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« Homme et femme » chez Karl Barth

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« L’homme et la femme » dans la dogmatique de Karl Barth
Réflexions de Matthias Helmlinger et citations

 

Qui est K.Barth et qu’est-ce que sa dogmatique ? Pour faire bref, voici ce que nous trouvons dans Wikipédia :« En 1932 paraît le premier volume de la Kirchliche Dogmatik (traduite en français sous le titre de « Dogmatique»), une œuvre – inachevée – dont il poursuivra la rédaction jusqu’à la fin de sa vie. Ce travail de réflexion ne le coupe pas de la réalité de son temps. Barth introduit la théologie au cœur de la vie quotidienne. En 1934, il est le principal auteur de la Déclaration théologique de Barmen, texte fondamental d’opposition chrétienne à l’idéologie nazie. Suspendu à cause de son refus de prêter serment au Führer, puis expulsé d’Allemagne, il devient professeur de théologie systématique à Bâle. Il participe à la première assemblée mondiale du Conseil œcuménique des Églises à Amsterdam, en 1948 : « N’est-il pas dit que nous devons chercher premièrement le Royaume de Dieu et sa justice ? » rappelle-t-il lors de la séance d’ouverture. Pour Barth, la Bible est l’interpellation que Dieu adresse aux hommes ». Ajoutons que Karl Barth est un théologien réformé, dans ce sens qu’il poursuit la pensée de Jean Calvin. Il ne néglige aucun texte biblique parlant de l’homme et de la femme, même les plus difficiles et les plus controversés (I Corinthiens 7, 11 et 14, Ephésiens 5, Matthieu 19)

 

J. Calvin écrit tout au début de son « Institution chrétienne » : « toute sagesse substantielle et véritable se résume pour l’homme en deux points : la connaissance de Dieu et la connaissance de soi. Ces deux savoirs sont si étroitement liés qu’on ne saurait dire lequel conduit l’autre ».

Cette pensée directrice de Calvin, nous la retrouvons sans cesse dans la dogmatique de Karl Barth : nous ne pouvons rien connaître de Dieu en dehors de sa Parole et nous ne pouvons rien connaître de l’être humain, masculin ou (et) féminin en dehors de cette même Parole.

A vrai dire, Karl Barth emploie souvent le mot « commandement » pour parler de cette Parole de Dieu. Si on veut bien le comprendre, il faut entendre « commandement » au sens large (comme THoRaH) : commandement, mais aussi création et promesse. Le commandement de Dieu nous permet de nous enraciner dans une réalité nouvelle et de nous projeter vers cette réalité : la création nouvelle en Jésus-Christ mort et ressuscité. Notre vie d’être humain découle de ce commandement.

Cette pensée directrice est libératrice de tous les conditionnements sociologiques déterminant ce qu’un homme, ce qu’est une femme, et à plus forte raison ce qu’est le mariage. Mais elle est aussi exigeante : nous ne devons plus penser notre masculinité ou notre féminité comme si nous savions à l’avance ce qu’elle est. C’est Dieu qui la crée par son commandement. A plus forte raison, ne connaissons-nous pas à l’avance ce qu’est le mariage. Il est impossible de fonder notre connaissance du mariage sur l’institution sociale du mariage, puisque selon les temps et les civilisations, elle admet la polygamie ou attribue des rôles erronés à l’homme ou à la femme dans le mariage.

 

Même ceux qui prônent actuellement le mariage d’êtres humains de même sexe devraient lire Karl Barth. Ils y trouveraient beaucoup d’affirmations libératrices. Bien sûr, Karl Barth ne néglige pas le texte de Romains 1 où l’homosexualité est mise en rapport avec une méconnaissance du Dieu vivant et créateur, donc avec l’idolâtrie. Mais il ajoute qu’il serait insensé de ne parler d’idolâtrie que lorsqu’on a affaire à des homosexuels. On peut vivre aux yeux de la société en couple hétérosexuel, alors que ni l’homme, ni la femme ne sont soumis au commandement de Dieu. A lire Karl Barth, il me vient la pensée qu’il faudrait créer un mouvement de libération des hommes. Non pas pour les libérer de leur femme, mais de leur fausse conception de l’autorité. Vue dans le Christ, l’autorité de l’homme dans le couple consiste à écouter sa femme, pour sa gloire et son épanouissement à elle et pour écouter le Christ auquel l’homme lui-même est soumis. En permettant à la femme d’exprimer sa féminité, l’homme découvre sa masculinité, mais toujours à l’écoute du commandement de Dieu.

 

Karl Barth a aussi de très belles pages sur le célibat. Il prend au sérieux l’affirmation de l’apôtre Paul qu’en Christ « l’homme n’est pas sans la femme, ni la femme sans l’homme »I Corinthiens 11/11. Jésus-Christ a enseigné que le mariage n’est pas une obligation d’ordre naturelle mais que l’être humain ne doit s’y engager que s’il a un appel de Dieu pour cela. Le mariage doit s’accomplir « dans le Seigneur ». Inversement, le Seigneur peut aussi appeler au célibat un homme ou une femme. Cet enseignement a bouleversé et stupéfié les disciples de Jésus. Considérant cela, l’EPUdF devrait réfléchir à l’affirmation martelée dans ses documents : « l’EPUdF ne marie pas ». Pour les célibataires, cet enseignement est libérateur, car « dans le Seigneur, l’homme n’est pas sans la femme, ni la femme sans l’homme » I Cor.11/11.

La différence sexuelle, telle que voulue par Dieu n’est pas une malédiction, mais une bénédiction, qu’on soit ou non marié. Ce n’est pas une « maladie » ou un « handicap » que de ne pas avoir de relations sexuelles, si on est célibataire : la personne célibataire existe en tant que personne sexuée, elle est voulue telle par Dieu et peut s’émerveiller elle aussi sans cesse de la différenciation sexuelle qui naît du commandement de Dieu. S’émerveiller est une façon de louer Dieu.

 

Cette pensée, que Karl Barth développe à partir de la Bible atteint de plein fouet la tentation humaine d’imaginer, en plus du genre masculin et du genre féminin, un troisième genre, qui serait « neutre ». Ecrivant en 1932, Karl Barth ne pouvait imaginer combien ses propos seraient d’actualité, quatre vingt deux ans plus tard, alors que des groupes de pression cherchent à diffuser cette théorie d’un genre qui serait neutre à la naissance. A son époque, Karl Barth voit cette tentation s’exprimer dans la gnose et le mysticisme, qui voudraient dépasser la condition masculine ou féminine dans une spiritualité qui ne serait plus corporellement sexuée. Certains courants psychologiques peuvent aussi nous faire croire qu’au fond, il y a le féminin et le masculin dans chaque être humain. Poussées à l’extrême, ces doctrines sont aussi une façon de nier le commandement de Dieu qui place chaque être humain dans une condition masculine ou féminine.   Nos problèmes sexuels ne disparaîtraient pas si nous pouvions dépasser notre condition masculine ou féminine. Fions-nous au commandement de Dieu qui nous a créés et nous crée toujours masculin ou féminin. Tout ce que Dieu a créé est bon. Mais n’oublions pas que cette création est toujours actuelle.

 

Cessons de nous culpabiliser ou de culpabiliser qui que ce soit : le commandement de Dieu, c’est une promesse pleine de miséricorde. Voici en conclusion les belles affirmations de K.Barth à ce sujet :

« lorsque le commandement de Dieu rencontre un homme il fait apparaître sa transgression… mais le commandement possède aussi ce pouvoir de montrer à l’homme que sa transgression est, en définitive, quelque chose qui lui est étranger – le pouvoir de le rendre indépendant et responsable vis-à-vis de cette transgression, de le dresser et de le mobiliser contre elle. Le commandement lui apprend en effet que Dieu est bon pour lui – non pas à cause de sa transgression, non pas par indifférence, mais en dépit d’elle – et qu’intervenant entre lui et son péché, Il prend parti pour lui. .. Dieu lui-même, par son intervention miséricordieuse, crée en nous ce vouloir et ce faire, c’est-à-dire le pouvoir de lutter contre nous-mêmes et contre nos transgressions, le pouvoir de combattre d’une manière très concrète le désordre dans lequel nous vivons. … Là où l’être humain n’est pas fidèle au commandement, c’est le commandement qui lui reste fidèle. »

Nous joignons à nos réflexions des extraits du chapitre « L’homme et la femme » §54 « La liberté dans la communauté » de la dogmatique de Karl Barth.

Elles peuvent intéresser même les personnes qui ne sont pas concernées par le débat synodal 2014-2015 de l’EPUdF et qui veulent construire leur couple ou leur célibat selon le « commandement de Dieu ».

Elles peuvent inspirer ceux qui doivent prêcher lors d’une cérémonie de mariage :

* C’est dans la totalité de leur être que l’homme et la femme vivent leur vie sexuelle.

* Si la sexualité devient quelque chose d’autonome, si on lui attribue le droit et le pouvoir de dominer l’homme et la femme, en un mot, si elle « remplit » la rencontre entre l’homme et la femme, elle est tout simplement démoniaque. Le commandement de Dieu s’opposera toujours à l’impérialisme de la sexualité et des rapports sexuels.

* Le commandement de Dieu revendique l’être humain tout entier.

