Archives mensuelles : juillet 2014

« Homme et femme » chez Karl Barth

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« L’homme et la femme » dans la dogmatique de Karl Barth
Réflexions de Matthias Helmlinger et citations

 

Qui est K.Barth et qu’est-ce que sa dogmatique ? Pour faire bref, voici ce que nous trouvons dans Wikipédia :« En 1932 paraît le premier volume de la Kirchliche Dogmatik (traduite en français sous le titre de « Dogmatique»), une œuvre – inachevée – dont il poursuivra la rédaction jusqu’à la fin de sa vie. Ce travail de réflexion ne le coupe pas de la réalité de son temps. Barth introduit la théologie au cœur de la vie quotidienne. En 1934, il est le principal auteur de la Déclaration théologique de Barmen, texte fondamental d’opposition chrétienne à l’idéologie nazie. Suspendu à cause de son refus de prêter serment au Führer, puis expulsé d’Allemagne, il devient professeur de théologie systématique à Bâle. Il participe à la première assemblée mondiale du Conseil œcuménique des Églises à Amsterdam, en 1948 : « N’est-il pas dit que nous devons chercher premièrement le Royaume de Dieu et sa justice ? » rappelle-t-il lors de la séance d’ouverture. Pour Barth, la Bible est l’interpellation que Dieu adresse aux hommes ». Ajoutons que Karl Barth est un théologien réformé, dans ce sens qu’il poursuit la pensée de Jean Calvin. Il ne néglige aucun texte biblique parlant de l’homme et de la femme, même les plus difficiles et les plus controversés (I Corinthiens 7, 11 et 14, Ephésiens 5, Matthieu 19)

 

J. Calvin écrit tout au début de son « Institution chrétienne » : « toute sagesse substantielle et véritable se résume pour l’homme en deux points : la connaissance de Dieu et la connaissance de soi. Ces deux savoirs sont si étroitement liés qu’on ne saurait dire lequel conduit l’autre ».

Cette pensée directrice de Calvin, nous la retrouvons sans cesse dans la dogmatique de Karl Barth : nous ne pouvons rien connaître de Dieu en dehors de sa Parole et nous ne pouvons rien connaître de l’être humain, masculin ou (et) féminin en dehors de cette même Parole.

A vrai dire, Karl Barth emploie souvent le mot « commandement » pour parler de cette Parole de Dieu. Si on veut bien le comprendre, il faut entendre « commandement » au sens large (comme THoRaH) : commandement, mais aussi création et promesse. Le commandement de Dieu nous permet de nous enraciner dans une réalité nouvelle et de nous projeter vers cette réalité : la création nouvelle en Jésus-Christ mort et ressuscité. Notre vie d’être humain découle de ce commandement.

Cette pensée directrice est libératrice de tous les conditionnements sociologiques déterminant ce qu’un homme, ce qu’est une femme, et à plus forte raison ce qu’est le mariage. Mais elle est aussi exigeante : nous ne devons plus penser notre masculinité ou notre féminité comme si nous savions à l’avance ce qu’elle est. C’est Dieu qui la crée par son commandement. A plus forte raison, ne connaissons-nous pas à l’avance ce qu’est le mariage. Il est impossible de fonder notre connaissance du mariage sur l’institution sociale du mariage, puisque selon les temps et les civilisations, elle admet la polygamie ou attribue des rôles erronés à l’homme ou à la femme dans le mariage.

 

Même ceux qui prônent actuellement le mariage d’êtres humains de même sexe devraient lire Karl Barth. Ils y trouveraient beaucoup d’affirmations libératrices. Bien sûr, Karl Barth ne néglige pas le texte de Romains 1 où l’homosexualité est mise en rapport avec une méconnaissance du Dieu vivant et créateur, donc avec l’idolâtrie. Mais il ajoute qu’il serait insensé de ne parler d’idolâtrie que lorsqu’on a affaire à des homosexuels. On peut vivre aux yeux de la société en couple hétérosexuel, alors que ni l’homme, ni la femme ne sont soumis au commandement de Dieu. A lire Karl Barth, il me vient la pensée qu’il faudrait créer un mouvement de libération des hommes. Non pas pour les libérer de leur femme, mais de leur fausse conception de l’autorité. Vue dans le Christ, l’autorité de l’homme dans le couple consiste à écouter sa femme, pour sa gloire et son épanouissement à elle et pour écouter le Christ auquel l’homme lui-même est soumis. En permettant à la femme d’exprimer sa féminité, l’homme découvre sa masculinité, mais toujours à l’écoute du commandement de Dieu.

