de voir ce que nous dit la Bible lorsqu’elle aborde la question de l’homosexualité ; dans une deuxième partie, de voir ce que signifie l’alliance du mariage et les conclusions que nous pouvons en tirer.

Il y’ a dans la Bible 6 passages dans lesquels il est question de l’homosexualité de manière explicite :
Lévitique 18 : 22 :Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination.
Lévitique 20 : 13 : Si un homme couche avec un autre homme comme on couche avec une femme, ils ont commis tous deux une abomination ; ils seront mis à mort : leur sang sera sur eux.
Deutéronome 23 : 18-19: Il n’y aura pas de prostituée sacrée parmi les filles d’Israël, il n’y aura pas de prostitué sacré parmi les fils d’Israël. Tu n’apporteras pas dans la maison du Seigneur, ton Dieu, pour un vœu, quel qu’il soit, le gain d’une prostituée ou le salaire d’un chien : l’un comme l’autre sont une abomination pour le Seigneur, ton Dieu.
Romains 1 : 26-28 :C’est pour cela que Dieu les a livrés à des passions déshonorantes. Ainsi, en effet, leurs femmes ont changé les relations naturelles pour des actes contre
nature ; de même les hommes, abandonnant les relations naturelles avec la femme, se sont enflammés dans leur appétit les uns pour les autres ; ils se livrent, entre hommes, à des actes honteux et reçoivent en eux-mêmes le salaire que mérite leur égarement. Comme ils n’ont pas jugé bon de reconnaître Dieu, Dieu les a livrés à leur manque de jugement, de sorte qu’ils font des choses indignes.
1 corinthiens 6 : 9-11 : Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront pas le royaume de Dieu ? Ne vous égarez pas : ce ne sont pas ceux qui se livrent à l’inconduite sexuelle, à l’idolâtrie, à l’adultère, les hommes qui couchent avec des hommes, les voleurs, les gens avides, les ivrognes, ceux qui s’adonnent aux insultes ou à la rapacité qui hériteront le royaume de Dieu. Et pourtant c’est là ce que vous étiez — quelques-uns d’entre vous. Mais vous avez été lavés, vous avez été consacrés, vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit de notre Dieu.
1 Timothée 1 : 8-11 : Nous savons bien que la loi est bonne, pourvu qu’on en fasse un usage légitime ; sachant que la loi n’est pas faite pour le juste, mais pour les sans-loi et les insoumis, les impies et les pécheurs, les sacrilèges et les profanateurs, les parricides et les matricides, les meurtriers, les gens qui se livrent à l’inconduite sexuelle, les hommes qui couchent avec des hommes, les trafiquants d’esclaves, les menteurs, les parjures, et tout ce qui peut encore s’opposer à l’enseignement sain, d’après la bonne nouvelle de la gloire du Dieu bienheureux, bonne nouvelle qui m’a été confiée.

Il y a également deux autres textes dans lesquels l’homosexualité est évoqué de manière implicite : en Genèse 19 : 1-11 dans l’histoire de Sodome et Gomorrhe et dans un passage du livre des juges en Juges 19. Cependant, j’ai choisi de ne pas m’arrêter sur ces deux textes, et de me concentrer sur ceux qui parlent de pratiques homosexuelles de façon évidente.

Dans le livre du lévitique, la question de l’homosexualité est abordée dans ce qui est appelé le code de sainteté. La sainteté dans ce cadre repose sur le mystère de Dieu qui est différend, insaisissable, ineffable. Dieu demande au peuple hébreu de participer à sa sainteté en se distinguant des nations qui l’entoure. Le code de la sainteté est l’ensemble des prescriptions relatives au peuple (soyez saints comme je suis saint), aux prêtres (conditions du sacerdoce), aux temps (les fêtes le sabbat, le jubilé) et aux lieux (le sanctuaire). Dans la partie qui s’adresse au peuple, le chapitre 18 évoque le respect de l’union conjugale. Il traite de l’interdit de l’inceste, de l’adultère, du sacrifice des enfants, de l’homosexualité et de la zoophilie. Une question se pose cependant : quel statut et quelle autorité à ce code de sainteté pour nous chrétiens ? Comment devons-nous le considérer à l’aune de l’Évangile ?

Un passage du nouveau testament, celui de l’histoire de la femme adultère nous donne peut être une réponse. En effet, dans ce passage de l’évangile de Jean, une femme prise en flagrant délit d’adultère est emmenée devant Jésus. Ceci est intéressant. Car cela montre que même les contemporains de Jésus-Christ, du moins ceux qui avaient écoutés son enseignement, ne savaient plus si le Christ voulait l’abolition de ce code ou pas. C’est pourquoi, les maîtres de la Loi et les pharisiens emmènent cette femme devant Jésus-christ, pour lui tendre un piège; en effet, selon le code de sainteté cette femme doit être lapidée: Si Jésus-christ demande qu’on n’applique pas la sanction, alors c’est que véritablement il est pour l’abolition de la Loi. Mais si il demande qu’elle soit appliquée comme le veut la Loi, alors ces adversaires pourront remettre en cause son enseignement sur l’amour de Dieu et le pardon. Il y’ a là une impasse, du moins à vues humaines. La réponse de Jésus-christ à cette énigme nous donne une indication sur la manière dont Il considérait le code de sainteté : d’abord au verset 7 :« Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre » ensuite au verset 11 : « Moi non plus je ne te condamne pas ; va et ne pèche plus ». que nous enseigne ces deux versets ?

