Comment nous bénissons les homosexuels

Par Gilles Boucomont, pasteur de l’Eglise protestante unie du Marais, quartier gay de Paris

Dans un texte datant de 2012, le conseil presbytéral de l’Eglise protestante unie du Marais avait pris position pour un moratoire sur la question d’une évolution dans l’Eglise vers la bénédiction de couples homosexuels. A l’époque du débat civil sur le mariage de couples de même sexe, il avait sollicité que soient profondément révisées les lois sur le PACS, pour plus de justice sociale, mais que pour l’Eglise réformée soit maintenu le statu quo de 2004.

Pour autant un pasteur leader de la cause LGBT reconnaissait récemment que dans la sphère luthéro-réformée, cette même paroisse était presque la seule à pouvoir prétendre aux critères de l’inclusivité :
- tout être humain à la même valeur, quel que soit son sexe,
- tout être humain à la même valeur, quel que soit son orientation sexuelle,
- tout être humain est accueilli à l’église comme il est, et peut repartir changé par l’Évangile,
- l’identité sexuelle n’est pas le tout de l’identité,
- l’amour de Dieu est donné inconditionnellement à chacun,
- l’amour de Dieu conduit chacun à la repentance, pour une vie sanctifiée,
- chaque personne peut / doit être accompagnée personnellement,
- l’ostracisation d’un public spécifique dans l’Église est une abomination,
- l’homophobie n’est pas compatible avec la foi chrétienne.

Comment se peut-il qu’une paroisse opposée à la bénédiction d’homosexuels soit la paroisse qui pratique pour tant de personnes un accompagnement spirituel large et qui, de fait, se retrouve à bénir un nombre particulièrement important de personnes dites homosexuelles ?

 

Clarifier l’anthropologie

Nous l’avons développé ailleurs, mais une des bases de la pastorale locale de cette Eglise consiste à dénoncer un clivage admis de tous, et qui se veut descriptif au niveau comportemental, mais qui produit des effets mensongers, incompatibles avec les anthropologies bibliques. Il s’agit du clivage homosexuel/hétérosexuel.

Normaliser « l’hétérosexualité » comme un summum du projet de Dieu dans les Ecritures bibliques est un mensonge, car le projet de Dieu n’est pas de faire de nous des hétérosexuels, mais des personnes qui vont être complétées par UNE seule et unique personne, du sexe opposé.

Le texte qui fonde l’humanité sexuée (Genèse 1:27) en une seule séquence créationnelle va insister sur le fait que cette complémentarité homme-femme fait de l’humain une vraie image de Dieu. Dans le projet divin qui précédait, il s’agissait que l’humain soit créé non seulement « à son image » mais aussi « à sa ressemblance ». Or, lorsque l’humain mâle et femelle est créé, Dieu dit qu’il l’est à son image. Exit la ressemblance. Le but de la vie humaine est donc d’adjoindre la ressemblance à l’image. C’est très certainement le lieu que la tradition chrétienne appelle la sanctification : se conformer à l’image du Dieu vivant. C’est dans ce lieu-là que nous développons localement l’accompagnement spirituel : donner à chacun la possibilité de ressembler à Christ. « Vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. » (Galates 3:27).
A juste titre, les théologiens LGBT rappellent que le deuxième texte créationnel fonde l’humanité sexuée dans un second temps. L’humain, non sexué, est créé d’abord. La sexualité n’est donc pas une identité première. C’est dans un second temps que l’humain est dissocié par l’opération de la côte d’un Adam qui est « humanité » et non « Monsieur Adam ». De cette opération naît la double présence de l’homme (ish) et de la femme (ishah), qui aboutit au cri d’amour de Monsieur : « Voici, elle est l’os de mes os et la chair de ma chair » (Genèse 2:23). C’est surtout la ressemblance et ce que les philosophes contemporains appellent la « mêmeté » qui est mise en valeur par ce texte. Ils sont qualitativement identiques — c’est révolutionnaire. Et pourtant, a contrario de ce qu’affirment les théologiens LGBT,  de l’altérité véritable advient (un « ah » en plus à la fin de « ish ») qui permet la Joie d’une identité désormais relationnelle pour l’humain sexué.

 

Il n’y a ni homosexuels ni hétérosexuels

Le projet de Dieu est donc que l’être humain mâle, ou l’être humain femelle, devienne pleinement humain en trouvant la moitié de lui-même. Il s’agit juste de trouver la personne adéquate, qui est celle qui me fera advenir à ma propre identité, à mon moi véritable. L’enjeu n’est pas copulatoire, car sinon Adam se serait satisfait de l’un ou l’autre des animaux qui avaient précédemment défilé devant lui à la queue-leu-leu. Il s’agit bien de trouver un être unique. L’enjeu n’est même pas de trouver, pour moi qui suis un homme, des femmes ou une femme qui me plaisent, avec qui cela fonctionne, mais de trouver la femme unique qui est ma moitié, et qui me permet de ne plus croire que je suis un être humain complet. Ils étaient deux et ils forment une seule chair, « un seul être » (Genèse 2:24).

Il y a donc un mensonge à dire que le projet de Dieu est de promouvoir l’hétérosexualité.

Car le terme hétérosexualité induit une disponibilité de ma personne (puisque je suis un homme) pour toutes les femmes ! Alors que je suis destiné à une femme, la mienne, pour que je sois son homme. « La femme n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est le mari ; et pareillement, le mari n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est la femme. » (1 Corinthiens 7:4). Tout simplement parce qu’ils sont une seule chair ; une seule personne ou un seul être comme proposeront d’autres traductions.