 

Karl Barth a aussi de très belles pages sur le célibat. Il prend au sérieux l’affirmation de l’apôtre Paul qu’en Christ « l’homme n’est pas sans la femme, ni la femme sans l’homme »I Corinthiens 11/11. Jésus-Christ a enseigné que le mariage n’est pas une obligation d’ordre naturelle mais que l’être humain ne doit s’y engager que s’il a un appel de Dieu pour cela. Le mariage doit s’accomplir « dans le Seigneur ». Inversement, le Seigneur peut aussi appeler au célibat un homme ou une femme. Cet enseignement a bouleversé et stupéfié les disciples de Jésus. Considérant cela, l’EPUdF devrait réfléchir à l’affirmation martelée dans ses documents : « l’EPUdF ne marie pas ». Pour les célibataires, cet enseignement est libérateur, car « dans le Seigneur, l’homme n’est pas sans la femme, ni la femme sans l’homme » I Cor.11/11.

La différence sexuelle, telle que voulue par Dieu n’est pas une malédiction, mais une bénédiction, qu’on soit ou non marié. Ce n’est pas une « maladie » ou un « handicap » que de ne pas avoir de relations sexuelles, si on est célibataire : la personne célibataire existe en tant que personne sexuée, elle est voulue telle par Dieu et peut s’émerveiller elle aussi sans cesse de la différenciation sexuelle qui naît du commandement de Dieu. S’émerveiller est une façon de louer Dieu.

 

Cette pensée, que Karl Barth développe à partir de la Bible atteint de plein fouet la tentation humaine d’imaginer, en plus du genre masculin et du genre féminin, un troisième genre, qui serait « neutre ». Ecrivant en 1932, Karl Barth ne pouvait imaginer combien ses propos seraient d’actualité, quatre vingt deux ans plus tard, alors que des groupes de pression cherchent à diffuser cette théorie d’un genre qui serait neutre à la naissance. A son époque, Karl Barth voit cette tentation s’exprimer dans la gnose et le mysticisme, qui voudraient dépasser la condition masculine ou féminine dans une spiritualité qui ne serait plus corporellement sexuée. Certains courants psychologiques peuvent aussi nous faire croire qu’au fond, il y a le féminin et le masculin dans chaque être humain. Poussées à l’extrême, ces doctrines sont aussi une façon de nier le commandement de Dieu qui place chaque être humain dans une condition masculine ou féminine.   Nos problèmes sexuels ne disparaîtraient pas si nous pouvions dépasser notre condition masculine ou féminine. Fions-nous au commandement de Dieu qui nous a créés et nous crée toujours masculin ou féminin. Tout ce que Dieu a créé est bon. Mais n’oublions pas que cette création est toujours actuelle.

 

Cessons de nous culpabiliser ou de culpabiliser qui que ce soit : le commandement de Dieu, c’est une promesse pleine de miséricorde. Voici en conclusion les belles affirmations de K.Barth à ce sujet :

« lorsque le commandement de Dieu rencontre un homme il fait apparaître sa transgression… mais le commandement possède aussi ce pouvoir de montrer à l’homme que sa transgression est, en définitive, quelque chose qui lui est étranger – le pouvoir de le rendre indépendant et responsable vis-à-vis de cette transgression, de le dresser et de le mobiliser contre elle. Le commandement lui apprend en effet que Dieu est bon pour lui – non pas à cause de sa transgression, non pas par indifférence, mais en dépit d’elle – et qu’intervenant entre lui et son péché, Il prend parti pour lui. .. Dieu lui-même, par son intervention miséricordieuse, crée en nous ce vouloir et ce faire, c’est-à-dire le pouvoir de lutter contre nous-mêmes et contre nos transgressions, le pouvoir de combattre d’une manière très concrète le désordre dans lequel nous vivons. … Là où l’être humain n’est pas fidèle au commandement, c’est le commandement qui lui reste fidèle. »

Nous joignons à nos réflexions des extraits du chapitre « L’homme et la femme » §54 « La liberté dans la communauté » de la dogmatique de Karl Barth.