En premier lieu, pour Jésus, seul quelqu’un de vraiment saint, c’est à dire quelqu’un qui respecte dans sa totalité ce code, seule une telle personne est en mesure de punir ceux qui y contreviennent. En pratique, seul Dieu peut vraiment punir et aucun Homme n’a cette légitimité. Et Jésus-Christ qui est Dieu, dit à cette femme « je ne te condamne pas non plus ». Seul Dieu peut punir et Dieu choisit le pardon ! Ensuite, en disant à la femme « va et ne pèche plus », il montre que pour lui, le code de sainteté n’est pas aboli par son enseignement. L’adultère reste un péché, néanmoins le pardon de Dieu est maintenant possible ! Pourquoi cela est-il important ? Nous l’avons vu, l’interdiction des pratiques homosexuelles vient tout de suite après celui de l’adultère. Et c’est également puni de mort. Mais à la lecture de l’Évangile, nous pouvons dire que quiconque s’arroge le droit de maltraiter ou de persécuter un être humain parce qu’il est homosexuel, quiconque fait cela désobéi de facto à Jésus-christ. Car à ceux qui persécutent les homosexuels on peut leur dire ceci : « Vous considérer que c’est un péché ? fort bien, et vous ? Êtes vous sans péché ? De quel droit persécutez-vous ou tuez-vous des hommes et des femmes tout en vous disant chrétien, c’est à dire des disciples de Jésus-Christ ? » Qu’on se le dise, si l’homosexualité est considéré comme un péché, l’hétérosexualité n’est jamais présenté comme un qualité en soi ! Ce qui est béni dans la Bible, c’est le mariage, et la relation sexuelle dans le cadre du mariage et cela en vue de constituer une famille ! Être hétérosexuel n’est pas une qualité en soi !

En outre, puisque tous les hommes sont des pécheurs devant Dieu, ce n’est plus par sa perfection morale que l’Homme s’approche de Dieu, mais plutôt en reconnaissant justement son imperfection morale. Il ne s’agit plus de s’approcher de Dieu en mettant en avant nos capacités à respecter le code de sainteté, mais plutôt de s’approcher de Dieu en reconnaissant que nous sommes incapables sans son aide d’être saint; c’est toute la question de la repentance: Dieu accueille quiconque confesse ses péchés, à cause de Jésus-Christ. Or la repentance redonne paradoxalement toute son importance à ce code de sainteté; il est la norme à partir de laquelle on va définir la notion du péché. Par exemple, on ne peut pas se repentir de son adultère, si l’on ne reconnaît pas que l’adultère est quelque chose de mal. Or qui est ce qui dit que l’adultère est mal, sinon le code de sainteté ? C’est pourquoi Jésus-christ n’abolit pas son autorité, mais la déplace : la sainteté, n’est pas une frontière qui sépare les humains en deux catégories, c’est une frontière qui est en chacun de nous. Avec l’évangile, le code de sainteté devient une exhortation qui s’adresse à chacun. C’est pourquoi Jésus-Christ dit ceci en Matthieu 15 : « Écoutez et comprenez. Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur, mais ce qui sort de la bouche, c’est ce qui rend l’homme impur. et aux versets 18-19 : Mais ce qui sort de la bouche provient du cœur, et c’est ce qui rend l’homme impur. Car c’est du cœur que viennent les mauvaises pensées, meurtres, adultères, prostitutions, vols, faux témoignages, blasphèmes. »

J’aimerais vous citer la conclusion du pasteur Antoine Nouis, dans le rapport de 2002 du conseil permanent luthéro-reformé intitulé « L’Eglise et les homosexuels ». Je fais mien cet argument que l’on retrouve dans une annexe au rapport : « Le déplacement de la notion de sainteté ne signifie pas sa capitulation. Dans ses réflexions, L’Église ne dédaigne pas le code de sainteté dans ses appels à aimer son prochain ; à ne pas commettre d’injustice, à être généreux avec le pauvre et l’émigré. Dans l’intériorisation de la Loi, nous considérons comme toujours pertinent les interdits concernant l’inceste, l’adultère, la zoophilie ou le sacrifice des enfants. Nous ne voyons pas au nom de quel principe herméneutique nous pourrions isoler la relative à l’homosexualité pour dire qu’elle est caduque ». Autrement dit, à partir de quels éléments de lecture de la Bible et d’interprétation , nous pourrions enlever l’interdit sur l’homosexualité ? Si on me dit au nom du principe de l’amour, je dirais, que des personnes qui commettent un adultère peuvent s’aimer, éprouver des sentiments : est ce pour autant que l’église doit dire que l’adultère est une pratique neutre, normale et sans conséquence spirituelle ?

En résumé de cette première partie, nous pouvons dire que l’homosexualité est considérée de manière indéniable comme un péché dans la Bible. Cependant, à la lecture de l’Évangile, nous ne pouvons pas penser qu’il y’a une catégorie de personnes qui seraient plus indignes que le reste de l’humanité à cause de sa pratique sexuelle. Nous ne pouvons pas isoler l’interdit de l’homosexualité pour en faire un critère de discrimination et oublier le reste. Le message fondamental de l’Évangile est que tous les Hommes sont pécheurs : hétérosexuels ou homosexuels ; peu importe ! Tous ont besoin du pardon de Dieu en Jésus-Christ ! Tous sont appelés à entrer dans une vie nouvelle avec Dieu.