S’il y a un mensonge à parler donc d’hétérosexualité, il y a un mensonge identique à parler d’homosexualité. Il y a seulement des gens qui se croient attirés par des personnes de même sexe, des gens qui pensent avoir toujours été faits pour des personnes de même sexe, des gens qui pensent s’être découverts progressivement faits pour des personnes de même sexe. Mais c’est une identité de construction, posée telle un habit sur l’identité humaine toute autre prévue par le Dieu de Jésus-Christ. Une identité falsifié comme s’en fabriquent les soi-disant hétérosexuels.

La Bible est incroyablement riche en exemples pour nous montrer des façons d’être hétérosexuel sur un mode dysfonctionnel !

C’est notre société qui nous impose de nous installer dans une identité à ce point fixée et labellisée par des appellations fallacieuses. Aucune personne N’EST homosexuelle pas plus que qui que ce soit ne serait hétérosexuel selon la définition que nous en avons donnée. Notre être tel que Dieu l’a programmé est qu’on soit ou bien célibataire, ou bien dûment uni à la personne de l’autre sexe qui fera pour toujours notre joie.
Mais cette manie de poser des termes sur notre être et notre identité plutôt que de ne décrire que des comportements nous empêchent de voir seulement :
- des hommes qui sont attirés par plusieurs femmes plutôt que  des « Dom Juan »,
- des femmes qui sont attirées par plusieurs hommes plutôt que des « séductrices »,
- des hommes qui sont attirés par des adolescentes plutôt que des « pédophiles »,
- des femmes qui sont attirées par des très jeunes hommes plutôt que des « cougars »,
- des hommes qui sont attirés par des hommes plutôt que des « gays »,
- des femmes qui sont attirées par des femmes plutôt que des « lesbiennes »…
Non ! rien de tout cela ! Personne N’EST cela !

Ces paroles, prononcées sur des créatures de Dieu, sont des malédictions !

Il y a seulement des gens qui ont du mal à rentrer dans le projet de Dieu et qui se focalisent sur ce que les psychologues appellent « de mauvais objets ». Que des non-chrétiens le fassent, cela ne nous pose aucun problème. C’est la loi du monde. Mais pour nous qui sommes chrétiens c’est fini, ce n’est plus possible.

 

Bénir ceux qui se croient encore homosexuels

« Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs. » (Galates 5:24). Le chrétien a décidé d’entrer pleinement dans le projet de vie scripturaire : une conjugalité d’alliance. Je ne parle même pas de « mariage », qui est bien une institution humaine. C’est un contrat parmi d’autres, comme le PACS, comme le certificat de concubinage. Je parle de l’alliance de mariage et pas du contrat de mariage. Les contrats ont été fondés par le Serpent de Genèse 3 et sont gérés par Mammon. Les contrats sont essentiellement composés de clauses qui modélisent la rupture, l’infidélité, la sortie du projet. L’alliance est une œuvre de Dieu lui-même et non pas une association d’humains contractuelle vaguement exposée au regard de Dieu. Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu de l’alliance. Le Serpent est le maître des contrats. L’Église bénit donc ce que Dieu bénit.

Le rôle bénissant de l’Église est donc de prononcer la liberté qui jaillit de la crucifixion de la chair avec ses passions et ses désirs. L’Église bénit des pécheurs et ne cautionne pas leur péché. Elle bénit des pécheurs qui sont prêts à se repentir et à entrer dans la sanctification. Elle bénit des pécheurs pour leur permettre, parfois APRÈS avoir été bénis, de reconnaître leur péché.

« Je confesse comme péché d’avoir considéré que j’étais hétérosexuel, et qu’incidemment, toutes les femmes de la terre étaient disponibles pour moi. »

Le péché, ce sont toutes ces identités artificielles dont s’est revêtue la créature de Dieu. Voilà pourquoi nous bénissons ceux qui se proclament homosexuels.
Nous les bénissons pour qu’ils quittent l’Egypte intérieure d’une définition mensongère d’eux-mêmes. Et nous les bénissons, à cet égard, exactement de la même façon que nous bénissons ceux qui pensent que leur identité est dans leur travail, ou dans leur nombre de followers sur Twitter. Bref, nous bénissons individuellement des humains qui ont endossé des vêtements sordides plutôt que de revêtir leur identité véritable.
« Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et n’ayez pas soin de la chair pour en satisfaire les convoitises. » (Romains 13:14)

C’est donc pour cette même raison que nous ne pouvons pas bénir un couple homosexuel, pas plus que nous ne prononcerions une bénédiction sur un couple homme-femme dûment passé par la mairie, s’il nous semble que ce couple est dans un mode relationnel dissymétrique et dangereux, de type père-fille plutôt que mari-femme, par exemple.

Nous bénissons des se-disant « homosexuels » individuellement :
- certains qui vivent une vie avec un partenaire dans la fidélité et depuis longtemps,
- certains qui sont dans un badinage flottant,
- certains qui s’astreignent à l’abstinence,
- certains qui souffrent bruyamment, victimes d’homophobie,
- certains qui souffrent en silence, insatisfaits par leur orientation…
Nous les bénissons parce que nous revenons, nous aussi, de loin. Parce que nous sommes nous-mêmes des grâciés, des fils et des filles de la bénédiction, qui sont, eux-aussi passés par le crible de la justice de Dieu et de la repentance, qui ont du se laisser « dépouiller du vieil homme et de ses œuvres » (Colossiens 3:9). Et que la clémence du Dieu vivant pour nous a été telle que nous serons les dernier à juger d’autres pécheurs comme si leur péché à eux était plus infamant que le nôtre.

« Tous ont péché et tous sont privés de la gloire de Dieu. Mais dans sa bonté, Dieu les rend justes gratuitement par Jésus-Christ, qui les libère du péché. »
Romains 3:23-24

Une réflexion au sujet de « Comment nous bénissons les homosexuels »

Les commentaires sont fermés.