Elles peuvent intéresser même les personnes qui ne sont pas concernées par le débat synodal 2014-2015 de l’EPUdF et qui veulent construire leur couple ou leur célibat selon le « commandement de Dieu ».

Elles peuvent inspirer ceux qui doivent prêcher lors d’une cérémonie de mariage :

* C’est dans la totalité de leur être que l’homme et la femme vivent leur vie sexuelle.

* Si la sexualité devient quelque chose d’autonome, si on lui attribue le droit et le pouvoir de dominer l’homme et la femme, en un mot, si elle « remplit » la rencontre entre l’homme et la femme, elle est tout simplement démoniaque. Le commandement de Dieu s’opposera toujours à l’impérialisme de la sexualité et des rapports sexuels.

* Le commandement de Dieu revendique l’être humain tout entier.

* L’union intime de l’homme et de la femme est « chaste », honorable et réellement sexuelle lorsqu’elle fait partie d’une communion où l’Esprit, l’amour, le travail, la joie et la souffrance jouent leur rôle, où c’est vraiment toute leur vie qui rend nécessaire et justifie à tel moment cette intimité totale.

* Dire de deux êtres qu’ils deviennent « une seule chair » ou un seul « corps » c’est donc affirmer qu’ils sont unis physiquement, mais aussi que leur être tout entier devient un dans une communion totale et indissoluble.

* Le fait d’être « un seul Esprit avec le Seigneur » exclut qu’on puisse être un seul corps avec une prostituée.

* L’éros humain se distingue de l’éros de la bête en ce qu’il ne nous contraint pas à l’acte sexuel. L’individu qui ne connaît que l’instinct physique et ses servitudes est « érotiquement » anormal. L’individu normal est à la fois engagé et libre dans l’acte sexuel : il sait y chercher et y découvrir la libre personne et la personne tout entière de « l’autre ».

* L’union sexuelle fait partie de l’amour mais dans la liberté. L’amour n’en attendra pas tout, et par conséquent il ne « tournera » pas constamment autour de ce problème. Le désir sexuel est subordonné à l’unité de l’être humain. Sinon, ce n’est plus à la personne de « l’autre » que l’on s’intéresse, mais à « quelque chose » en elle, à la « valeur sexuelle » qu’elle représente. Il n’est pas vrai que l’expérience sexuelle est la même dans l’amour authentique et partagé, que dans n’importe quel assouvissement passager d’un désir égoïste. Loin d’être un grand « érotique » Don Juan est au contraire le type de « l’impuissant » et du faible en amour, qui poursuit sans relâche, en passant d’une femme à l’autre, son « complément sexuel » et qui est condamné à aller de déception en déception.

* La discipline sexuelle n’a jamais rendu malade ni tué personne.

* L’amour est tout entier fait de bonté active. Il implique un don de soi et un sacrifice qui confinent à la religiosité au sens large du mot. Il signifie être humain pour ses semblables. Il se mesure à la capacité du dédoublement du moi profond de deux êtres, liés l’un à l’autre d’une manière exclusive et durable afin qu’ils puissent s’élever ensemble vers des joies plus hautes et faire bénéficier de leur force et de leur assurance la famille d’abord, puis l’ensemble de la communauté humaine. C’est ainsi que l’amour permettra à chacun de ceux qui le vivent de développer librement sa personnalité en se voulant librement solidaire de tous. 

* Le domaine de l’homme et de la femme est plus vaste que celui du mariage ; il englobe un vaste ensemble au centre duquel leur rencontre peut aussi prendre la forme du mariage.

* Si un homme quitte père et mère pour s’attacher à sa femme et devenir avec elle une seule chair, c’est parce que Dieu lui-même s’est uni définitivement à son peuple par l’élection et l’alliance. La promesse contenue dans Genèse 2/24 « c’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et il collera à sa femme, et ils deviendront pour une seule chair » est accomplie dans le Christ et l’Eglise. Tenir compte de cet accomplissement amène nécessairement à envisager d’une autre manière les relations de l’homme et de la femme. La nécessité de procréer notamment n’est plus un impératif…. Le Royaume de Dieu est venu, il annonce la fin des temps où seul compte encore vraiment ce qui est né de Dieu.