Quel regard par rapport au mariage, ou plus précisément à la bénédiction du mariage ? Si on revient à l’étymologie du terme «bénir » , il signifie « dire du bien ». L’Église ne bénit pas en son propre nom, mais elle bénit au nom de Dieu. Or s’il est indéniable que le mariage, l’alliance entre un homme et une femme est béni et regardé favorablement par Dieu, il nous est impossible à la lecture des textes de trouver un seul passage d’une bénédiction équivalente entre personnes du même sexe. Au contraire, comme nous l’avons vu, la pratique homosexuelle est considérée comme étant un péché. Dès lors se pose la question de l’autorité des écritures : L’Église peut-elle de sa propre autorité décider d’appeler « bien » ce que les écritures appellent « mal » ? l’Église peut-elle bénir ce qui n’est pas bénit ? Au nom de quelle autorité ? La question n’est donc pas d’être homophobe, ou réactionnaire ou en décalage par rapport aux évolutions de la société ; la question est d’être fidèle ! Or si le christ nous appelle à aimer, ce n’est jamais au prix de notre fidélité à son enseignement. Nous aimons Dieu, et c’est parce que nous aimons Dieu que nous pouvons aimer notre prochain. Que le Seigneur donne à chacun d’entre nous de comprendre et d’accomplir sa volonté en toute chose. Car c’est bien là notre principale préoccupation.

Amen.

Ngougo Guy-Bertrand

Différenciés ?

par Gilles Boucomont, pasteur
novembre 2012

Homme et Femme il les créa – La Genèse

Pour certains*, il ne serait pas dans le rôle des religions de se prononcer sur les questions de conjugalité qui vont être portées au vote du législateur, sans consultation populaire, et sur proposition gouvernementale.

Il est vrai que les réponses actuelles des institutions religieuses se basent essentiellement sur des argumentaires anthropologiques et non pas bibliques (pour les religions Juive et chrétienne), mis à part l’excellente contribution du grand rabbin Gilles Bernheim, qui conclue son propos sur un développement intéressant quant à la différenciation sexuelle. Et c’est très certainement dommage de la part des Eglises catholique et protestantes, j’en conviens, car la pointe de ce que nous avons à partager avec le reste de la société est bien dans ce message central des Ecritures bibliques, cette espérance et cet amour inégalés.

Il est vrai qu’il n’est pas dans le rôle des religions de prétendre instrumentaliser l’Etat et ses structures légiférantes, dans le cadre de la laïcité à la française. Mais ladite laïcité n’interdit pas pour autant aux religions d’émettre leur avis. C’est ainsi que vit la démocratie.
Si beaucoup de clercs sont des hommes d’appareil et d’institution, nombre d’entre eux sont aussi des potiers de la pâte humaine, confrontés au quotidien à l’écoute des questions et souffrances de gens réels, avec leurs cohérences et leurs incohérences. Peut-être serait-il intéressant d’entendre, au-delà des formulations des appareils d’Eglises, ceux qui accompagnent spirituellement des personnes de tous sexes, genres et opinions.

Que disent donc les anthropologies bibliques ? Que dit le Premier Testament ? Que dit le Christ, telles que ses paroles sont rapportées par le Nouveau Testament ? Que disaient les premiers chrétiens ?

Les anthropologies bibliques, d’abord, sont multiples, dans la mesure où la Bible est composée de textes écrits sur 1500 ans entre l’Espagne et l’Iran, la Turquie et l’Ethiopie. C’est vaste, dans le temps comme dans l’espace. Les représentations de la famille de Clovis (il y a 1500 ans) étaient quelque peu différentes des nôtres. La Bible fait donc état non pas d’une anthropologie monolithique, mais plutôt des relectures progressives d’un peuple qui sentait qu’il évoluait dans ses représentations, sous l’influence de Dieu. Elle est plus de l’ordre d’un long métrage que d’une photo figée.

La majeure partie du Premier Testament se structure dans l’exil à Babylone, au septième siècle avant notre ère. Séparé de Jérusalem et de sa centralité pour l’exercice du culte, le peuple Juif doit réinventer sa théologie en faisant de l’Ecriture le nouveau Temple, puisqu’il n’est pas envisageable de se donner rendez-vous l’an prochain à Jérusalem. C’est dans ces périodes que se structurent la Torah (dont la Genèse) et beaucoup de textes prophétiques, sans oublier de nombreux psaumes. Le défi des Juifs en exil à Babylone est de réaffirmer leur originalité théologique et de lutter contre la théologie et les anthropologies environnantes. Atterrés par la polygamie ambiante et le polythéisme débridé, ils réécrivent leur histoire en affirmant le caractère positif de la monogamie, comme une sorte de métaphore très incarnée d’une autre transition : celle du polythéisme au monothéisme. Abraham s’est laissé convaincre qu’il n’y avait qu’un seul Dieu ; il faudra quelques générations pour convaincre ses fils et petit-fils d’étendre cette réalité à une fidélité à une seule femme…