* L’union intime de l’homme et de la femme est « chaste », honorable et réellement sexuelle lorsqu’elle fait partie d’une communion où l’Esprit, l’amour, le travail, la joie et la souffrance jouent leur rôle, où c’est vraiment toute leur vie qui rend nécessaire et justifie à tel moment cette intimité totale.

* Dire de deux êtres qu’ils deviennent « une seule chair » ou un seul « corps » c’est donc affirmer qu’ils sont unis physiquement, mais aussi que leur être tout entier devient un dans une communion totale et indissoluble.

* Le fait d’être « un seul Esprit avec le Seigneur » exclut qu’on puisse être un seul corps avec une prostituée.

* L’éros humain se distingue de l’éros de la bête en ce qu’il ne nous contraint pas à l’acte sexuel. L’individu qui ne connaît que l’instinct physique et ses servitudes est « érotiquement » anormal. L’individu normal est à la fois engagé et libre dans l’acte sexuel : il sait y chercher et y découvrir la libre personne et la personne tout entière de « l’autre ».

* L’union sexuelle fait partie de l’amour mais dans la liberté. L’amour n’en attendra pas tout, et par conséquent il ne « tournera » pas constamment autour de ce problème. Le désir sexuel est subordonné à l’unité de l’être humain. Sinon, ce n’est plus à la personne de « l’autre » que l’on s’intéresse, mais à « quelque chose » en elle, à la « valeur sexuelle » qu’elle représente. Il n’est pas vrai que l’expérience sexuelle est la même dans l’amour authentique et partagé, que dans n’importe quel assouvissement passager d’un désir égoïste. Loin d’être un grand « érotique » Don Juan est au contraire le type de « l’impuissant » et du faible en amour, qui poursuit sans relâche, en passant d’une femme à l’autre, son « complément sexuel » et qui est condamné à aller de déception en déception.

* La discipline sexuelle n’a jamais rendu malade ni tué personne.

* L’amour est tout entier fait de bonté active. Il implique un don de soi et un sacrifice qui confinent à la religiosité au sens large du mot. Il signifie être humain pour ses semblables. Il se mesure à la capacité du dédoublement du moi profond de deux êtres, liés l’un à l’autre d’une manière exclusive et durable afin qu’ils puissent s’élever ensemble vers des joies plus hautes et faire bénéficier de leur force et de leur assurance la famille d’abord, puis l’ensemble de la communauté humaine. C’est ainsi que l’amour permettra à chacun de ceux qui le vivent de développer librement sa personnalité en se voulant librement solidaire de tous. 

* Le domaine de l’homme et de la femme est plus vaste que celui du mariage ; il englobe un vaste ensemble au centre duquel leur rencontre peut aussi prendre la forme du mariage.

* Si un homme quitte père et mère pour s’attacher à sa femme et devenir avec elle une seule chair, c’est parce que Dieu lui-même s’est uni définitivement à son peuple par l’élection et l’alliance. La promesse contenue dans Genèse 2/24 « c’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et il collera à sa femme, et ils deviendront pour une seule chair » est accomplie dans le Christ et l’Eglise. Tenir compte de cet accomplissement amène nécessairement à envisager d’une autre manière les relations de l’homme et de la femme. La nécessité de procréer notamment n’est plus un impératif…. Le Royaume de Dieu est venu, il annonce la fin des temps où seul compte encore vraiment ce qui est né de Dieu.

* Il est frappant de constater que dans le Nouveau Testament, le terme « gamos » désigne le mariage que dans un seul passage : « que le mariage soit honoré de tous » Hébreux 13/4 – alors que partout ailleurs il désigne les « noces » (et presque toujours les noces eschatologiques du Christ, l’Epoux).

* Dans Marc 12/25 Jésus ne dit pas, comme on interprète souvent ce texte, qu’il n’y aurait plus d’hommes et de femmes à la résurrection des morts ; mais il a explicitement affirmé qu’alors les hommes ne prendraient plus de femmes et les femmes ne prendraient plus de maris.

* Luc 14/26 : « si quelqu’un vient à moi, et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple » dit Jésus

I Corinthiens 11/11 : « dans le Seigneur, la femme ne va pas sans l’homme, ni l’homme sans la femme » Le mariage d’après I Corinthiens 7/7 et 17 est un acte reposant sur un don (charisma) ou un appel (klèsis).

* L’impossibilité pour un homme chrétien d’avoir des relations avec une prostituée vient du fait qu’il est « un seul Esprit avec le Seigneur » (I Corinthiens 6/17). K.Barth en déduit à l’inverse que l’union conjugale ne peut être dissociée du fait que nous sommes « un seul Esprit » avec le Seigneur. De même, le célibat ne peut être dissocié du fait que le célibataire est « un seul Esprit » avec le Seigneur. Jésus n’a pas institué le célibat comme un plus haut degré de perfection, ni le mariage comme une obligation. Il n’a pas non plus jeté le discrédit sur la vie sexuelle.

* Ce qui intéresse Paul dans son éthique du mariage ou du célibat « c’est, non pas la fin du monde qui passe, mais bien ce qui rend cette fin nécessaire : la venue souveraine du Seigneur qui règne par son Esprit et qui entend déjà être servi dans le temps présent. Il ne pense pas à la ruine qui menace (ce monde), mais à la reconstruction qui a déjà commencé secrètement grâce à la présence du Seigneur dans sa communauté ».

* S’il arrive que le chrétien entre dans la vie conjugale, ce n’est pas pour obéir à une « nécessité naturelle », mais en vertu d’un don particulier ; il se marie « dans le Seigneur » (I Corinthiens 7/29).

* « L’homme et la femme seront et resteront chacun pleinement conscients de leur sexualité particulière, même et, dirons-nous précisément dans leur relation afin que cette relation ait et garde le caractère d’une rencontre ». « La nature masculine et la nature féminine sont en effet la forme fondamentale originelle du « je » et du « tu », c’est-à-dire l’individualité qui différencie un être humain d’un autre être humain, tout en mettant en évidence ce qui les apparente ».

* « En fait, nous ne pouvons pas définir l’homme et la femme, mais seulement rappeler que Dieu les a créés tels, qu’ils sont liés l’un à l’autre dans leur différenciation spécifique, si bien que son commandement signifie aussi qu’ils doivent respecter cette différenciation – à cause de la relation qu’elle comporte ». « Est-il acceptable que les êtres humains puissent accepter qu’on leur dise : voilà ce que sont l’homme et la femme véritables, tels qu’ils se connaissent eux-mêmes ? » « C’est donc le commandement de Dieu qui apprend à l’homme et à la femme ce qu’est la masculinité ou la féminité qu’ils doivent fidèlement respecter… Au moment où le commandement de Dieu les touche, leur nature sexuelle respective ne pourra pas leur rester cachée. C’est ainsi qu’il leur permet à tous les deux de redécouvrir chaque fois d’une manière toute nouvelle leur être particulier, tel qu’il est devant Dieu, et d’y rester fidèle, sans se lier à toutes sortes d’idées préconçues ».

* K. Barth interprète les textes de I Cor. 11 (voile pour les femmes qui prient dans l’assemblée) et de I Cor. 14/34 (« que vos femmes se taisent dans les assemblées ») comme exprimant la volonté de Paul de faire respecter la dignité de la femme ; leur vraie nature de femme qui ne se trouve pas dans l’imitation de l’homme. Et K. Barth ajoute : « les applications de ce principe peuvent changer », l’important étant que la femme reste elle-même, sans intervertir son rôle avec l’homme. Mais il y a aussi une autre tentation que celle de l’interversion : c’est la neutralisation de l’identité masculine ou féminine. « On se place au-dessus des sexes pour chercher une tierce grandeur qui, soi-disant, les dépasserait – une essence qui leur serait commune et qui, par rapport à eux, serait indifférente. On entend par là une humanité qui ne serait masculine ou féminine qu’extérieurement, par accident, qu’en passant et secondairement à une niveau tout à fait inférieur, en vertu d’une contingence psychologique et biologique, ou peut-être même uniquement per nefas, à la sorte d’un trouble ou d’un bouleversement de caractère historique ou métaphysique – une humanité qui serait en somme unisexuée et par conséquent asexuée par rapport à sa bisexualité apparente,… une « troisième force » par rapport à la force masculine et féminine… Ce n’est pas par hasard que l’aura sacrée du mysticisme, de la mythologie et de la gnose a sans cesse accompagné ce rêve de l’homme et de la femme, cherchant à dépasser leur sexualité propre pour se mettre en quête d’un être neutre, qui soit non plus l’homme ou la femme dans ce qui les distingue, mais bien l’un et l’autre à la fois, et en même temps ni l’un ni l’autre. Cette démarche peut être présentée comme une tentative de donner une solution idéale au problème du célibat, ou même comme un essai de justifier le choix du célibat : qu’ai-je besoin du partenaire de l’autre sexe et que peut me faire l’obligation éventuelle de renoncer à l’amour et au mariage, puisque, homme, je suis aussi d’essence féminine, et que femme, je suis aussi d’essence masculine… ?…Ce qui compte alors dans le mariage, n’est pas que deux êtres s’unissent dans leur dualité, mais la suppression de cette dualité… Dès lors, l’éros et le mariage auraient pour but, non pas de réaliser la communion humaine entre les sexes, mais bien de conduire à une indifférence sexuelle qui permettrait le plein épanouissement de l’être humain tout entier, au-delà de la masculinité et de la féminité. » « Le domaine des sexes doit être humanisé… mais en aucun cas il ne devra être neutralisé… Par rapport à Dieu justement, les êtres humains ne peuvent cesser d’être homme et femme, ni tenir le fait de l’être pour inessentiel : ils ne sauraient devenir ni même essayer de devenir neutre, une tierce personne au-dessus de leur condition… c’est Dieu qui est pour eux l’unité : il leur épargne ainsi la peine et il leur interdit le rêve de chercher à être un en eux-mêmes et entre eux ».

