Archives mensuelles : juin 2014

« Ce que Dieu a uni »

à partir de Matthieu 19, 1 à 12

ring

L’institution civile du mariage est depuis plusieurs dizaines d’années progressivement relativisée par le législateur et rapprochée d’autres formes de vie à deux comme le pacs et le concubinage. Cette institution est aussi souvent réduite à un simple acte administratif par ceux-là même qui demandent la bénédiction de leur mariage à l’église. Les débats en cours dans l’EPUdF voient  émerger une nouvelle étape de l’affaiblissement du mariage. En substance, l’intention manifestée par quelques-uns est de  bénir des couples mariés ou non et leur projet de vie. Une manière subtile d’éviter de poser dans nos églises la question du mariage.

C’est oublier que Jésus parle du mariage et en confirme explicitement le contenu et les fondements. Dans le passage de Matthieu 19, 1 à 15, il est clair pour Jésus que le texte de Genèse 1,27 fonde l’institution du mariage. En ajoutant une citation extraite du second récit de la création de l’homme et de la femme (Genèse 2, 24), Jésus, exégète de la Genèse lit et relie ensemble deux récits que nous opposons souvent. Le contexte de cet enseignement ne laisse aucune ambiguïté, Jésus parle bien de l’union entre un homme et une femme. Il en parle même comme d’un mariage indissoluble sauf en cas d’union illégale et sauf à prendre en compte la dureté du cœur de l’homme. Les deux citations faites par Jésus du début de la Genèse nous invitent à saisir la substance universelle du mariage. Ce n’est pas tant que chaque mariage ne puisse pas être rompu – nous savons bien à la suite de Moïse et de Jésus que ce n’est pas le cas, à cause de la dureté de notre cœur – mais c’est l’institution même du mariage voulue par Dieu au commencement, qui est indissoluble, malgré toutes les faiblesses humaines possibles.

Le mariage n’est pas qu’une institution civile. Il est avant tout une institution divine et il est une vocation. Pour Jésus, c’est Dieu lui même qui unit l’homme qui, quittant son père et sa mère  s’attache à sa femme : « que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ». Nous n’avons pas fini – et peut-être avons-nous à peine commencé pour notre époque, d’explorer l’impact de cette affirmation de la Genèse, confirmée par le Christ et qui n’a rien à voir avec des allégations très incertaines – bibliquement – sur le mariage puis la bénédiction de couples homosexuels.

Le mot « mariage » et la prérogative de « marier » ont été retirés aux églises par la république. C’est une chose qui s’explique par notre histoire hexagonale. Il y a cependant beaucoup d’églises protestantes dans le monde qui « marient ».  L’histoire française ne suffit pas pour légitimer nos églises à rechercher  le sens du couple et du mariage dans des lois humaines ou des appréciations régies par la dureté du cœur de l’homme. Il s’agit plutôt pour les églises et les disciples de Jésus de rechercher dans la promesse du Dieu éternellement fidèle, ce qu’est la saveur et la valeur du couple marié. Pour éviter les confusions entre le mariage selon la république et le mariage selon la Bible, il serait peut-être juste de donner un nouveau nom à l’union – ou alliance – chrétienne d’un homme et d’une femme. Pour cela, il faudrait d’abord approfondir la réalité d’un mariage chrétien, quand Dieu lui-même unit une femme et un homme. Au reste, la revendication montante dans nos églises de bénir des couples qui ne sont pas forcément « mariés » selon les lois de la république pourrait bien – certes involontairement – rejoindre le souhait exprimé ici, de voir nos églises revenir sur ce qu’est une union ou une alliance chrétienne en relançant une réflexion commune, des formations adaptées et un accompagnement ecclésial sérieux.

Il est remarquable que ce texte de Matthieu 19 sur le mariage prenne place après un long et bouleversant enseignement de Jésus sur le renouvellement des relations et le pardon (chapitre 18) et se prolonge par l’accueil et la bénédiction des enfants (v. 13ss). Avec la question du mariage, nous ne sommes pas dans la morale ou le conformisme social, mais dans le registre de la foi et du projet généreux de Dieu qui donne à nos fragiles résolutions ce qu’il ordonne.

Je suis très heureux que la bénédiction soit l’occasion cette année de nombreux partages et approfondissements. La question de la bénédiction des couples mariés civilement ou non, de personnes hétérosexuelles ou homosexuelles me paraît  injustement posée dès lors qu’elle n’est pas mise en relation avec le projet de Dieu pour sa création. Ce projet implique au premier chef l’humanité, c’est à dire le couple, l’homme et la femme appelés à former une seule chair. La bénédiction de Dieu accompagnant la réalisation de ce projet dans les bons et les mauvais jours. Qui pourrait nier qu’à notre époque, les hommes et les femmes de notre Occident n’ont pas besoin sur ce sujet d’entendre une véritable Bonne Nouvelle ?

Cela fait « catholique romain » de s’exprimer en rappelant que le mariage est une alliance voulue par Dieu avec le consentement d’un homme et d’une femme et qu’il tend à l’indissolubilité. Sans tout approuver, et de loin, dans la doctrine romaine du mariage, je suis très reconnaissant à la grande sœur d’avoir gardé vive, la considération que le couple marié est appelé à avoir une place singulière et éminente dans l’économie du monde créé. Il y a dans la Bible une vocation spécifique du couple uni par Dieu dans le monde. C’est par manque de vision claire de ce qui nous est donné que nous nous posons des questions qui n’ont pas et ne peuvent pas avoir de réponses justes et bonnes.

Tous ne sont pas appelés à vivre dans le mariage. Jésus l’évoque également à la fin de ce passage (versets 10 à 12) : les accidents de la nature, la cruauté des hommes, un appel singulier de Dieu. Nous pouvons connaître ces différentes situations. Elles sont évoquées par le Christ avec tact, sans aucune dévalorisation des unes ou survalorisation des autres, mais surtout sans altérer les fondements et les promesses qui s’attachent au mariage d’un homme et d’une femme. Nous ne comprenons pas tout et Jésus ne nous a pas tout dit clairement sur tous les sujets. Mais ce qui est difficile à comprendre ne devrait pas avoir comme conséquence d’embrouiller ce qui est donné et possible aujourd’hui de recevoir dans la clarté.

Pascal Geoffroy