C’est dans cette période exilique et post-exilique que se structurent les récits créationnels tels que nous les recevons dans la mouture actuelle de nos bibles. On peut retrouver dans une même strate de rédaction les deux créations de Genèse 1 et Genèse 2 ou le psaume 8.
Qu’est-ce qu’un Homme ? Voilà la question posée.
Un Homme n’est pas structuré par les étoiles et la lune. Ce ne sont que des lampadaires ; voilà ce qu’affirment les Juifs, tandis que leurs persécuteurs déclarent que le soleil est leur dieu et que la lune est sa parèdre. Une théologie de combat et une anthropologie en réaction à l’oppresseur se mettent donc en place, qui influencent encore aujourd’hui nos représentations. Comme par hasard, le jardin d’Eden, c’est la plaine babylonienne, entre Tigre et Euphrate, dira Genèse 2. Le lieu où les Juifs sont en exil, mis dans une servitude qui rappelle tous les mauvais souvenirs de la captivité en Egypte, le lieu de cet exil, c’est un vrai paradis (c’est de l’humour Juif). Et là c’est le Dieu unique qui crée une humanité unique, capable d’adorer l’Eternel même à des centaines de kilomètres de Jérusalem, une humanité pour la première fois représentée de façon universaliste, car jusqu’alors, les Juifs n’avaient pas de récits de création, mais seulement des narrations très ethno-centrées de leurs origines. Leur identité, c’était d’être les descendants d’un araméen nomade. Et le peuple hébreu avait connu sa création en sortant d’Egypte. Pas plus. Cette théologie de la libération était première, bien plus essentielle pour un peuple qui n’avait que faire de la question d’une origine du monde. Leur origine, c’était la liberté, gagnée par Moïse et par l’Eternel face à Pharaon, reçue par l’appel d’un Abraham à quitter… la Babylonie (comme par hasard, bien que 1200 ans plus tôt).

L’anthropologie post-exilique place au cœur de l’identité humaine la différenciation sexuelle. Et au cas où nous ne l’entendrions pas comme cela, le rédacteur de la Genèse préfère le raconter deux fois, de deux façons différentes, dans des récits dont l’altérité est incompressible. Deux narrations pour insister sérieusement sur la même idée !
Genèse 1 raconte la création en sept jours, via un processus continu de différenciation (lumière/ténèbre, sec/mouillé, végétal/animal…). Dieu crée en sauvant le monde de l’indifférenciation première dont le nom hébreu est connu même en français : le tohu-bohu, l’anomie première, l’entropie primitive, le chaos des origines. Il crée en proposant de ne plus autoriser la confusion. Et c’est au sixième jour que sont créés les animaux domestiques, et puis l’humain. Si le monde des mammifères est créé le même jour, l’humain est créé en dernier. Il est créé « homme-et-femme », non pas dans une bisexualité, mais dans une complémentarité « l’homme + la femme ». Et c’est de cette différenciation dont Dieu dit qu’elle fait de l’humain l’image de Dieu. C’est parce qu’il est homme complété par la femme, femme complétée par l’homme, que l’humain est à l’image de Dieu.
Genèse 2 raconte un récit très différent. La terre est faite brute, sans herbe ni arbres. Et de la poussière Dieu fait l’humain (pas l’homme, le mâle, mais bien l’humain). L’humain est créé avant les végétaux. C’est un autre discours qu’en Genèse 1, mais une même idée : le rôle de l’humain est d’administrer la création selon le dessein divin. Mais l’humain seul, au milieu des champs et des forêts s’ennuie à mourir. La première parole de Dieu dans ce second récit consiste à consacrer le caractère mauvais de la solitude. Cette solitude est celle du fantasme de l’autosuffisance, tellement en vogue aujourd’hui, au passage. L’humain est seul et s’ennuie.
La première idée de Dieu pour rompre cette solitude est de tenter que son vis-à-vis soit créé de la même façon, avec de la terre, mais le Souffle divin en moins ; et Dieu crée les animaux. Mais, s’il les domine en les nommant, l’humain ne trouve pas de vis-à-vis qui vaille dans le règne animal. L’humain est découragé et Dieu doit réviser sa stratégie. Il crée du creux dans l’humain, en lui retirant une côte, et il forme une femme à partir de cette côte.
C’est la création de la femme qui suscite une rupture dans le récit, désormais on ne parle plus de l’humain, mais de l’homme, sexué. L’advenue de la femme crée une humanité duelle, qui n’existe que par sa capacité à se compléter. Et peut advenir la première parole humaine de toute la Bible : « Voici, dit l’homme, elle est l’os de mes os et la chair de ma chair ». Discours féministe s’il en est, car affirmer (je parle du rédacteur et pas d’Adam) que la femme est qualitativement la même chose que l’homme est un discours parfaitement révolutionnaire 2700 ans avant mai 68 ; surtout quand on pense que la France de 1947 ne l’avait pas encore compris, sur un registre aussi central que le suffrage universel…
L’humain n’est donc plus seul car il est limité, il n’est plus auto-suffisant, et il a besoin de la complémentarité homme-femme pour pouvoir être vraiment humain. Le rédacteur enchaîne d’ailleurs, sans transition, sur le fait qu’il s’agit là de l’explication même du fait que l’homme doive quitter père et mère pour s’attacher à sa femme.

Nous sommes donc d’accord que la Genèse ne fonde pas le mariage. Elle fonde encore moins le mariage comme institution bourgeoise régulant l’amour en Occident. Mais elle fonde une anthropologie de la différenciation et de la complémentarité des sexes qui est tout à fait originale, et qui plus est fondatrice. Ce sont les premiers versets de cet ouvrage qui deviendra au IIème siècle de notre ère la Bible, telle que nous la recevons !

La conjugalité ne saurait être autre que différenciée sexuellement, pour le Premier Testament.