* « Le désordre commence lorsque l’homme ou la femme, ou tous les deux, prétendent être humains, soit sans vouloir tenir compte de leur sexe, soit en le méprisant, soit même en le haïssant, parce qu’ils le considéreraient finalement comme une tare dont ils rendent Dieu responsable et dont ils voudraient être débarrassés : à leur idée, il existerait une nature humaine plus parfaite au-delà de toutes les différenciations sexuelles, et c’est vers elle qu’il faudrait tendre. C’est ici même que débute cette fuite loin de Dieu qui aboutit inévitablement dans l’inhumanité.

* K. Barth, à la suite de l’apôtre Paul (Romains 1) mais en lien l’homosexualité comme une conséquence de l’idolâtrie, mais il ajoute que ce refus du commandement de Dieu, il serait absurde d’en parler à l’être humain seulement quand les conséquences éclatent au grand jour. « Le commandement de Dieu – se dressant contre nos propres découvertes – révèle à chacun qu’il ne peut être authentiquement humain qu’en relation avec l’autre sexe : l’homme avec la femme et la femme avec l’homme. Dans la mesure où l’on accepte cette révélation, on cesse aussi de pouvoir accorder la moindre place à l’homosexualité… ».

* « Que nul ne pense qu’il puisse devenir humain sans se heurter à l’énigme – qu’est-ce qu’une femme ? – qu’est-ce qu’un homme ?… et surtout que nul ne s’imagine l’avoir déjà résolue. Etre humain signifie : ne jamais cesser de s’émerveiller et de désirer être au clair sur l’autre sexe. »

* Vivre humainement veut dire : entendre la question qui vient de l’autre sexe et s’y arrêter sans en prendre prétexte pour se glorifier ni même pour se tranquilliser… Par exemple, une œuvre masculine comme la guerre, qui est humainement si problématique, ne deviendrait-elle pas impossible si, tout à coup, la prise en considération du vis-à-vis de la femme revêtait pour l’homme le caractère déterminant et décisif qui lui revient ? Chaque fois que l’homme se dispense de tenir compte de la femme, il renforce le doute que la femme a naturellement sur son humanité, au lieu de le dissiper. Plus il renforce ce doute, c’est-à-dire plus le lien d’humanité entre l’homme et la femme devient lâche, et plus il rend douteuse sa propre humanité – en sorte que c’est l’humanité en général et comme telle qui se trouve remise en question pour les deux parties »

* « Si la précédence masculine n’était pas comprise comme une primauté de service, elle ne serai en aucun cas conforme à l’ordre voulu par Dieu (I Cor.11/2). Si vis-à-vis de la femme, l’homme devient une exousia, une autorité, celle-ci ne lui appartient pas d’abord, mais elle appartient au Christ – en sorte que l’homme ne peut qu’attester et représenter ce véritable détenteur de l’exousia… Le Seigneur a accepté une soumission infiniment plus grande que celle de la femme (« Dieu lui-même l’a fait péché pour nous » II Cor.5/21) et il est en même temps infiniment supérieur à l’homme. L’insertion de l’homme et de la femme dans l’ordre dont le Seigneur est Jésus-Christ ne peut donner lieu ni à une glorification de l’homme ni à une humiliation de la femme. Tout le passage d’Ephésiens 5 où est recommandée la soumission de la femme est en fait dominé par le verset 21 qui exhorte à la soumission mutuelle. Ce qui distingue l’homme tyrannique de l’homme fort c’est qu’il met l’ordre (voulu par le Seigneur) à son service au lieu de le servir. L’homme tyrannique considère la primauté comme un but en soi. A l’homme tyrannique ne correspond que trop bien, hélas une femme servile. Les deux attitudes sont désobéissance. La bonté est un élément essentiel de la responsabilité masculine.

* Que signifie la force masculine, sinon l’énergie avec laquelle l’homme a le droit d’assumer sa responsabilité, de prendre l’initiative, par rapport à sa femme, en se soumettant à l’ordre qui les lie l’un à l’autre ?

Le Mariage

  • Il n’existe pas de nécessité naturelle ni de commandement général de Dieu qui permettrait et prescrirait à chaque homme d’avoir sa femme, à chaque femme d’avoir son mari. Lorsqu’un homme et une femme reçoivent l’autorisation et l’ordre de se marier, c’est en vertu d’une « distinction » spéciale, d’une vocation divine, d’un don, d’une grâce. On entre et demeure dans l’état de mariage parce qu’on a reconnu que Dieu le veut et que, pour cette raison, on peut et doit le faire. De Matthieu 19/1-12 on peut penser que « la décision du mariage n’est pas un jeu d’enfant, mais l’entrée dans une terre sainte (au sens biblique du mot) qu’il est normal de considérer avec effroi ».
  • « La vie, elle, vient d’elle-même, comme elle est, sans qu’on la cherche, sans qu’on l’attende, parce qu’elle est la vie. Mais la communauté de vie ne tombe pas du ciel. Le mariage motivé par un amour authentique exige précisément qu’on le considère comme une œuvre à accomplir et dont on est responsable.
  • La communauté de vie qu’implique un vrai mariage libère l’homme et la femme en leur permettant d’être chacun ce qu’il est.
  • L’homme et la femme ne seraient pas deux et ne pourraient pas devenir un s’ils se comprenaient entièrement, s’ils ne s’aimaient pas en reconnaissant qu’ils sont un mystère l’un pour l’autre, s’ils vivaient ensemble sans respecter – non par résignation, mais volontiers – ce qu’ils ont d’incompréhensible l’un pour l’autre précisément parce qu’ils sont différents l’un de l’autre.
  • L’impossibilité de fonder l’éthique du mariage sur l’institution qui porte son nom est le fait bien connu de la polygamie.

Fécondités

Il y a d’autres formes de fécondité que la fécondité biologique. Ce qui est parfaitement vrai, et en particulier dans l’Eglise. En effet, le témoignage qui appelle à Jésus-Christ, qui ouvre le chemin de la foi, peut légitimement être qualifié de fécond, car « à tous ceux qui reçoivent la parole de Dieu venue dans le monde, elle donne le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jean 1.12). Il s’agit de la fécondité de la foi, qui est le fruit du mariage avec l’Esprit-Saint, fécondité parlaquelle des hommes et des femmes qui étaient pour la mort renaissent à la vie. Et c’est en raison de cette fécondité, fondée dans la liberté de Dieu, que tous ceux qu’il appelle à devenir membres de l’Eglise y ont leur place pleine et entière, quel que soit leur état dans la chair. A ce titre, il n’y a dans l’Eglise ni homosexuels ni hétérosexuels chrétiens, célibataires ou en couple, mais seulement des chrétiens, dans la vie desquels Dieu investit la fécondité de la foi, selon sa volonté, afin qu’ils rendent témoignage non pas de ce qu’ils sont, mais du salut que Dieu adresse à leurs semblables en Jésus-Christ.
Tous ces chrétiens, et quel que soit
ce qu’ils sont pour le monde, sont l’objet de la même bénédiction de Dieu, de sa même présence avec eux dans l’œuvre quotidienne de son salut. Mais au sein de cette bénédiction, la bénédiction particulière que Dieu adresse à ceux qu’il appelle, en tant qu’époux, à la procréation, leur est bien spécifique, de même que leur fécondité est bien spécifique : parce qu’elle n’est pas relative au ministère du salut, mais au ministère de la création elle-même.

J.-Y. Peter

« Ce que Dieu a uni »

à partir de Matthieu 19, 1 à 12

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L’institution civile du mariage est depuis plusieurs dizaines d’années progressivement relativisée par le législateur et rapprochée d’autres formes de vie à deux comme le pacs et le concubinage. Cette institution est aussi souvent réduite à un simple acte administratif par ceux-là même qui demandent la bénédiction de leur mariage à l’église. Les débats en cours dans l’EPUdF voient  émerger une nouvelle étape de l’affaiblissement du mariage. En substance, l’intention manifestée par quelques-uns est de  bénir des couples mariés ou non et leur projet de vie. Une manière subtile d’éviter de poser dans nos églises la question du mariage.

C’est oublier que Jésus parle du mariage et en confirme explicitement le contenu et les fondements. Dans le passage de Matthieu 19, 1 à 15, il est clair pour Jésus que le texte de Genèse 1,27 fonde l’institution du mariage. En ajoutant une citation extraite du second récit de la création de l’homme et de la femme (Genèse 2, 24), Jésus, exégète de la Genèse lit et relie ensemble deux récits que nous opposons souvent. Le contexte de cet enseignement ne laisse aucune ambiguïté, Jésus parle bien de l’union entre un homme et une femme. Il en parle même comme d’un mariage indissoluble sauf en cas d’union illégale et sauf à prendre en compte la dureté du cœur de l’homme. Les deux citations faites par Jésus du début de la Genèse nous invitent à saisir la substance universelle du mariage. Ce n’est pas tant que chaque mariage ne puisse pas être rompu – nous savons bien à la suite de Moïse et de Jésus que ce n’est pas le cas, à cause de la dureté de notre cœur – mais c’est l’institution même du mariage voulue par Dieu au commencement, qui est indissoluble, malgré toutes les faiblesses humaines possibles.