* Il est frappant de constater que dans le Nouveau Testament, le terme « gamos » désigne le mariage que dans un seul passage : « que le mariage soit honoré de tous » Hébreux 13/4 – alors que partout ailleurs il désigne les « noces » (et presque toujours les noces eschatologiques du Christ, l’Epoux).

* Dans Marc 12/25 Jésus ne dit pas, comme on interprète souvent ce texte, qu’il n’y aurait plus d’hommes et de femmes à la résurrection des morts ; mais il a explicitement affirmé qu’alors les hommes ne prendraient plus de femmes et les femmes ne prendraient plus de maris.

* Luc 14/26 : « si quelqu’un vient à moi, et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple » dit Jésus

I Corinthiens 11/11 : « dans le Seigneur, la femme ne va pas sans l’homme, ni l’homme sans la femme » Le mariage d’après I Corinthiens 7/7 et 17 est un acte reposant sur un don (charisma) ou un appel (klèsis).

* L’impossibilité pour un homme chrétien d’avoir des relations avec une prostituée vient du fait qu’il est « un seul Esprit avec le Seigneur » (I Corinthiens 6/17). K.Barth en déduit à l’inverse que l’union conjugale ne peut être dissociée du fait que nous sommes « un seul Esprit » avec le Seigneur. De même, le célibat ne peut être dissocié du fait que le célibataire est « un seul Esprit » avec le Seigneur. Jésus n’a pas institué le célibat comme un plus haut degré de perfection, ni le mariage comme une obligation. Il n’a pas non plus jeté le discrédit sur la vie sexuelle.

* Ce qui intéresse Paul dans son éthique du mariage ou du célibat « c’est, non pas la fin du monde qui passe, mais bien ce qui rend cette fin nécessaire : la venue souveraine du Seigneur qui règne par son Esprit et qui entend déjà être servi dans le temps présent. Il ne pense pas à la ruine qui menace (ce monde), mais à la reconstruction qui a déjà commencé secrètement grâce à la présence du Seigneur dans sa communauté ».

* S’il arrive que le chrétien entre dans la vie conjugale, ce n’est pas pour obéir à une « nécessité naturelle », mais en vertu d’un don particulier ; il se marie « dans le Seigneur » (I Corinthiens 7/29).

* « L’homme et la femme seront et resteront chacun pleinement conscients de leur sexualité particulière, même et, dirons-nous précisément dans leur relation afin que cette relation ait et garde le caractère d’une rencontre ». « La nature masculine et la nature féminine sont en effet la forme fondamentale originelle du « je » et du « tu », c’est-à-dire l’individualité qui différencie un être humain d’un autre être humain, tout en mettant en évidence ce qui les apparente ».

* « En fait, nous ne pouvons pas définir l’homme et la femme, mais seulement rappeler que Dieu les a créés tels, qu’ils sont liés l’un à l’autre dans leur différenciation spécifique, si bien que son commandement signifie aussi qu’ils doivent respecter cette différenciation – à cause de la relation qu’elle comporte ». « Est-il acceptable que les êtres humains puissent accepter qu’on leur dise : voilà ce que sont l’homme et la femme véritables, tels qu’ils se connaissent eux-mêmes ? » « C’est donc le commandement de Dieu qui apprend à l’homme et à la femme ce qu’est la masculinité ou la féminité qu’ils doivent fidèlement respecter… Au moment où le commandement de Dieu les touche, leur nature sexuelle respective ne pourra pas leur rester cachée. C’est ainsi qu’il leur permet à tous les deux de redécouvrir chaque fois d’une manière toute nouvelle leur être particulier, tel qu’il est devant Dieu, et d’y rester fidèle, sans se lier à toutes sortes d’idées préconçues ».