Maintenant que dit Jésus ? Sa propre généalogie montre qu’il est vraiment Homme, en plus d’être vraiment Dieu… On ne compte plus les recompositions, les conjugalités tordues, les adultères, les naissances incongrues. Il a même deux généalogies très différentes suivant qu’on se fie à Matthieu et à Luc ! Son humanité se dit par cette incarnation dans le réel chaotique d’une famille bien réelle, c’est-à-dire recomposée après avoir été décomposée. Il devra recadrer son père à l’âge de douze ans, et sa mère à Cana, pour pouvoir commencer à vivre vraiment Sa Vie et son ministère. A l’occasion du mariage d’un homme et d’une femme, comme par hasard…
Il est étonnant de prime abord que Jésus ne parle pour ainsi dire pas du mariage. Ce n’est pas ce qui le préoccupe le plus. Il parle en revanche beaucoup des enfants et insiste sur le respect des petits, et l’impératif qu’ils soient au bénéfice d’une paternité équilibrée et équilibrante, puisque la paternité est toujours adoptive, contrairement à la maternité. Et Jésus le sait pour lui-même !
En termes de conjugalité, Jésus parle essentiellement du divorce ! C’est dire son pragmatisme. Et il se rapproprie d’ailleurs les paroles de la Genèse pour dire combien la tyrannie des désirs est déstructurante pour les humains qui n’ont pas la simplicité de vivre le chemin qu’il essaye de vivre : la fidélité, conjuguée à tous les temps et tous les genres. Jésus relègue effectivement la conjugalité au cadet de ses soucis, si l’on se fie à ses paroles rapportées par les quatre évangélistes, mais en réalité, le reste des Ecritures bibliques viennent expliquer quelle en est la raison. Il est l’Epoux, et il n’est pas marié à une femme, parce que tout simplement, en tant que Christ, Seigneur, et Fils de Dieu, il est l’Epoux et c’est l’Eglise, la communauté des croyants qui est l’épouse, celle qui doit arriver au mariage sans tache.
Paradoxalement, c’est donc une très haute idée de la conjugalité sexuée et différenciée qui s’exprime notamment dans le livre de l’Apocalypse, où toute l’Histoire est analysée au travers du prisme de cette mystique des Noces de l’Agneau, point culminant de la fin de l’Histoire, vers lequel toute l’Histoire est tournée. Jésus ne fait pas d’éloge du célibat bien qu’il soit fonctionnellement célibataire. Il vit plusieurs expériences très érotisées, de fait, mais qui sont là pour dire ce mystère de la foi, reprenant une vieille habitude narrative des prophètes : Dieu est le fiancé et le peuple est sa fiancée. Jésus en tant qu’homme se réserve pour sa bien-aimée, et il n’est pas le mari d’une femme humaine parce qu’en tant que Dieu il est l’Epoux du Jour du Jugement. Cette apogée de l’image conjugale est donc parfaitement au centre de la théologie du Nouveau Testament, et donc incidemment de l’anthropologie néotestamentaire.

Paul, enfin, est très décrié par tous ceux qui ne l’ont pas lu, au prétexte qu’il serait machiste. C’est le manque de culture biblique qui fait dire cela à ses commentateurs de comptoir. C’est en effet essentiellement dans les épîtres aux Corinthiens qu’il abonde en propos normatifs quant à l’identité de l’homme et de la femme, avec des postures qui fleurent bon le conservatisme étroit, le paternalisme patriarcal, si l’on m’autorise la redondance. Mais alors, si Paul est le machiste qu’on veut qu’il soit, pourquoi ne l’est-il que dans certaines épîtres ? Eh bien notamment parce que Corinthe était le lieu d’un culte où les prêtresses étaient des femmes, avec une prostitution sacrée, etc. Si bien que quand des corinthiennes se convertissaient, il n’était pas évident en terme de régulation paroissiale — pour employer un néologisme — de savoir comment gérer ces pythies, ces prostituées, ces voyantes et autres nécromanciennes. C’est pour cela qu’il leur dit de se taire, d’obéir à l’homme, etc.
Paul écrit des lettres comme un consultant présente ses préconisations à des institutions en crise. Il n’aurait jamais eu l’idée que nous prendrions ses avis comme des universaux, et il se retourne dans sa tombe, certainement, de savoir que ses épîtres sont dans le même ouvrage que la Torah de Moïse !
Mais pour autant, que ceux qui ont des oreilles entendent ce que dit Paul et qui est d’une modernité incroyable. « La femme n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est le mari ; et pareillement, le mari n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est la femme. » 1 Corinthiens 7,4. Dire que le mari appartient à la femme en Grèce au premier siècle est parfaitement révolutionnaire. Quant à la fameuse phrase qui lui est toujours reprochée : « Femmes, soyez soumises à vos maris » (Ephésiens 5,22), elle vaut la peine d’être lue dans son entier puisqu’elle se finit par « Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l’Eglise, et s’est livré lui-même pour elle ». Là encore, quelle complémentarité homme-femme ! Et quelle exigence plus haute encore que d’aimer sa femme comme le Christ à aimé l’Eglise !

Alors oui, dans les différentes strates des anthropologies bibliques il y a bien une figuration de la différenciation et de la complémentarité de l’homme et de la femme, centrales pour la conjugalité. Et cette figure est non seulement capitale au plan humain, mais elle est une métaphore permanente de ce qui préoccupe ultimement tous les rédacteurs bibliques : la complémentarité et la différenciation de l’humain d’avec Dieu.

Cet avis n’intéressera sûrement pas le législateur.
Mais c’est dommage.