Le mariage n’est pas qu’une institution civile. Il est avant tout une institution divine et il est une vocation. Pour Jésus, c’est Dieu lui même qui unit l’homme qui, quittant son père et sa mère  s’attache à sa femme : « que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ». Nous n’avons pas fini – et peut-être avons-nous à peine commencé pour notre époque, d’explorer l’impact de cette affirmation de la Genèse, confirmée par le Christ et qui n’a rien à voir avec des allégations très incertaines – bibliquement – sur le mariage puis la bénédiction de couples homosexuels.

Le mot « mariage » et la prérogative de « marier » ont été retirés aux églises par la république. C’est une chose qui s’explique par notre histoire hexagonale. Il y a cependant beaucoup d’églises protestantes dans le monde qui « marient ».  L’histoire française ne suffit pas pour légitimer nos églises à rechercher  le sens du couple et du mariage dans des lois humaines ou des appréciations régies par la dureté du cœur de l’homme. Il s’agit plutôt pour les églises et les disciples de Jésus de rechercher dans la promesse du Dieu éternellement fidèle, ce qu’est la saveur et la valeur du couple marié. Pour éviter les confusions entre le mariage selon la république et le mariage selon la Bible, il serait peut-être juste de donner un nouveau nom à l’union – ou alliance – chrétienne d’un homme et d’une femme. Pour cela, il faudrait d’abord approfondir la réalité d’un mariage chrétien, quand Dieu lui-même unit une femme et un homme. Au reste, la revendication montante dans nos églises de bénir des couples qui ne sont pas forcément « mariés » selon les lois de la république pourrait bien – certes involontairement – rejoindre le souhait exprimé ici, de voir nos églises revenir sur ce qu’est une union ou une alliance chrétienne en relançant une réflexion commune, des formations adaptées et un accompagnement ecclésial sérieux.

Il est remarquable que ce texte de Matthieu 19 sur le mariage prenne place après un long et bouleversant enseignement de Jésus sur le renouvellement des relations et le pardon (chapitre 18) et se prolonge par l’accueil et la bénédiction des enfants (v. 13ss). Avec la question du mariage, nous ne sommes pas dans la morale ou le conformisme social, mais dans le registre de la foi et du projet généreux de Dieu qui donne à nos fragiles résolutions ce qu’il ordonne.

Je suis très heureux que la bénédiction soit l’occasion cette année de nombreux partages et approfondissements. La question de la bénédiction des couples mariés civilement ou non, de personnes hétérosexuelles ou homosexuelles me paraît  injustement posée dès lors qu’elle n’est pas mise en relation avec le projet de Dieu pour sa création. Ce projet implique au premier chef l’humanité, c’est à dire le couple, l’homme et la femme appelés à former une seule chair. La bénédiction de Dieu accompagnant la réalisation de ce projet dans les bons et les mauvais jours. Qui pourrait nier qu’à notre époque, les hommes et les femmes de notre Occident n’ont pas besoin sur ce sujet d’entendre une véritable Bonne Nouvelle ?

Cela fait « catholique romain » de s’exprimer en rappelant que le mariage est une alliance voulue par Dieu avec le consentement d’un homme et d’une femme et qu’il tend à l’indissolubilité. Sans tout approuver, et de loin, dans la doctrine romaine du mariage, je suis très reconnaissant à la grande sœur d’avoir gardé vive, la considération que le couple marié est appelé à avoir une place singulière et éminente dans l’économie du monde créé. Il y a dans la Bible une vocation spécifique du couple uni par Dieu dans le monde. C’est par manque de vision claire de ce qui nous est donné que nous nous posons des questions qui n’ont pas et ne peuvent pas avoir de réponses justes et bonnes.

Tous ne sont pas appelés à vivre dans le mariage. Jésus l’évoque également à la fin de ce passage (versets 10 à 12) : les accidents de la nature, la cruauté des hommes, un appel singulier de Dieu. Nous pouvons connaître ces différentes situations. Elles sont évoquées par le Christ avec tact, sans aucune dévalorisation des unes ou survalorisation des autres, mais surtout sans altérer les fondements et les promesses qui s’attachent au mariage d’un homme et d’une femme. Nous ne comprenons pas tout et Jésus ne nous a pas tout dit clairement sur tous les sujets. Mais ce qui est difficile à comprendre ne devrait pas avoir comme conséquence d’embrouiller ce qui est donné et possible aujourd’hui de recevoir dans la clarté.

Pascal Geoffroy

Se condamnant

Il n’est pas question d’estimer les vertus ou les méfaits pour la société de l’homosexualité. « Tu es inexcusable, qui que tu sois, toi qui juges», écrit Paul aux romains (2.1), après avoir dressé une longue liste des « impuretés » et « choses indignes » auxquelles se livrent ceux qui «se vantent d’être sages» et «ne jugent pas bon d’avoir la connaissance de Dieu» (1.21-32) – liste par laquelle tout le monde s’entendra désigner. D’où la suite : « Tu es inexcusable car en jugeant les autres, tu te condamnes toi-même, puisque toi qui juges, tu fais comme eux. » Le message est clair : tout homme qui condamne un autre homme – c’est- à-dire conteste, pour quelque raison que ce soit, la valeur absolue de son existence – se condamne lui-même. Si donc l’Eglise ne peut pas bénir un mariage homosexuel, ce n’est pas parce que l’homosexualité, « c’est mal », car il n’est conforme à la mission de l’Eglise ni de condamner l’homosexualité, ni de l’approuver. L’Eglise n’a pas mission de désigner ce qui est mal, mais d’annoncer ce qui est le bien et ce par quoi le bien s’accomplit pour les hommes : l’Evangile de Jésus-Christ.

 

J.-Y. Peter

Comment nous bénissons les homosexuels

Par Gilles Boucomont, pasteur de l’Eglise protestante unie du Marais, quartier gay de Paris

Dans un texte datant de 2012, le conseil presbytéral de l’Eglise protestante unie du Marais avait pris position pour un moratoire sur la question d’une évolution dans l’Eglise vers la bénédiction de couples homosexuels. A l’époque du débat civil sur le mariage de couples de même sexe, il avait sollicité que soient profondément révisées les lois sur le PACS, pour plus de justice sociale, mais que pour l’Eglise réformée soit maintenu le statu quo de 2004.

Pour autant un pasteur leader de la cause LGBT reconnaissait récemment que dans la sphère luthéro-réformée, cette même paroisse était presque la seule à pouvoir prétendre aux critères de l’inclusivité :
- tout être humain à la même valeur, quel que soit son sexe,
- tout être humain à la même valeur, quel que soit son orientation sexuelle,
- tout être humain est accueilli à l’église comme il est, et peut repartir changé par l’Évangile,
- l’identité sexuelle n’est pas le tout de l’identité,
- l’amour de Dieu est donné inconditionnellement à chacun,
- l’amour de Dieu conduit chacun à la repentance, pour une vie sanctifiée,
- chaque personne peut / doit être accompagnée personnellement,
- l’ostracisation d’un public spécifique dans l’Église est une abomination,
- l’homophobie n’est pas compatible avec la foi chrétienne.

Comment se peut-il qu’une paroisse opposée à la bénédiction d’homosexuels soit la paroisse qui pratique pour tant de personnes un accompagnement spirituel large et qui, de fait, se retrouve à bénir un nombre particulièrement important de personnes dites homosexuelles ?

 

Clarifier l’anthropologie

Nous l’avons développé ailleurs, mais une des bases de la pastorale locale de cette Eglise consiste à dénoncer un clivage admis de tous, et qui se veut descriptif au niveau comportemental, mais qui produit des effets mensongers, incompatibles avec les anthropologies bibliques. Il s’agit du clivage homosexuel/hétérosexuel.

Normaliser « l’hétérosexualité » comme un summum du projet de Dieu dans les Ecritures bibliques est un mensonge, car le projet de Dieu n’est pas de faire de nous des hétérosexuels, mais des personnes qui vont être complétées par UNE seule et unique personne, du sexe opposé.

Le texte qui fonde l’humanité sexuée (Genèse 1:27) en une seule séquence créationnelle va insister sur le fait que cette complémentarité homme-femme fait de l’humain une vraie image de Dieu. Dans le projet divin qui précédait, il s’agissait que l’humain soit créé non seulement « à son image » mais aussi « à sa ressemblance ». Or, lorsque l’humain mâle et femelle est créé, Dieu dit qu’il l’est à son image. Exit la ressemblance. Le but de la vie humaine est donc d’adjoindre la ressemblance à l’image. C’est très certainement le lieu que la tradition chrétienne appelle la sanctification : se conformer à l’image du Dieu vivant. C’est dans ce lieu-là que nous développons localement l’accompagnement spirituel : donner à chacun la possibilité de ressembler à Christ. « Vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. » (Galates 3:27).
A juste titre, les théologiens LGBT rappellent que le deuxième texte créationnel fonde l’humanité sexuée dans un second temps. L’humain, non sexué, est créé d’abord. La sexualité n’est donc pas une identité première. C’est dans un second temps que l’humain est dissocié par l’opération de la côte d’un Adam qui est « humanité » et non « Monsieur Adam ». De cette opération naît la double présence de l’homme (ish) et de la femme (ishah), qui aboutit au cri d’amour de Monsieur : « Voici, elle est l’os de mes os et la chair de ma chair » (Genèse 2:23). C’est surtout la ressemblance et ce que les philosophes contemporains appellent la « mêmeté » qui est mise en valeur par ce texte. Ils sont qualitativement identiques — c’est révolutionnaire. Et pourtant, a contrario de ce qu’affirment les théologiens LGBT,  de l’altérité véritable advient (un « ah » en plus à la fin de « ish ») qui permet la Joie d’une identité désormais relationnelle pour l’humain sexué.