* K. Barth interprète les textes de I Cor. 11 (voile pour les femmes qui prient dans l’assemblée) et de I Cor. 14/34 (« que vos femmes se taisent dans les assemblées ») comme exprimant la volonté de Paul de faire respecter la dignité de la femme ; leur vraie nature de femme qui ne se trouve pas dans l’imitation de l’homme. Et K. Barth ajoute : « les applications de ce principe peuvent changer », l’important étant que la femme reste elle-même, sans intervertir son rôle avec l’homme. Mais il y a aussi une autre tentation que celle de l’interversion : c’est la neutralisation de l’identité masculine ou féminine. « On se place au-dessus des sexes pour chercher une tierce grandeur qui, soi-disant, les dépasserait – une essence qui leur serait commune et qui, par rapport à eux, serait indifférente. On entend par là une humanité qui ne serait masculine ou féminine qu’extérieurement, par accident, qu’en passant et secondairement à une niveau tout à fait inférieur, en vertu d’une contingence psychologique et biologique, ou peut-être même uniquement per nefas, à la sorte d’un trouble ou d’un bouleversement de caractère historique ou métaphysique – une humanité qui serait en somme unisexuée et par conséquent asexuée par rapport à sa bisexualité apparente,… une « troisième force » par rapport à la force masculine et féminine… Ce n’est pas par hasard que l’aura sacrée du mysticisme, de la mythologie et de la gnose a sans cesse accompagné ce rêve de l’homme et de la femme, cherchant à dépasser leur sexualité propre pour se mettre en quête d’un être neutre, qui soit non plus l’homme ou la femme dans ce qui les distingue, mais bien l’un et l’autre à la fois, et en même temps ni l’un ni l’autre. Cette démarche peut être présentée comme une tentative de donner une solution idéale au problème du célibat, ou même comme un essai de justifier le choix du célibat : qu’ai-je besoin du partenaire de l’autre sexe et que peut me faire l’obligation éventuelle de renoncer à l’amour et au mariage, puisque, homme, je suis aussi d’essence féminine, et que femme, je suis aussi d’essence masculine… ?…Ce qui compte alors dans le mariage, n’est pas que deux êtres s’unissent dans leur dualité, mais la suppression de cette dualité… Dès lors, l’éros et le mariage auraient pour but, non pas de réaliser la communion humaine entre les sexes, mais bien de conduire à une indifférence sexuelle qui permettrait le plein épanouissement de l’être humain tout entier, au-delà de la masculinité et de la féminité. » « Le domaine des sexes doit être humanisé… mais en aucun cas il ne devra être neutralisé… Par rapport à Dieu justement, les êtres humains ne peuvent cesser d’être homme et femme, ni tenir le fait de l’être pour inessentiel : ils ne sauraient devenir ni même essayer de devenir neutre, une tierce personne au-dessus de leur condition… c’est Dieu qui est pour eux l’unité : il leur épargne ainsi la peine et il leur interdit le rêve de chercher à être un en eux-mêmes et entre eux ».

* « Le désordre commence lorsque l’homme ou la femme, ou tous les deux, prétendent être humains, soit sans vouloir tenir compte de leur sexe, soit en le méprisant, soit même en le haïssant, parce qu’ils le considéreraient finalement comme une tare dont ils rendent Dieu responsable et dont ils voudraient être débarrassés : à leur idée, il existerait une nature humaine plus parfaite au-delà de toutes les différenciations sexuelles, et c’est vers elle qu’il faudrait tendre. C’est ici même que débute cette fuite loin de Dieu qui aboutit inévitablement dans l’inhumanité.

* K. Barth, à la suite de l’apôtre Paul (Romains 1) mais en lien l’homosexualité comme une conséquence de l’idolâtrie, mais il ajoute que ce refus du commandement de Dieu, il serait absurde d’en parler à l’être humain seulement quand les conséquences éclatent au grand jour. « Le commandement de Dieu – se dressant contre nos propres découvertes – révèle à chacun qu’il ne peut être authentiquement humain qu’en relation avec l’autre sexe : l’homme avec la femme et la femme avec l’homme. Dans la mesure où l’on accepte cette révélation, on cesse aussi de pouvoir accorder la moindre place à l’homosexualité… ».

