Bénir, dire le « Bien ! » de Dieu

Prédication donnée au Temple du Marais le dimanche 2 mars à 10h30

En voici le texte.

Nombres 6,23-27 : la bénédiction sacerdotale, une parole du Seigneur à Moïse : « Voici comment seront bénis les Israélites ».

Jacques 1,5-8 : demander la sagesse à Dieu, plutôt d’avancer et reculer sans cesse.

Romains 12,14 : Bénissez et ne maudissez pas

 

PREDICATION

Ceux qui suivent l’actualité de l’Eglise protestante unie de France savent que nous travaillons jusqu’à l’Ascension 2015 sur le dossier « Bénédiction ». Nous faisons des retrouvailles avec cette thématique de la bénédiction pour comprendre ce que « bénir » veut dire.

Quand on cherche à comprendre ce qu’un mot veut dire, j’imagine que votre réflexe doit être le même que le mien : on va chercher dans un dictionnaire, ou un dictionnaire d’étymologie. Et quand on a lu ce mot dans les Ecritures bibliques, on va essayer de voir ce qu’il veut dire en hébreu, en grec, pour commencer à faire le tour de la question.
« Bénir », qu’est-ce que cela signifie ? Bénédiction, en français, c’est assez facile à comprendre : bene c’est « bien » et diction c’est « dire ». Une bénédiction, c’est quand on dit quelque chose de bien, quand on dit le bien sur la personne. Ca c’est en français avec notre racine latine. En hébreu, c’est un mot que vous connaissez parce que c’est le premier prénom du président américain : barack. La bénédiction signifie alors quelque chose qui est transmis positivement d’un père à son fils, un héritage. C’est ce geste qu’ont fait les différents patriarches avec leurs enfants, de mettre leur main sur leur tête. Il y a quelques patriarches plaisantins qui ont croisé les mains, pour que la bénédiction n’aille pas sur l’aîné, mais sur le cadet, puisque c’est la bénédiction de la main droite qui est la plus forte… Donc il y a tout un enjeu dans cette bénédiction, dans cette transmission : c’est comme si on transmettait tout un héritage, à la fois financier, mais c’est presque la plus petite partie de ce qui est transmis ; surtout l’héritage du nom, de la primauté dans la famille, l’héritage de la fonction de chef de famille, l’héritage de toute l’histoire de l’ethnie, etc. Cette bénédiction est une parole bonne, une parole de transmission de ce qu’il y a de meilleur, de ce qu’il y a de bon.

Mais à force d’être conscients de cette étymologie comme quoi « bénir » c’est dire du bien, à force de l’avoir dit jusque dans nos liturgies de mariage, puisque dans celle de l’Eglise réformée de France, il y avait cette phrase : « Bénir, c’est dire du bien de quelqu’un et faire tout son possible pour que ce bien s’accomplisse ». Une très belle phrase ! En même temps, nous avons laissé glisser petit à petit le sens de cette bénédiction comme étant juste une forme de la pensée positive, c’est-à-dire donner des paroles gentilles, donner des paroles sympathiques ; dire un peu à l’américaine : « Vous êtes formidable ! ». Dire, parce que c’est bien mieux pour les relations interpersonnelles : « Ah, j’aime beaucoup ce que vous faites ! ». Vous voyez ces paroles de valorisation. C’est bien, essentiel de pouvoir avoir une parole de valorisation pour un individu, mais en même temps, quand on parle de bénédiction dans les Ecritures, on n’est pas forcément dans l’idée d’une parole de valorisation au sens de l’émotion qui va accueillir cette bénédiction en disant : « Ah, ça me fait du bien ! Ah, ça me fait plaisir ! ».