 

Il n’y a ni homosexuels ni hétérosexuels

Le projet de Dieu est donc que l’être humain mâle, ou l’être humain femelle, devienne pleinement humain en trouvant la moitié de lui-même. Il s’agit juste de trouver la personne adéquate, qui est celle qui me fera advenir à ma propre identité, à mon moi véritable. L’enjeu n’est pas copulatoire, car sinon Adam se serait satisfait de l’un ou l’autre des animaux qui avaient précédemment défilé devant lui à la queue-leu-leu. Il s’agit bien de trouver un être unique. L’enjeu n’est même pas de trouver, pour moi qui suis un homme, des femmes ou une femme qui me plaisent, avec qui cela fonctionne, mais de trouver la femme unique qui est ma moitié, et qui me permet de ne plus croire que je suis un être humain complet. Ils étaient deux et ils forment une seule chair, « un seul être » (Genèse 2:24).

Il y a donc un mensonge à dire que le projet de Dieu est de promouvoir l’hétérosexualité.

Car le terme hétérosexualité induit une disponibilité de ma personne (puisque je suis un homme) pour toutes les femmes ! Alors que je suis destiné à une femme, la mienne, pour que je sois son homme. « La femme n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est le mari ; et pareillement, le mari n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est la femme. » (1 Corinthiens 7:4). Tout simplement parce qu’ils sont une seule chair ; une seule personne ou un seul être comme proposeront d’autres traductions.

S’il y a un mensonge à parler donc d’hétérosexualité, il y a un mensonge identique à parler d’homosexualité. Il y a seulement des gens qui se croient attirés par des personnes de même sexe, des gens qui pensent avoir toujours été faits pour des personnes de même sexe, des gens qui pensent s’être découverts progressivement faits pour des personnes de même sexe. Mais c’est une identité de construction, posée telle un habit sur l’identité humaine toute autre prévue par le Dieu de Jésus-Christ. Une identité falsifié comme s’en fabriquent les soi-disant hétérosexuels.

La Bible est incroyablement riche en exemples pour nous montrer des façons d’être hétérosexuel sur un mode dysfonctionnel !

C’est notre société qui nous impose de nous installer dans une identité à ce point fixée et labellisée par des appellations fallacieuses. Aucune personne N’EST homosexuelle pas plus que qui que ce soit ne serait hétérosexuel selon la définition que nous en avons donnée. Notre être tel que Dieu l’a programmé est qu’on soit ou bien célibataire, ou bien dûment uni à la personne de l’autre sexe qui fera pour toujours notre joie.
Mais cette manie de poser des termes sur notre être et notre identité plutôt que de ne décrire que des comportements nous empêchent de voir seulement :
- des hommes qui sont attirés par plusieurs femmes plutôt que  des « Dom Juan »,
- des femmes qui sont attirées par plusieurs hommes plutôt que des « séductrices »,
- des hommes qui sont attirés par des adolescentes plutôt que des « pédophiles »,
- des femmes qui sont attirées par des très jeunes hommes plutôt que des « cougars »,
- des hommes qui sont attirés par des hommes plutôt que des « gays »,
- des femmes qui sont attirées par des femmes plutôt que des « lesbiennes »…
Non ! rien de tout cela ! Personne N’EST cela !

Ces paroles, prononcées sur des créatures de Dieu, sont des malédictions !

Il y a seulement des gens qui ont du mal à rentrer dans le projet de Dieu et qui se focalisent sur ce que les psychologues appellent « de mauvais objets ». Que des non-chrétiens le fassent, cela ne nous pose aucun problème. C’est la loi du monde. Mais pour nous qui sommes chrétiens c’est fini, ce n’est plus possible.

 

Bénir ceux qui se croient encore homosexuels

« Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs. » (Galates 5:24). Le chrétien a décidé d’entrer pleinement dans le projet de vie scripturaire : une conjugalité d’alliance. Je ne parle même pas de « mariage », qui est bien une institution humaine. C’est un contrat parmi d’autres, comme le PACS, comme le certificat de concubinage. Je parle de l’alliance de mariage et pas du contrat de mariage. Les contrats ont été fondés par le Serpent de Genèse 3 et sont gérés par Mammon. Les contrats sont essentiellement composés de clauses qui modélisent la rupture, l’infidélité, la sortie du projet. L’alliance est une œuvre de Dieu lui-même et non pas une association d’humains contractuelle vaguement exposée au regard de Dieu. Le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu de l’alliance. Le Serpent est le maître des contrats. L’Église bénit donc ce que Dieu bénit.

Le rôle bénissant de l’Église est donc de prononcer la liberté qui jaillit de la crucifixion de la chair avec ses passions et ses désirs. L’Église bénit des pécheurs et ne cautionne pas leur péché. Elle bénit des pécheurs qui sont prêts à se repentir et à entrer dans la sanctification. Elle bénit des pécheurs pour leur permettre, parfois APRÈS avoir été bénis, de reconnaître leur péché.

« Je confesse comme péché d’avoir considéré que j’étais hétérosexuel, et qu’incidemment, toutes les femmes de la terre étaient disponibles pour moi. »

Le péché, ce sont toutes ces identités artificielles dont s’est revêtue la créature de Dieu. Voilà pourquoi nous bénissons ceux qui se proclament homosexuels.
Nous les bénissons pour qu’ils quittent l’Egypte intérieure d’une définition mensongère d’eux-mêmes. Et nous les bénissons, à cet égard, exactement de la même façon que nous bénissons ceux qui pensent que leur identité est dans leur travail, ou dans leur nombre de followers sur Twitter. Bref, nous bénissons individuellement des humains qui ont endossé des vêtements sordides plutôt que de revêtir leur identité véritable.
« Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et n’ayez pas soin de la chair pour en satisfaire les convoitises. » (Romains 13:14)

C’est donc pour cette même raison que nous ne pouvons pas bénir un couple homosexuel, pas plus que nous ne prononcerions une bénédiction sur un couple homme-femme dûment passé par la mairie, s’il nous semble que ce couple est dans un mode relationnel dissymétrique et dangereux, de type père-fille plutôt que mari-femme, par exemple.

Nous bénissons des se-disant « homosexuels » individuellement :
- certains qui vivent une vie avec un partenaire dans la fidélité et depuis longtemps,
- certains qui sont dans un badinage flottant,
- certains qui s’astreignent à l’abstinence,
- certains qui souffrent bruyamment, victimes d’homophobie,
- certains qui souffrent en silence, insatisfaits par leur orientation…
Nous les bénissons parce que nous revenons, nous aussi, de loin. Parce que nous sommes nous-mêmes des grâciés, des fils et des filles de la bénédiction, qui sont, eux-aussi passés par le crible de la justice de Dieu et de la repentance, qui ont du se laisser « dépouiller du vieil homme et de ses œuvres » (Colossiens 3:9). Et que la clémence du Dieu vivant pour nous a été telle que nous serons les dernier à juger d’autres pécheurs comme si leur péché à eux était plus infamant que le nôtre.

« Tous ont péché et tous sont privés de la gloire de Dieu. Mais dans sa bonté, Dieu les rend justes gratuitement par Jésus-Christ, qui les libère du péché. »
Romains 3:23-24

Être témoin de l’Évangile ?

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L’identité que nous recevons en Christ nous appelle à être avant toute chose des êtres capables d’aimer. C’est l’appel de Dieu pour nous. Son amour nous a précédés, nous a révélés à nous-mêmes, nous a donné accès à une nouvelle naissance, spirituelle, radicale, qui fait de nous des vivants, debout, en marche, sans cesse transformés, renouvelés en nos intelligences dirait l’apôtre Paul.

Cet amour de Dieu pour nous est inconditionnel, massif et sans compromis. Et il est indissociable d’une parole de vérité qui nous libère chaque jour un peu plus, de nos erreurs, de nos mensonges, de nos morbidités… de tout ce qui fait entrave à la relation de confiance que Dieu veut vivre avec nous, et de tout ce qui nous éloigne de notre vraie identité, une identité délestée de tous les fardeaux de nos histoires, des accidents de parcours, des conditionnements ou des blessures qui ont entamé nos êtres.

Nous recevons sans cesse la vie par l’Esprit Saint qui nous rencontre et nous habite. Nous sommes appelés à nous comporter comme Christ avec notre prochain et le monde. Il est impossible, inacceptable, de rejeter un prochain parce qu’il ne correspondrait pas à nos attentes, nos critères, une pseudo-morale chrétienne soi-disant pieuse. L’Église aura à se repentir de tous les blessés, les exclus des communautés qui ont été jugés et rejetés. Aimons les êtres pour ce qu’ils sont réellement, des créatures merveilleuses, indépendamment de leurs actes et leurs paroles.