* « Que nul ne pense qu’il puisse devenir humain sans se heurter à l’énigme – qu’est-ce qu’une femme ? – qu’est-ce qu’un homme ?… et surtout que nul ne s’imagine l’avoir déjà résolue. Etre humain signifie : ne jamais cesser de s’émerveiller et de désirer être au clair sur l’autre sexe. »

* Vivre humainement veut dire : entendre la question qui vient de l’autre sexe et s’y arrêter sans en prendre prétexte pour se glorifier ni même pour se tranquilliser… Par exemple, une œuvre masculine comme la guerre, qui est humainement si problématique, ne deviendrait-elle pas impossible si, tout à coup, la prise en considération du vis-à-vis de la femme revêtait pour l’homme le caractère déterminant et décisif qui lui revient ? Chaque fois que l’homme se dispense de tenir compte de la femme, il renforce le doute que la femme a naturellement sur son humanité, au lieu de le dissiper. Plus il renforce ce doute, c’est-à-dire plus le lien d’humanité entre l’homme et la femme devient lâche, et plus il rend douteuse sa propre humanité – en sorte que c’est l’humanité en général et comme telle qui se trouve remise en question pour les deux parties »

* « Si la précédence masculine n’était pas comprise comme une primauté de service, elle ne serai en aucun cas conforme à l’ordre voulu par Dieu (I Cor.11/2). Si vis-à-vis de la femme, l’homme devient une exousia, une autorité, celle-ci ne lui appartient pas d’abord, mais elle appartient au Christ – en sorte que l’homme ne peut qu’attester et représenter ce véritable détenteur de l’exousia… Le Seigneur a accepté une soumission infiniment plus grande que celle de la femme (« Dieu lui-même l’a fait péché pour nous » II Cor.5/21) et il est en même temps infiniment supérieur à l’homme. L’insertion de l’homme et de la femme dans l’ordre dont le Seigneur est Jésus-Christ ne peut donner lieu ni à une glorification de l’homme ni à une humiliation de la femme. Tout le passage d’Ephésiens 5 où est recommandée la soumission de la femme est en fait dominé par le verset 21 qui exhorte à la soumission mutuelle. Ce qui distingue l’homme tyrannique de l’homme fort c’est qu’il met l’ordre (voulu par le Seigneur) à son service au lieu de le servir. L’homme tyrannique considère la primauté comme un but en soi. A l’homme tyrannique ne correspond que trop bien, hélas une femme servile. Les deux attitudes sont désobéissance. La bonté est un élément essentiel de la responsabilité masculine.

* Que signifie la force masculine, sinon l’énergie avec laquelle l’homme a le droit d’assumer sa responsabilité, de prendre l’initiative, par rapport à sa femme, en se soumettant à l’ordre qui les lie l’un à l’autre ?

Le Mariage

  • Il n’existe pas de nécessité naturelle ni de commandement général de Dieu qui permettrait et prescrirait à chaque homme d’avoir sa femme, à chaque femme d’avoir son mari. Lorsqu’un homme et une femme reçoivent l’autorisation et l’ordre de se marier, c’est en vertu d’une « distinction » spéciale, d’une vocation divine, d’un don, d’une grâce. On entre et demeure dans l’état de mariage parce qu’on a reconnu que Dieu le veut et que, pour cette raison, on peut et doit le faire. De Matthieu 19/1-12 on peut penser que « la décision du mariage n’est pas un jeu d’enfant, mais l’entrée dans une terre sainte (au sens biblique du mot) qu’il est normal de considérer avec effroi ».
  • « La vie, elle, vient d’elle-même, comme elle est, sans qu’on la cherche, sans qu’on l’attende, parce qu’elle est la vie. Mais la communauté de vie ne tombe pas du ciel. Le mariage motivé par un amour authentique exige précisément qu’on le considère comme une œuvre à accomplir et dont on est responsable.
  • La communauté de vie qu’implique un vrai mariage libère l’homme et la femme en leur permettant d’être chacun ce qu’il est.
  • L’homme et la femme ne seraient pas deux et ne pourraient pas devenir un s’ils se comprenaient entièrement, s’ils ne s’aimaient pas en reconnaissant qu’ils sont un mystère l’un pour l’autre, s’ils vivaient ensemble sans respecter – non par résignation, mais volontiers – ce qu’ils ont d’incompréhensible l’un pour l’autre précisément parce qu’ils sont différents l’un de l’autre.
  • L’impossibilité de fonder l’éthique du mariage sur l’institution qui porte son nom est le fait bien connu de la polygamie.