Dans l’idée de bénédiction il n’y a pas d’abord les émotions, les sentiments ou le sentimentalisme, il y a vraiment l’idée de transmettre quelque chose qui est bien, qui est bon ». Et qu’est-ce qui est bien ? Qu’est-ce qui est bon ? La grande difficulté, c’est que depuis Genèse 3, nous ne savons… plus. C’est la quête fondamentale de l’être humain de dire : « Je vais maîtriser ce qui est bien et ce qui est mal. Je vais réussir à manger de cet arbre de la connaissance du bien et du mal, dont Dieu m’a dit de ne pas même essayer d’en manger parce que je ne saurai pas en gérer les conséquences. » Mais le serpent me dit : « Goûte, goûte, goûte, tu vas voir. Ca va être bon ! ». Il ne le dit pas mais sa pensée, derrière, c’est : « Tu vas être dans l’illusion de la maîtrise de toutes les choses de ta vie, et tu vas croire que c’est bon de maîtriser ». Voilà : ça c’est la proposition du serpent. Et donc on se retrouve avec cette illusion de pouvoir, d’une façon ou d’une autre, connaître, comprendre, et donc prendre, tenir, avoir l’illusion de saisir véritablement les choses qui sont bonnes et qui sont mauvaises dans notre vie, alors que notre expérience, dès qu’on a dépassé un tout petit peu l’adolescence, et même si on la dépasse parfois tardivement, c’est quand même qu’on ne comprend globalement pas ce qui est bon et ce qui est mauvais… Combien de fois avez-vous fait un geste, une action, essayé de transmettre une parole dont vous avez voulu qu’elle soit bonne pour celui qui devait la recevoir, et ça a porté à conséquence de façon catastrophique ? C’est la base même de l’action humanitaire : la générosité qui détruit tous les pays économiques dans les pays qu’on va aider.

Donc, ce désir de bien faire est profondément en nous, mais en même temps, depuis le commencement du monde, nous apprenons grâce aux Ecritures bibliques que nous ne savons pas nous y prendre correctement. Et il y a une véritable clé dans cette parole de bénédiction fondamentale (parce que c’est la parole de bénédiction de Nombres 6 qui est centrale pour juif, tout israélite pratiquant : que le Seigneur te bénisse et te garde, qu’il fasse resplendir sur toi la lumière et qu’il te donne sa paix). Nous connaissons bien parce que nous disons souvent cette parole à la fin du culte, mais il y a surtout le fameux verset 27 avec un ajout du Seigneur : « Quand vous bénirez les gens de cette façon-là, c’est Moi qui activerai la bénédiction. » C’est-à-dire que bénir n’est pas, ou n’est plus simplement le fait de dire du bien. Parce que quel est le système de pensée qui va catégoriser que ce soit bien ou que ce soit mal ? Aujourd’hui, quand on a 14 ans et qu’on est une fille, c’est « bien » d’avoir une minijupe qui ne couvre plus rien… Mais est-ce que c’est un bien ultime ? Aujourd’hui, quand on a 21 ans et qu’on est un garçon, c’est « bien » de prendre un air de caïd mafieux… Mais, est-ce que c’est bien dans l’absolu ? C’est bien pour un groupe de pensée. C’est bien à l’intérieur d’un petit système de référence, qui est celui d’un groupe, mais est-ce que c’est Bien avec un B majuscule ? C’est ça la question.

Et il a donc cette clé de lecture profonde dans le verset 27 de Nombre 6 : « C’est bien si J’ai dit que c’était bien, dit le Seigneur. Si moi, l’Eternel créateur du ciel et de la terre, sauveur de l’humanité, consolateur de tout cœur brisé, si Moi Je dis que c’est bien, eh bien c’est bien… Et si Je dis que ce n’est pas bien, ça n’est pas bien ». C’est la base même de l’activité de Dieu. Pensez toujours à notre fameux livre de la Genèse. Quand Dieu crée les choses, il dit : « C’est bien ! Ah, c’est bon ! Tov, en hébreu. » lisons-nous dans nos traduction bibliques. C’est un cri de Dieu, à chaque fois qu’il fait quelque chose dans la création : « C’est bien, c’est bien, c’est bien ! ». Et même quand il il crée l’être humain, il dit : « Ah ça c’est très bien ! ». Ce qui signifie que si vous dites qu’un être humain est une crevure ou qu’il n’est rien, vous êtes juste en train de proclamer l’inverse de ce que l’Eternel a proclamé sur lui. Il faut s’en rappeler, quand même. Dieu a dit c’est très bien. Aussi, quand on est dans une anthropologie hyper pessimiste et que l’on voit des gens se plaindre : « Oh là là, l’humanité, on s’en sortira jamais, on est tous pourris, etc. », ce n’est pas le projet de Dieu, ce n’est pas le discours de Dieu. Dieu connaît ce qui s’est passé après, à savoir la chute, mais il sait que son projet initial, c’est quand même ce « très bien » qui n’a pas été prononcé sur autre chose que sur l’être humain, au commencement du monde. Et puis au bout d’un moment, le Seigneur dit : « Ce n’est pas bien ! Lo Tov en hébreu ». Quand est-ce qu’il dit ça ? Il le dit quand Adam s’embête à mourir, qu’il est tout seul. Alors, quand nous dirons : « La solitude, l’autonomie, c’est le summum de l’accomplissement humain », nous pensons que c’est une bénédiction dans notre système de référence sur cette terre. Mais dans le système de référence du créateur du ciel et de la terre, c’est la pire des malédiction : l’autonomie, je me fixe mes propres lois à moi, je suis le centre de mon monde. C’est une malédiction terrible d’isolement.