« Il n’importe donc plus que l’on soit juif ou non juif, esclave ou libre, homme ou femme ; en effet, vous êtes tous un dans la communion avec Jésus-Christ. Si vous appartenez au Christ, vous êtes alors les descendants d’Abraham et vous recevrez l’héritage que Dieu a promis. » (Galates 3,28-29 – BFC)

« Je pourrais transmettre des messages reçus de Dieu, posséder toute la connaissance et comprendre tous les mystères, je pourrais avoir la foi capable de déplacer des montagnes, si je n’ai pas d’amour, je ne suis rien. » (1 Corinthiens 13,2 – BFC)

L’appel du chrétien et de l’Église joint deux impératifs qui ne sont praticables que si nous nous soumettons à l’Esprit de Dieu :
- Aimer, d’un amour gratuit et inconditionnel, tout être humain, quelles que soient sa culture, son origine, sa couleur, son niveau de vie, sa sexualité…
- Être acteur de l’œuvre de libération que Christ opère en chacun, en portant courageusement et avec compassion, respect, écoute de Dieu et de l’autre, une parole de vérité qui rapproche les êtres de Dieu et du plan de vie prévu pour eux.

Le débat qui anime l’Église à l’aube d’une décision nationale au sein de l’EPUdF exige une profonde délicatesse envers chacun. Il est bien trop facile à l’ennemi de Dieu d’utiliser ces échanges pour diviser encore davantage l’Église, et blesser et éloigner de Dieu des personnes parfois déjà fragiles. Nous devons témoigner de cet amour qui ne vient pas de nous, à commencer dans notre façon de nous écouter réellement les uns les autres. Laissons-nous réunir et convaincre par le Seigneur lui-même pour bénir vraiment.

« Je vous en supplie, donc, moi qui suis prisonnier parce que je sers le Seigneur : vous que Dieu a appelés, conduisez-vous d’une façon digne de cet appel. Soyez toujours humbles, doux et patients. Supportez-vous les uns les autres avec amour. Efforcez-vous de maintenir l’unité que donne l’Esprit Saint par la paix qui vous lie les uns aux autres. » (Éphésiens 4,1-3 – BFC)

Si nous voulons être cohérents et apporter un témoignage positif pour le monde, nous ne pouvons pas participer à toute forme de stigmatisation : qu’il s’agisse d’étiqueter le voisin théologique qui ne pense pas comme nous, ou de montrer du doigt des personnes pour leur engagement de vie avec une personne de même sexe.

Aimer est difficile et demande le courage de bénir. Ce n’est pas témoigner d’une parole d’amour pour notre prochain que de dire « Oui » à ce qui n’est pas bon pour lui. Dieu nous a bénis en nous donnant la Loi dans l’Ancien Testament, une Loi accomplie et clairement impraticable pour l’homme telle que revisitée par les enseignements du Christ. Cette Loi de Dieu est un cadre indispensable à la liberté de l’homme. En nous la donnant, Dieu nous bénit plus que nous ne pouvons le recevoir. La Loi est bonne. Avec Christ, nous sommes acculés à être dépendants de Dieu pour la pratiquer, et c’est là la meilleure chose qui pouvait arriver à l’homme tellement rebelle et changeant, toujours tenté de sortir de la relation qui le lie à Dieu et qui pourtant est la seule source de vie et de bonheur pour lui.

Je crois que Dieu nous a créés comme des êtres relationnels et que nous ne pouvons être vraiment vivants sans vivre cette relation avec Dieu et avec les autres. C’est dans l’altérité et la complémentarité d’une relation homme-femme que le couple formé est image de Dieu, formant ainsi un micro-monde à lui tout seul, une entité complète, capable de donner à son tour la vie. Il y a beaucoup de façons de ne pas former cette entité à l’image de Dieu dans un parcours de vie humaine. Et cela aussi au sein d’un couple hétérosexuel qui ne découlerait pas de la volonté de Dieu, ou dans un célibat qui serait le fruit d’un parcours difficile avec le sexe opposé plutôt qu’une réponse à un appel précis du Seigneur, par exemple.

La Bible est un long récit de relations dysfonctionnelles entre les humains eux-mêmes et entre les humains et Dieu. Dieu poursuit l’humain pour le bénir toujours encore. Mais si ces types relationnels présentés dans la Bible disent quelque chose, c’est bien que l’homme est pécheur et qu’il a besoin de Dieu pour être droit, au sens d’une croissance et d’une posture bonne pour lui qui le relie à son créateur. En revanche, ils ne présentent pas tous des modèles relationnels que Dieu agréerait. Ce qui définit ce qui est bon pour l’homme dans la Bible, ce n’est pas les nombreux manquements humains qui se répètent sans cesse, mais la Loi et la Grâce de Dieu joints ensemble.

Ainsi, aujourd’hui, toute personne doit être accueillie dans la communauté sans avoir à se sentir condamnée, méprisée, traitée différemment parce qu’elle partagerait sa vie avec une personne de même sexe. Elle doit être aimée de la même façon que toute autre personne. Il est d’ailleurs important de réaliser que les Églises renvoient rarement les personnes à leurs propres péchés quand il s’agit de tempérament colérique, d’avarice ou de penchant à être dans la séduction avec les autres… Pourtant, nous n’avons pas à juger mais à discerner. Le juge, c’est Dieu. Laissons-lui sa place. Quand lui juge, il amène à la lumière, il guérit, il restaure. Quand nous jugeons, nous blessons, nous rejetons. En revanche, nous avons à discerner. Discerner le bien du mal, non au sens moral de ces termes, mais au sens de voie vers la vie ou vers la mort. Nous devons comprendre ce qui amène à la vie, pour nous-même et pour notre prochain. Et avoir le courage de porter cette parole de vie.

« Car nous n’avons pas à lutter contre des êtres humains, mais contre les puissances spirituelles mauvaises du monde céleste, les autorités, les pouvoirs et les maîtres de ce monde obscur. » (Ephésiens 6,12 – BFC)

Nous vivons à l’ère de la confusion. Nous ne savons plus ce qui est bon pour nous et ce qui est mauvais. Les apparences sont trompeuses, et les conceptions de l’amour et du respect franchement biaisées. En tant que chrétiens, si nous sommes convaincus que la seule voie qui mène à la vie est celle de Jésus-Christ, de la Bonne nouvelle de son amour infini pour nous, lui qui a été jusqu’à se sacrifier pour nous sauver, alors par respect et par amour véritable pour nos prochains, ayons le courage de porter cette parole difficile certes, mais qui seule sauve véritablement.
Cette parole allie l’amour inconditionnel à la Loi qui libère : ce n’est pas une grâce bon marché que nous offre l’Évangile, mais une grâce qui appelle à tout laisser pour suivre le Christ, à se repentir de nos péchés, à entrer dans l’obéissance à la volonté de Dieu, à chercher sans relâche sa voix, sa vision, à se laisser modeler par lui selon sa Loi qui est bonne pour nous, même quand elle est à contre-courant avec la pensée du monde, et c’est d’ailleurs toujours le cas, « mon Royaume n’est pas de ce monde », nous dit Jésus en Jean 18,36.

« Frères, puisque Dieu a ainsi manifesté sa bonté pour nous, je vous exhorte à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, réservé à Dieu et qui lui est agréable. C’est là le véritable culte que vous lui devez. Ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde, mais laissez Dieu vous transformer et vous donner une intelligence nouvelle. Vous pourrez alors discerner ce que Dieu veut : ce qui est bien, ce qui lui est agréable et ce qui est parfait. » (Romains 12, 1-2 – BFC)

« L’amour est patient, l’amour est serviable, il n’est pas envieux ; l’amour ne se vante pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de malhonnête, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il ne médite pas le mal, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il se réjouit de la vérité ; il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. » (1 Corinthiens 13, 4-7 – Colombe)

Léa Worms
étudiante en théologie

Savoir dire « non »

 

 

 

 

 

par Stéphane Kakouridis, pasteur à Strasbourg Saint-Nicolas (UEPAL)

Je souhaite me faire ici le porte-parole de nombreux chrétiens qui sont pour l’accueil, le respect, l’écoute et l’accompagnement en Eglise des personnes homosexuelles, tout en étant fermement opposés à la perspective de bénir des couples mariés de même sexe.

Trois raisons d’être défavorables
Notre position est motivée essentiellement par trois arguments.

Notre approche des Ecritures et notre compréhension de l’anthropologie biblique

Quand nous lisons les textes bibliques qui évaluent négativement l’homosexualité, nous ne faisons pas de la distance historique et culturelle qui nous sépare d’eux un prétexte pour les balayer d’un simple revers de main. Et nous n’effectuons pas tout un tas d’acrobaties exégétiques pour tenter de montrer que ce qu’ils désignent n’aurait rien à voir avec ce que nous appelons aujourd’hui « homosexualité ».