 

Gilles Boucomont, 4 novembre 2012
*à la suite de http://authueil.org/?2012/11/04/2067-pas-le-role-des-religions

L’Eglise : un havre de paix pour les homosexuels

Par Gilles Boucomont, Eglise Protestante Unie du Marais

publié dans « Homosexuel, mon prochain », hors-série n° 15 des Cahiers de l’Ecole Pastorale.
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© Reproduit avec autorisation de l’éditeur

Le parlement français a voté l’ouverture de l’institution du mariage civil aux couples de même sexe. Cette saison n’a pas vraiment été un temps de débat, un temps de paroles, mais plutôt un temps pour des cris. Cris de douleur de la communauté homosexuelle qui s’est souvent construite, à raison, mais parfois aussi à tort, dans une identité de rejet. Cris de colère des défenseurs du mariage, chrétiens ou non, attachés à une institution qui s’est forgée en France pour délimiter et encadrer natalité, filiation et transmission. Après tant de bruit, nous nous retrouvons en Eglise pour penser les questions qu’ont fait surgir ces débats, avec un impératif que le Christ nous soumet : être dans sa vérité, et être dans la paix. En somme être en Lui, qui est Vérité et Prince de paix.

 

Morale « judéo-chrétienne » ?

Toute Eglise protestante ou évangélique va donc prendre la question comme elle en a l’habitude, à l’aune de ce qu’évoque le texte biblique, qui fait autorité en matière de foi et de règles (Sola Scriptura). L’Ecriture est une source centrale bien qu’elle ne soit jamais purement unique. Si c’est l’Ecriture seule qui fait foi, nous savons combien notre culture est marquée par le paternalisme et le puritanisme du XIXème siècle, que nous confondons avec la « morale judéo-chrétienne », concept créé par les sociologues athées et les journalistes de la fin du XXème siècle.

Et nous confondons sans nous en apercevoir l’Ecriture et ses interprétations, dont nous avons intégré les lignes fortes pour ne plus pouvoir revenir à la source sans y apporter un goût extérieur, extra-biblique. Après tout qui se choque encore du nombre d’épouses et concubines de Salomon ? Qui encore, sinon les pharisiens, crie au scandale quand Marie sèche les pieds de Jésus avec ses cheveux ? Qui s’étonne que Joseph aille sans problème à Bethléem avec une Marie enceinte avant le mariage, n’étant lui-même blessé que par le fait qu’il ne soit pas à l’origine de cette grossesse ?

Bref, il est objectif que la Genèse pose la complémentarité homme-femme. Mais trouver une morale immanente à la Bible en matière de sexualité, de conjugalité et de famille nécessite de tordre et déformer texte biblique, à partir de nos principes et de notre actualité. La morale au temps d’Abraham n’a rien à voir avec celle au temps d’Esaïe, qui n’a rien à voir avec celle au temps des apôtres. Elle n’a rien à voir avec la nôtre, qui s’est surtout forgée dans les 150 dernières années…

Quatre textes bibliques normatifs nous parlent d’homosexualités. Ils ne structurent pas une morale mais bien une Loi civile et religieuse, avec son aspect pénal. C’est le code de sainteté d’Israël. La première chose que nous remarquons c’est que, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, seul un texte interdisant l’homosexualité en Israël se trouve dans le premier testament (Lévitique 18,22 avec la punition assortie en Lévitique 20,13). Dans l’histoire de Loth, c’est le viol qui est condamné surtout (Genèse 19,5). De la même façon à Guibéah dans le viol d’un lévite (Juges 19,22). Trois textes se trouvent dans le nouveau testament, plus particulièrement dans les épîtres de Paul (Romains 1,28-31 – 1 Corinthiens 6,9 – 1 Timothée 1,8-11).

En 1 Corinthiens 6,9, Paul crée des mots nouveaux pour parler de l’homosexualité dans ses deux modes, passif (malakoï) et actif (arsekoïtai).

En Romains 1, il inclue l’homosexualité dans une série d’idolâtries comportementales. Son but est d’aboutir à Romains 3,23 : « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ». Il ne met pas un accent particulier au point que l’homosexualité fait partie d’une liste bien plus vaste.

En 1 Timothée 1,8-11, il déploie la même argumentation.

 

La Loi et la morale

Les Ecritures parlent donc clairement de l’homosexualité comme d’un péché. N’en déplaise à ceux qui sont prêts à tordre le texte pour affirmer le contraire, jusqu’à dire que Jésus l’admettrait, car sinon, il l’aurait condamnée explicitement…

En revanche, c’est la posture de Jésus face au péché et au pécheur qui nous importe pour comprendre l’économie nouvelle, la norme du Royaume. Comment nous positionner à notre tour non pas dans une attitude de jugement comme si c’était toujours la Loi qui prévalait pour nous, mais bien pour intégrer la grâce dont le Christ a voulu faire preuve, de la part du Père.

Et c’est dans son attitude face aux pécheurs que nous pouvons comprendre la révolution Jésus. En Jean 8, Jésus fait face à une femme adultère. Mais il n’est pas seul ; les tenants de la Loi sont avec lui, prêts à la lapider, mais rebroussant chemin dans la honte que fait monter en eux la conscience de leur péché.

Les tenants de la morale sont les nouveaux docteurs de la Loi et les nouveaux scribes ou pharisiens. A ceci près que, s’ils sont chrétiens désormais, ils se trompent de loi. C’est au nom d’une autre Loi que celle de Christ qu’ils agissent, au nom de cette loi morale prétendument judéo-chrétienne qui n’est autre qu’un paternalisme conservateur qui est surtout le fruit de la révolution industrielle, indispensable pour que les ouvriers soient disciplinés et serviles.