La bénédiction dans les Ecritures  bibliques n’est rien d’autre qu’un écho au « BIEN ! » que Dieu aura proclamé à un moment ou à un autre, sur telle ou telle chose. Quand nous bénissons, ainsi que les grands prêtres d’Israël, nous ne faisons que répéter, dupliquer, et répondre, au sens de l’écho, qui répète 4 fois la même parole. Nous ne faisons qu’être un écho du « BIEN ! » de Dieu proclamé sur telle ou telle chose. Alors de quel droit, en tant qu’humains, nous dirions qu’autre choses est bien ?

Nous en avons tout le droit, effectivement si nous sommes des humains, ou plus précisément, si nous sommes simplement des citoyens, des contribuables, des français, des athées,… je ne sais pas comment vous vous définissez.  Nous avons droit de dire de tout ce qu’on veut que c’est bien. Mais quand nous sommes « chrétiens », ou juifs, nous perdons ce droit de dire un peu au hasard de nos sentiments que telle chose est bonne et que telle chose est mauvaise. Nous devons absolument rentrer dans ce système d’écho. Nous devons percevoir quelles ont été les bénédictions fondamentales que le Seigneur a posées, quelles sont les malédiction fondamentales que le Seigneur a posées (parce qu’il a dit de certaines choses que c’était mauvais, et c’est ça une malédiction !). Et si tu le fais, c’est mauvais pour toi. Donc si nous sommes simplement des gentils français athées, il n’y a aucun problème que nous disions de n’importe quoi que ce soit bien. Mais si nous disons que celui qui régule notre existence, celui qui nourrit notre foi, celui qui fait avancer notre réflexion est bien le Père de Jésus-Christ, alors, nous ne sommes plus dans une espèce de libre-arbitre, une liberté sans limite pour dire ce qui est bien et ce qui n’est pas bien. Evidemment que dans de nombreux préceptes des Ecritures, nous pourrons prendre du recul et nous douter que certaines exigences qui se trouvent même dans la Bible ne sont pas des exigence qui seraient directement celles de Dieu, mais qui peuvent être des exigences propres à la culture hébraïque, à la culture proche-orientale, à la culture juive. L’interdit massif de manger du lièvre n’a quand même pas la même importance que l’interdit de dire du mal d’un être humain. Nous pouvons effectivement prendre un peu de recul par rapport à certains « Bon » et certains « Mauvais » proclamés par certains passages, mais pour autant nous ne pouvons pas, comme je l’évoquais dans l’exemple de tout à l’heure, dire qu’une vie coupée de toute relation, une vie d’isolement serait une chose bonne. Parce que c’est le premier « Mauvais » que Dieu a prononcé.

Dans notre réflexion sur toutes les conséquences pratiques quant à toutes ces bénédictions que l’Eglise donne, nous sommes effectivement prêts à bénir chaque être humain, parce que tout être humain doit être béni, et encore plus par ceux qui agissent au nom de Jésus-Christ. Mais quand je bénis un être humain, je ne bénis pas forcément tout ce dont il est porteur : certains de ses choix politiques peuvent être effrayants, certains de ses choix de vie peuvent être bizarres. Je ne suis pas obligé de bénir cela quand je bénis sa personne. Je bénis la créature de Dieu, et pas ce qui a été transformé par la culture, les habitudes, l’éducation et le reste. Je bénis une personne sans cautionner tout ce que cette personne peut véhiculer. Et quand je commence à vouloir bénir une institution, bénir les autorités, comme nous y invite Paul, quand je pense bénir des types d’unions humaines, comme une église ou un couples, ce qui doit faire référence, ce sont les Ecritures bibliques, simplement en écho à ce dont Dieu a dit « Ca c’est bien ; mais ça ce n’est pas terrible ». Voyez, nous pouvons bénir sans juger, nous pouvons bénir sans ostraciser. Nous pouvons aussi refuser de bénir quand on nous demandera de bénir une Mercedes pour qu’elle gagne les 24h du Mans. C’est un choix que nous faisons, et nous ne le faisons pas selon notre bon-vouloir, selon notre bon plaisir, mais nous le faisons simplement parce que l’Eternel a dit en Nombres 6,27 : « Quand tu béniras de cette façon-là que Je t’indique, c’est Moi qui bénirai ». Amen.