Très honnêtement, la condamnation constante de l’homosexualité qui traverse les deux Testaments nous gêne. Mais nous ne nous plaçons pas au- dessus des données bibliques. Il ne s’agit pas de nous livrer à une lecture servile, littérale et légaliste des Ecritures ; il s’agit simplement de ne pas évacuer leur force d’interpellation. Nous essayons donc de nous laisser « travailler » par elles et de comprendre ce qu’il y a derrière cette évaluation négative de ce que nous appelons aujourd’hui « homosexualité ».

Nous découvrons alors que ce qui s’y trouve, c’est une certaine conception de la création et de l’anthropologie. En Genèse 1, Dieu crée en ordonnant le chaos; il le structure via un processus de différenciation (séparation de la lumière et des ténèbres, du sec et du mouillé, etc…) La Parole créatrice et rédemptrice qui s’est donnée un visage en Jésus Christ œuvre en sauvant le réel de la confusion.

D’où une anthropologie de la différentiation. Celle-ci trouve son socle, sa parole fondatrice en Genèse 1.27 : « Dieu créa l’homme à son image ; à l’image de Dieu il le créa. Mâle et femelle il les créa. » Voilà ce qui est important à retenir !

L’être humain voulu par Dieu, c’est un homme et une femme qui s’aiment, et qui à travers leur relation dans la différence, constituent l’image de Dieu. Un partenariat homosexuel n’est pas l’équivalent du couple hétérosexuel au sein duquel homme et femme expérimentent la différenciation sexuée : différenciation sexuée à travers laquelle ils sont appelés à vivre l’ouverture à une altérité qui est métaphore de l’altérité de Dieu.

Notre vision de l’Eglise

Notre vision de l’Eglise, ce n’est pas une Eglise qui s’aligne purement et simplement sur les évolutions sociales. Ce n’est pas une Eglise conformiste qui accroche son wagon au train du mariage pour tous: une Eglise qui suit le mouvement général de la société qui confond égalité et indifférenciation parce qu’elle est engluée dans une idéologie du relativisme. Ce n’est pas une Eglise démagogique prête à tout pour plaire à cette société, quitte à déconstruire l’anthropologie de la Parole qui la fonde… Ce n’est pas une Eglise devenue insignifiante parce qu’elle tient le même discours que le monde qui l’entoure, montrant ainsi qu’elle n’a plus rien à lui apporter. Ce n’est pas une Eglise qui ajoute à la confusion générale en annonçant que toutes les conjugalités se valent. Ce n’est pas une Eglise qui prêche la « grâce à bon marché » et qui réduit l’Evangile à des sentiments généreux et des bonnes intentions, comme s’il s’agissait de l’Evangile des Bisounours !

L’Eglise que nous voulons c’est plutôt une Eglise qui sait nager à contre-courant pour apporter des repères clairs à nos contemporains ! C’est une Eglise qui assume sa mission prophétique à travers des paroles structurantes.

Nous pensons que la juste posture de l’Eglise ne se trouve ni du côté de l’homophobie, ni de celui

du relativisme. La fidélité au témoignage biblique, telle que nous la concevons, nous invite à nous tenir courageusement sur une ligne de crête qui implique à la fois amour et fermeté.

L’Unité

La perspective de bénir des couples mariés de même sexe menace l’Unité de l’Eglise. Au sein de l’Uepal, elle entraîne des risques importants de tensions, de divisions et de départs.

Le nombre grandissant d’Eglises qui pratiquent ce type de bénédiction menace de plus en plus de faire éclater les grandes Communions d’Eglises. A titre d’exemple, les Eglises de l’hémisphère Sud menacent de quitter la Fédération Luthérienne Mondiale.

Se pose enfin un problème œcuménique. Nous risquons en effet de nous marginaliser au sein du christianisme dans notre région et de nous rendre inaudibles… puisque orthodoxes, catholiques et évangéliques ont à peu près le même point de vue sur le sujet.

 

Accueillir
Accueillir les personnes homosexuelles en Eglise, c’est d’abord tenter de nous inspirer de l’attitude d’accueil du Seigneur Jésus à l’égard de toutes personnes, sans distinction.

Cela implique donc notamment de refuser toute forme d’homophobie et de proscrire tous les propos et toutes les attitudes qui stigmatisent, discriminent et culpabilisent. Rappelons aussi que les personnes homosexuelles qui croient en Jésus Christ sont définies, comme les autres, par leur foi. Personne n’est réductible à son orientation sexuelle. Ce qui définit l’identité chrétienne, c’est la foi en Jésus Christ.

Accueillir les personnes homosexuelles en Eglise, c’est bien entendu aussi leur donner toute leur place au sein des activités des paroisses.

Mais accueillir, ce n’est pas dire « oui » à tout. Si un couple marié de même sexe vient nous demander de célébrer un culte de bénédiction nuptiale, nous répondrons que nous sommes liés par notre compréhension des Ecritures et que nous ne pouvons par conséquent pas satisfaire leur demande. Par contre, nous nous mettrons à l’écoute de ces personnes et nous leur proposerons de prier avec elles pour leur permettre de déposer devant Dieu leur joies et leur peines, leur passé, leur présent et leur avenir. Nous cheminerons avec elles, devant Dieu.

Dire « non » à la demande de bénédiction d’un couple marié de même sexe, ce n’est pas nécessairement les discriminer. Il ne s’agit pas de les exclure. Il s’agit simplement de poser des repères, des limites et des distinctions. Nous considérons comme trop simple – pour ne pas dire simpliste – l’affirmation selon laquelle accueillir, c’est obligatoirement bénir.

 

Bénir
Dieu nous bénit ; nous bénissons en son nom et nous Le bénissons Lui en retour, c’est-à-dire que nous reconnaissons sa sollicitude et nous l’en remercions, nous lui en rendons grâces.

Lemot«bénir»,enhébreusedit«Barak».Ce verbe est composé de « bara » qui veut dire « créer » (tiens ! encore la création !) et de la lettre Kaph. Kaph est aussi un mot qui désigne la paume de la main. D’ailleurs la lettre Kaph a la forme d’une main ouverte.

Ainsi, quand le Seigneur nous bénit, il nous prend dans le creux de Sa Main pour inscrire nos vies dans son projet créateur, dans la perspective du bon ordonnancement du monde.

La lettre Kaph qui désigne la paume de la main nous renvoie à la parole du Seigneur en Esaïe 14.16 : « j’ai ton nom gravé sur les paumes de mes mains.» Le Kaph du verbe bénir nous rappelle donc que le Seigneur a inscrit nos noms dans la paume de ses mains : nous sommes précieux pour lui et Il ne nous abandonne jamais. Etre béni de Dieu, c’est aussi être porté dans le creux de sa main, quelque soient les circonstances !

Pour donner la bénédiction de la part de Dieu, on ouvre les mains qu’on tourne vers les autres. Or, une main ouverte s’oppose au poing fermé qui menace ou qui frappe. La main ouverte, c’est plutôt la main qui caresse. De plus, la main ouverte montre qu’elle ne tient pas d’arme pour blesser : c’est la main qui fait un geste de paix et qui dit la bienveillance.

Donc, la bénédiction c’est la proclamation et la manifestation de la bienveillance de Dieu et de l’attention qu’il nous porte. Comme le souligne le mot bénédiction en grec – « eulogia » – il s’agit d’une bonne parole, une parole qui dit du bien ! Lorsque nous bénissons quelqu’un, nous disons la sollicitude de Dieu pour cette personne.

Nous devons par conséquent bénir en son nom toute personne, sans exception. Cependant, nous ne pouvons pas bénir en son nom des actes, des comportements, des relations et des projets qui sont contraires à Sa Volonté et à Son Dessein créateurs. Dans la mesure où la bénédiction nuptiale intègre la communauté de vie de deux personnes, elle implique aussi une approbation, une sorte de légitimation qui vient de Dieu. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas que nos Eglises bénissent des couples mariés de même sexe. Ce type de rite s’inscrirait sous le signe de la confusion et de l’indifférenciation.

 

Retour sur la Bible

Premier et rapide coup d’œil

Dans la Bible il y a cinq textes qui parlent directement de l’homosexualité pour à chaque fois la condamner. Dans le Premier Testament, il y en a deux. Lévitique 18.22 et Lévitique 20.13. Dans le Nouveau Testament, il y en a trois : Romains 1.26-27, 1 Corinthiens 6.9-10 et 1 Timothée 1.10-11.

Arrêt sur Romains 1.26-27

Arrêtons-nous sur le texte le plus explicite sur le sujet : Romains 1.26-27. Mais avant d’examiner ces deux versets, replaçons-les dans leur contexte historique et culturel. Il s’agit de la société romaine du premier siècle.

Du point de vue de la morale dominante, un homme libre devait d’une part être toujours « celui qui donne » (c’est-à-dire celui qui pénètre l’autre) et d’autre part ne pas céder à la passion amoureuse. Il en résultait qu’il pouvait avoir des rapports sexuels avec qui il voulait : sa femme, ses concubines, des prostituées, ses esclaves, femmes ou hommes, jeunes ou adultes. Donc un homme libre pouvait avoir des relations homosexuelles, en particulier avec ses esclaves, à condition de rester le « dominant » et de ne pas avoir de passion amoureuse… Dans cette perspective, il pouvait même avoir des pratiques de pédophile. L’homosexualité devenait « contre nature » quand l’esclave était le « pénétrant » dans les rapports sexuels, le citoyen libre étant le « pénétré ». L’ordre social était alors renversé.