Pourtant, bizarrement, si cette morale est très présente dans les Eglises, elle est exigeante contre l’homosexualité, mais elle est parfois moins véhémente contre l’adultère. Elle est tout à fait relâchée par rapport aux ivrognes, que l’on ne cherche pas toujours à sortir de leur mauvaise habitude au pays du bon vin. Que dire des cupides, qui eux sont dans les conseils pour administrer l’Eglise, alors que Paul en 1 Corinthiens 6,9-10 les met tous sur le même plan ? Sans distinction ni hiérarchie.

 

L’amour et la vérité

Il n’est pas insensé de considérer que tous ces péchés sont aussi graves les uns que les autres, dans la mesure où Paul proclame qu’ils nous privent du Royaume. Mais l’attitude de Christ en Jean 8 par rapport à la femme adultère devient la nouvelle norme du Royaume. L’Eglise, qui prolonge l’œuvre de Christ est donc le lieu où doit s’exprimer l’habile dosage de sévérité à l’égard du péché, et de compassion à l’égard du pécheur désireux de changer de vie.

C’est ainsi que les prostituées qui se convertissent sont souvent bien accueillies, les alcooliques en chemin vers la sobriété le sont aussi dans nos Eglises ; il doit en être de même pour ceux qui luttent en chemin contre l’homosexualité. L’Eglise est le lieu où les pécheurs (que nous sommes tous si nous relisons le sermon sur la montagne), viennent confesser leur misère devant celui qui les relève et leur dit :
- Je ne te condamne pas,
- Va,
- Ne pèche plus.

Les trois éléments de ce cheminement sont capitaux. Jésus, par son délicat « ne pèche plus », signifie clairement qu’il n’a pas aboli le fait que l’adultère avéré de cette femme soit une occasion de rupture avec le monde, et avec Dieu et sa Loi. Il n’a pas aboli le code de sainteté. Et il n’hésite pas à dire les limites du possible. Il n’a pas de honte à dire que c’est invivable. Que c’est même contre Dieu. Il ne lui dit pas « Rien n’est grave, avance maintenant ». Selon le code de sainteté, elle devait être lapidée. Elle ne le sera pas. Mais combien de personne se disant homosexuelles sont lapidés verbalement ou simplement ostracisées jusqu’à ne plus revenir, dans des Eglises où leur péché a été promu au rang de péché supérieur. Qui sommes-nous pour établir des catégories que les Ecritures et le Christ n’ont pas posées, pour hiérarchiser les vertus ou les vices ? Sommes-nous ceux qui fixent la Loi ? De quelle autorité sortirions-nous un péché de cette liste, pour le rendre plus infâme ou le qualifier, au contraire, de bénin ?

Seul quelqu’un de totalement saint peut être en droit de mettre en application le code de sainteté, si nous sommes cohérents. Dieu seul peut donc punir l’adultère, en toute logique. Alors « que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre », lance Jésus, qui est sans péché, et a donc autorité pour la lapider, lui ! Mais il choisit de ne pas le faire. Il ouvre la possibilité au changement de vie, qui commence avec la capacité à se repentir. « Car là où le péché a abondé, la grâce a surabondé. » (Romains 5:20). Et c’est pourquoi il peut lui dire : « Va ».

 

Havres de paix

Les Eglises sont donc appelées à être des lieux de sécurité et de refuge pour les personnes se disant homosexuelles, où elles peuvent être sures d’être préservés de toute forme d’homophobie et de tout jugement. Nos Eglises doivent être des lieux où se dit la vérité, mais dans l’amour qui prévaut aux suiveurs de Christ. Elles sont appelées à être des lieux de grande sécurité spirituelle mais aussi émotionnelle pour que les pécheurs s’y retrouvent comme étant graciés, et apprenant à en tirer toutes les conséquences jusque dans chaque recoin de leur vie.

Mais comme pour tout pécheur, ce lieu de sécurité est aussi un lieu de vérité où la personne n’est pas confondue avec son comportement, mais définie dans ses vrais lieux d’identité. Personnellement, je ne suis pas un hétérosexuel, mais un homme marié à une femme. Nos Eglises ne bénissent pas des hétérosexuels. Elles bénissent des hommes et des femmes qui veulent vivre la conjugalité dans la fidélité que définit l’Ecriture, et qui fait de la vie comme de tout ce qui la constitue, une réalité éternelle.

 

Tu n’es pas ce que tu fais

La première étape est donc de pouvoir libérer ceux que nous accueillons de cette malédiction portée par la seule formulation « Je suis gay – Je suis lesbienne ». Non, tu es une femme qui n’arrive pas à envisager une conjugalité avec un homme. Tu es un homme qui n’arrive pas à s’imaginer dans le côte-à-côte et le face-à-face avec une femme. Ce n’est pas facile dans un environnement où le monde pousse à proclamer une prétendue identité homosexuelle, qui peut être même très valorisante dans certains milieux. Dans le Marais le ratio de personnes homosexuelles est de l’ordre du tiers de la population vraisemblablement, et cette revendication identitaire est omniprésente.

Cette première étape de liberté, les soi-disant hétérosexuels doivent la vivre aussi ! Car ils ont eux aussi à quitter cette idée qu’ils sont dans une totale disponibilité à toute présence du sexe opposé, pour pouvoir aller vers une recherche du vis-à-vis unique et adéquat, qui n’est pas un semblable, ni, dans le plan de Dieu, une créature interchangeable, seulement définie par le critère objectivé de sa génitalité. « Homosexuel » et « hétérosexuel » sont donc deux mensonges identitaires, en cela qu’ils qualifient de façon inadéquat notre être, par le seul prisme du comportement potentiel.

