La conception huguenote française du mariage est très particulière car elle presque plus enracinée dans l’histoire de l’Église protestante en France que dans les Écritures bibliques.
Au sortir de l’Ancien Régime, les protestants se réjouissent que l’État leur propose un mariage qui devienne civil, et ne soit plus simplement soumis à l’allégeance à l’Église catholique romaine et ses registres de mariage, qui faisaient loi en matière de conjugalité et de succession jusque là. La loi du 20 septembre 1792 instaure à ce titre un État Civil.
C’est de ce moment que date la grande affection du protestantisme réformé pour le mariage civil. Par la suite, il sera mis une grande insistance sur le fait que « l’Église Réformée ne marie pas », mais qu’elle ouvre un espace de célébration pour la « bénédiction de couples mariés » ; entendez, des couples déjà mariés à la Mairie, comme tout le monde, mais qui, plus spécifiquement, veulent entendre une parole bénissante sur leur union, souvent dans un temple. D’ailleurs, l’article 433-21 du Code pénal punit de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende tout ministre d’un culte qui « mariera » ou « bénira un couple » sans que celui ci soit passé d’abord par les auspices de l’Etat Civil.
C’est cette représentation qui a prévalu dans un discours de nos Églises, devenu parfois plus républicain que la République. C’est aussi ce discours qui a permis de dire que des couples PACSés ou des couples non mariés (notamment des couples homosexuels jusqu’à la loi du 17 mai 2013) ne puissent être bénis dans nos temples : ils n’étaient pas passés devant l’officier d’Etat Civil à l’occasion d’un mariage civil.
L’argument du préalable qu’est le mariage civil est donc caduc ; il ne peut servir de parapluie ouvert pour refuser de façon gênée à un couple homosexuel qu’il soit béni par l’Église et au nom de Dieu. Il faut donc revisiter notre argumentaire qui ne peut plus avoir pour seul pilier la Loi française, mais doit peut-être désormais faire à nouveau droit à un discours éthique, anthropologique, biblique plus explicite qui dise vraiment pourquoi ce n’est pas possible. Un discours enraciné dans les Écritures puisque nous sommes protestants.
Le fait de s’être protégé pendant des années derrière un mauvais prétexte et une justification secondaire est dommageable, car ce manque de courage et d’honnêteté nous a fait éviter la vraie réflexion sur les soubassements de notre théologie de la bénédiction. C’est une très belle et bonne occasion que de pouvoir, par le synode national de 2015 de l’Église Protestante Unie de France, se repentir de cette lâcheté, et renouer avec le courage d’une foi ancrée dans les Écritures bibliques et l’audace de la vérité. C’est une théologie de l’Alliance qu’il faut redévelopper, puisque le mariage n’est plus, du fait du changement de la loi, défini en pleine conformité et cohérence avec ce que la tradition chrétienne a construit sur plusieurs siècles.
Ce sera aussi l’occasion de se repentir et de dénoncer un lieu commun que nous avons avec complaisance laissé dire à tous vents, à savoir que les réformés sont « pour le divorce », alors que nous aurions dû corriger de tels propos en proclamant l’indissolubilité du mariage biblique, mais la possibilité de bénir une union de la deuxième chance, après avoir connu un échec. Ce qui est sensiblement différent.
Dans plusieurs articles de ce site, vous pourrez trouver une reprise biblique, éthique, anthropologique et théologique de ces questionnements et voir la diversité des arguments que produisent les uns et les autres sur ce sujet.