Autre pratique rejetée par la morale sociale majoritaire : les rapports sexuels entre deux hommes libres adultes. Si un homme avait des rapports sexuels avec un garçon libre, dès que celui-ci devenait adulte, il ne devait plus le toucher.

Certaines personnes, certes marginales, contestaient cet ordre social dominant. Des hommes libres revendiquaient le droit de coucher ensemble. Et des femmes libres revendiquaient le droit de pratiquer l’homosexualité féminine.

Deux remarques sur ces informations : 1°/ Les hommes libres qui pratiquaient l’abus sexuel n’avaient pas pour victime que des sujets masculins, mais aussi féminins. 2°/ Les rapports librement consentis entre deux personnes de même sexe existaient aussi.

Penchons-nous maintenant sur les propos de Paul : « C’est pourquoi Dieu les a livrés à des passions déshonorantes, car leurs femmes ont remplacé les relations sexuelles naturelles par des actes contre nature ; et de même les hommes, abandonnant les relations naturelles avec la femme, se sont enflammés dans leurs désirs, les uns pour les autres ; ils commettent l’infamie, homme avec homme, et reçoivent en eux-mêmes le salaire que mérite leur égarement.»

Ici la morale dominante de l’Empire romain est contestée. La Parole de Dieu ne s’aligne pas sur le consensus largement partagé par la société environnante. Elle agit à contre courant. Mais l’apôtre fait plus que s’opposer à la morale majoritaire de l’empire romain (qui jugeait acceptable l’abus sexuel tant que celui-ci restait le privilège des hommes libres). Ici, toute forme d’homosexualité – masculine et féminine – est clairement récusée. Il n’y a pas de cas autorisés. Si Paul s’en prenait ici uniquement à l’abus sexuel et à la pédophilie, comme le prétendent certains, pourquoi ferait-il donc uniquement référence à l’agression sur des personnes de même sexe que l’abuseur ? De plus, les rapports entre personnes adultes consentantes de même sexe constituaient une réalité connue de Paul et de ses contemporains.

Situons maintenant ces deux versets dans le cadre plus large de Romains 1 à 3. Voici un résumé du raisonnement : Tous, juifs et païens, sont égarés, séparés de Dieu : l’ensemble de la société est sous la puissance du péché. Tous ont donc besoin de la grâce. Le péché, c’est la séparation d’avec Dieu ; c’est l’idolâtrie. Et l’homosexualité est un symptôme parmi d’autres de notre réalité pécheresse. A la suite du judaïsme de son temps, Paul considère certainement l’homosexualité comme une négation du bon ordonnancement du monde, de la structuration de la création voulue par Dieu. D’où la reprise du concept stoïcien de « contre nature » pour désigner cette orientation sexuelle. Il pense de façon implicite au fait que Dieu a créé le monde en ordonnant le chaos et en faisant surgir des différences. Or, tout ce qui tend à annuler ces différences menace l’équilibre du monde. Il y a à la fois des limites et des distinctions à respecter.

Incapables de suivre l’apôtre en toutes choses ? (Paul et le ministère féminin)

Ouvrons ici une parenthèse. On entend souvent dire que si on voulait suivre Paul en toutes choses, il faudrait aussi refuser l’accès des femmes au ministère pastoral puisqu’en 1 Corinthiens 14.34, il ordonne « que les femmes se taisent dans les assemblées »

C’est faux ! Le ministère féminin est biblique et même paulinien puisqu’en Romains 16, l’apôtre il cite plusieurs de ses collaboratrices, dont Junia qui avait le tire d’apôtre. Par ailleurs, en 1 Corinthiens, Paul donne aussi des consignes aux femmes quant à l’exercice de la prophétie en assemblée : s’il voulait leur imposer silence, il ne les autoriserait pas à prophétiser.

Quand à la fameuse phrase, «que les femmes se taisent dans les assemblées », certains exégètes pensent que ce verset constitue un ajout puisqu’il vient comme un cheveu sur la soupe. D’autres pensent que ce verset est authentique, mais qu’il vise simplement à demander aux femmes de ne pas bavarder et de ne pas interrompre le prédicateur pendant le culte.

Le couple homme-femme

Etant établi que Paul évalue négativement l’homosexualité qu’il considère comme une négation de la bonne Création de Dieu, revenons à l’anthropologie biblique de la différentiation, déjà évoquée.

En Matthieu 19.3-9, lorsque Jésus s’oppose à la pratique de la répudiation de la femme, il se réfère à la Volonté du Créateur en citant cette parole de Genèse 2.24 : « L’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. » Il rappelle ainsi l’importance de l’union de l’homme et de la femme dans le projet de la création.

Ce couple homme-femme constitue une réalité tellement importante dans la Bible qu’il sert à désigner la relation qui unit Dieu à son peuple dans le Premier Testament, puis le Christ à son Eglise dans le Nouveau. Jésus est l’Epoux dont l’Eglise est l’épouse: le principe de la complémentarité homme-femme trouve son apogée dans les Noces de l’Agneau.

Stéphane Kakouridis
Pasteur à Strasbourg-Saint Nicolas,
Communauté charismatique et régionale, à vocation œcuménique (UEPAL)

Strasbourg, le 15 avril 2014

Ce texte s’inspire des notes prises en vue d’une participation à une Table Ronde sur le sujet, le 12 avril 2014 à Sélestat, dans le cadre d’une Journée de l’Ethique organisée par le Consistoire luthérien de Sélestat.

Mâle et femelle Il les créa

« Mâle et femelle Il les créa » – Genèse 1,27

A propos de la question du « mariage des personnes de même sexe », un postulat récurrent s’exprime au sein de l‘Eglise Protestante Unie de France, conforme à la déclaration du Conseil de la Fédération Protestante de France du 13 octobre 2012 : « ce n’est pas le cœur de la foi chrétienne ».

Voire… « Dis-moi quel Dieu tu adores, je te dirai qui tu es ». L’identité humaine, qui dans une perspective protestante devrait se fonder sur l’anthropologie biblique, n’a-t-elle pas tout à voir au contraire avec l’identité du Dieu révélé ? Or celui-ci n’est pas l’Un monolithique, mais une communion d’amour. Et selon Genèse 1,27, texte fondateur en complément de Genèse 2, 23-24, il est patent que l’image de Dieu se manifeste dans la différenciation, la complémentarité, la communion des sexes.

La différenciation sexuelle n’est pas un aspect secondaire de la personnalité humaine, mais son cœur. La réciprocité, la complémentarité des sexes expriment admirablement la création de l’être humain à l’image de Dieu, selon sa ressemblance (processus dynamique). L’être humain se trouve ainsi caractérisé par sa vocation relationnelle dans une communion d’amour créateur.

L’identité sexuelle de la personne humaine n’est pas à l’origine une construction culturelle ou sociale, mais un mode spécifique d’être à l’image de Dieu dont la parfaite expression est le Verbe incarné. Il s’agit du Verbe éternellement engendré du Père, conçu du Saint-Esprit (du sein maternel de Dieu exprimé par la Ruah féminine hébraïque « couvant » le chaos primitif (Genèse 1,2). Ce Verbe éternel, abyssal, a donc été fait chair (Jean 1,14) dans le sein virginal de Marie, en assumant un sexe masculin qui mystiquement va le conduire à devenir « l’Epoux » de l’Eglise, comme l’explique Paul en Ephésiens 5, 32 avec ce commentaire significatif à propos du mariage humain : « ce mystère est grand ».

Le mariage en tant qu’union créative, procréative, de l’homme et de la femme, exprime donc l’union de l’époux divin avec l’épouse humaine (conjonction des deux natures, sans fusion ni confusion), union qui va pour ainsi dire couronner la communion créative de l’amour éternel infini trinitaire.

L’union du mâle et de la femelle en « une seule chair » ne répond pas seulement à une nécessité biologique, mais bien à l’intention du Créateur qui les incite à partager la grâce d’être à Son image, en engendrant à leur tour d’autres images de Dieu que sont les enfants, par l’échange et la créativité des sexes en communion différenciée.

Il est facile de voir ici qu’un « mariage » d’individus de même sexe anéantirait cette riche perspective biblique et chrétienne du dynamisme créateur de Dieu qui s’exprime à l’échelle humaine, en dégradant la notion même de la divinité. Mais on peut comprendre qu’en plus un tel « mariage » achèverait son uniformisation des relations humaines due à l’exclusion de l’altérité sexuelle, par la prise en otage d’enfants abusivement, mensongèrement désignés comme rejetons de « deux pères » ou « deux mères ». Notre union d’Eglises peut-elle se faire la complice d’un tel confusionnisme chaotique, en ouvrant la possibilité de « bénir » de telles unions ? Est-ce vraiment aimer les personnes se déclarant homosexuelles, que de leur laisser croire que Dieu va les bénir, c’est-à-dire concrètement favoriser leur style de vie et multiplier leur nombre et leur postérité par l’intervention toujours plus massive de mères porteuses payées à cet effet, ou des industriels de l’ingénierie reproductive, sans parler des « matrix »-utérus artificiels déjà bien à l’étude, le tout avec à la clé d’énormes enjeux financiers ? Voulons-nous, sous couleur d’ouverture et d’accueil, cautionner de fait un nouveau paradigme familial, prélude au changement civilisationnel ainsi promu, mais surtout profitable au règne de Mammon ?

C. Genevaz – aumônier FPF