Est-ce que Dieu ou son Fils nous disent que l’hétérosexualité est une vertu suprême en soi ? En la matière, il semble que soient infiniment plus nombreux les passages qui décrivent les multiples formes d’une hétérosexualité dysfonctionnelle ! La personne bataillant avec l’homosexualité n’a pas pour but de s’installer dans l’hétérosexualité. Elle doit pouvoir se mettre à attendre son unique vis-à-vis de l’autre sexe, préparé sur mesure par le Père céleste.

 

Du temps et un espace pour la reconstruction

Ensuite, l’Eglise se doit d’offrir un espace d’attente, de conversion, d’évolution émotionnelle, de guérison, de sanctification. Accompagnant de nombreuses personnes de tous horizons, nous n’avons jamais vu quiconque pour qui la sexualité soit une expérience limpide et pure, simple et parfaite. Bien souvent les déplacements quant à l’identité sexuelle mettent beaucoup de temps. Autant l’esprit peut être délivré très rapidement, autant le corps peut guérir instantanément par miracle, autant la psychè (l’âme), même au bénéfice d’une intervention divine, a besoin de temps pour se construire ou se reconstruire. Les Eglises sont donc des espaces de patience et de confiance, où chacun peut mûrir dans sa destinée, pour marcher dans la ressemblance à Christ. Peu importe que nous ne soyons pas au bout du chemin du moment que nous sommes en route. Peu importe que nous ayons chuté du moment que nous ne nous complaisons pas à rester à terre.

Comme pour tout questionnement de vie, pour tout positionnement identitaire, nous n’hésitons pas à parler de délivrance et de guérison. Ce n’est pas bien reçu par les tenants d’une homosexualité intrinsèque, voire génétique. Et pourtant, ce discours sur la guérison et la délivrance peut être très bien reçu, mais dans la seule mesure où il ne cristallise pas l’attention sur des publics en particulier. De la même façon que les africains sont fatigués d’être toujours renvoyés à la sorcellerie, les homosexuels en ont assez d’être toujours stigmatisés comme étant des pervers, voire dans beaucoup de milieux, comme des candidats à la pédophilie ! Cette stéréotypie doit quitter nos têtes pour quitter nos langages. Pour autant, de la même façon que certaines dépressions ne sont pas que psychiques et nécessitent la prière de délivrance, plusieurs séquences de certains parcours homosexuels nécessitent la libération au nom de Jésus. Il ne s’agit pas de démoniser à tout crin, mais au contraire de s’offrir la possibilité d’un discernement acéré, avec l’aide du Saint-Esprit. Quoi qu’il en soit la plus grosse part revient à l’accompagnement et la cure d’âme, mais aussi à la communion fraternelle qui permet les chemins de construction et reconstruction.

 

Ne pas se tromper d’amour

L’Eglise est enfin l’espace où l’amour (agapè) régente les relations, et où nous avons la liberté de nous décaler avec la profusion des désirs et le règne de l’amour sensible (eros). Elle choisit aussi de se poser en rempart face au sentimentalisme qui prévaut pour justifier que tout est possible du moment qu’on aime. Ainsi la bénédiction n’est pas un geste qui dit que le couple béni est bien, mais que le mode relationnel qui s’installe entre eux est désiré de Dieu. La conjugalité homme-femme n’est pas une fin en soi mais bien un lieu où Dieu veut manifester sa complexité, lui qui a voulu que l’humanité soit à son image en étant « homme + femme ». S’imposent donc deux déplacements : de l’hyper-érotisation vers l’amour-charité et du sentimentalisme vers l’amour-charité. C’est un des lieux de conversion majeurs, et un défi pour la communauté locale.

 

Conclusion

Nous ne sommes donc pas du tout dans une perspective morale mais plus préoccupés par la sortie d’une idolâtrie qui menace tout humain et tout croyant, moi le premier.

Ce dont nous sommes redevables devant Dieu, c’est de faire bon usage de la grâce incomparable que nous avons reçue. Jésus va très loin à ce sujet, avec, pour qui le voudra, une probable évocation du péché de Sodome. En Matthieu 11,23-24, il affirme que Capernaüm sera traitée plus durement que Sodome au jour du jugement car elle n’aura pas administré comme Dieu le voulait le dépôt qui lui avait été fait ! Si l’on en juge aux paroles de Jésus quand il redéfinit la pureté dans la nouvelle alliance, c’est surtout ce qui sort de nos bouches qui est impur, et donc la parole homophobe semble être une impureté majeure. Pour autant, nous n’oublions pas de tenir un autre pôle de pensée qu’avait rappelé le prophète Esaïe : « Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, Qui changent les ténèbres en lumière, et la lumière en ténèbres, Qui changent l’amertume en douceur, et la douceur en amertume ! ». Il ne s’agit pas d’une question de moralité, mais d’une question de foi, d’alliance au Seigneur et non pas d’alliance éthique avec le reste du peuple.

Havre de paix pour toute personne fatiguée et chargée, lieu de sécurité pour le pécheur en reconversion, l’Eglise a un grand rôle à jouer dans un monde en perte de repères.

 

Par Gilles Boucomont, Eglise Protestante Unie du Marais

publié dans « Homosexuel, mon prochain », hors-série n° 15 des Cahiers de l’Ecole Pastorale.
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