Notes de réflexion, par Sébastien Fresse, pasteur
I- La loi (littéralement « enseignement ») de Dieu dans les Ecritures :
Le Dieu créateur, libérateur, législateur, sauveur est un Dieu bon… Tout est bon dans la création, mais de manière récurrente l’humanité s’égare, elle crée des souffrances… Toutefois, à chaque fois, Dieu rattrape le coup. Avec Abraham, Dieu refait une promesse de bénédiction à toute l’humanité, et demande pour cela à Abraham la foi, la confiance, l’obéissance.
Dieu fait plusieurs alliances de grâce (sans « mérite » pour ceux qui les reçoivent) : par Adam, par Noé, par Abraham, par Moise, par David puis finalement par Jésus.
Dans le Nouveau Testament il nous est parlé de Nouvelle Alliance par la mort et la résurrection du Christ. Un certain nombre de textes semblent opposer cette Nouvelle Alliance avec celle que Dieu a faite par l’intermédiaire de Moise avec les hébreux. Mais la nouvelle alliance n’annule pas les anciennes, elle les accomplit : alliance avec Adam (Romains 5,14), Noé (Hébreux 11,7) Abraham (Romains 4,9), Moise (Romains 2,13) et David (Romains 1,3).
La loi révélée par l’intermédiaire de Moise exprime la volonté de Dieu… elle n’est pas abrogée avec la Nouvelle Alliance («fin de la loi » en Romains 10,4 est une mauvaise traduction : le grec telos ne désigne pas quelque-chose qui s’arrête, mais qui s’accomplit ou se concrétise). Les deux alliances peuvent s’opposer, dans le Nouveau Testament, en tant que critère d’appartenance à la communauté des sauvés (réception de l’esprit et non appartenance à la culture juive), mais certainement pas en tant que critère éthique d’obéissance. Dans la conception biblique, l’esprit s’avère le moyen pour le peuple d’accomplir la loi (Ezéchiel 36,26-27). La loi mosaïque exprime la volonté de Dieu, ce à quoi les croyants sont appelés à se conformer comme bonheur/bénédiction ou à ne pas se conformer (malheur/malédiction). La nouvelle alliance étant destinée à l’humanité, les critères d’appartenance nationale (circoncision, rites alimentaires, accomplissement des rites au Temple de Jérusalem) sont abrogés pour les non-juifs (par ailleurs, il n’y a pas abrogation des différences culturelles entre juifs et « nations », mais dépassement en contexte multiculturel, cfGalates2).
L’apôtre Paul, pour ses formulations sur la grâce, la justification par la foi et non « par les œuvres de la loi », semblerait parfois relativiser la loi telle que révélée par Moise. Mais, comme tous les juifs de son temps, l’apôtre maintient clairement l’obéissance à la Loi décrite dans l’Ancien Testament comme source de salut et de vie (même si la foi de/en Christ est la condition de sa réalisation.. en cela par le Christ le croyant a la vie), tandis que le fait de ne pas l’accomplir est une malédiction (comparer Deutéronome 27 et Rm1, 18-32… d’où le développement de Paul en Romains 7,7-12). Pour Paul, c’est bien sûr la foi qui justifie (rend juste), mais c’est parce que pour lui la foi permet d’accomplir les œuvres bonnes nécessaires au salut (2,5-8), à savoir les commandements de Dieu (Romains 2,13). Il va sans dire qu’il n’y a chez Paul, dans la nécessité d’obéir au commandement, rien de « lourd », de dérangeants ou de potentiellement frustrant, puisque « la loi est bonne » et qu’elle conduit au bonheur (Deutéronome 4,40) et à la vie. C’est au contraire le fait de ne pas y obéir qui est problématique (Romains 7,22-25).
II- La loi de Dieu et les questions de conjugalité et de sexualité
La loi de Dieu, transmise par l’intermédiaire de Moise et interprétée, actualisée par le Christ (selon un mode de lecture de la torah tout-à-fait courant dans le judaïsme du 1er siècle), donne un certain nombre de prescriptions pour le bonheur de ceux qui veulent la suivre. La loi de Dieu concerne bien des champs de la vie sociale comme l’économie, la politique (au sens de gestion de la communauté), la justice, et parmi tant d’autres choses la conjugalité et la sexualité. Ce que nous allons dire sur la sexualité et la conjugalité ne doit pas faire oublier que la loi de Dieu donne un tas d’autres commandements qui nous interpelleraient facilement (sur l’usure, la propriété, l’agriculture intensive,…). Ne soyons pas prompts à jeter trop vite des pierres les uns aux autres ! Surtout, il ne faut pas oublier que la loi de Dieu offre un chemin de vie, et est elle-même promesse (plutôt que condition de promesses tenues par Dieu…) Il s’agit donc d’orientations que les Ecritures considèrent comme source de vie, et leur buts ne sont surement pas de provoquer quelque souffrance que ce soit, bien au contraire….
1) La sexualité comme voulue par Dieu
La sexualité est liée à la volonté de Dieu. Elle est bonne (bénie), souhaitée et souhaitable.
Au chapitre 1 du livre de la Genèse, nous lisons « Dieu créa l’humain à son image, à l’image de Dieu il le créa, mâle et femelle il les créa… Dieu les bénit, et Dieu leur dit: ‘Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre’ » Et quelques lignes plus loin il est dit :
« Dieu vit ce qu’il avait fait, et voici, cela était très bon ».
Dans le chapitre suivant, le Créateur déclare « l’homme s’attachera à sa femme et les deux deviendront une seule chair »
C’est en Genèse 4,1 (après la « chute »… mais aucune malédiction n’est prononcée sur la sexualité humaine, bien que la relation homme/femme s’en trouve dégradée, cf3,16) que le premier rapport sexuel de la Bible est évoqué, avec pour conséquence la naissance de Caïn.
L’union de l’homme et de la femme est appelée à être vécue dans la fidélité :
Cf Genèse 2:24 ; Exode 20:17 ; Deutéronome 22:22 ; Matthieu 19:5-6 ;1 Corinthiens 7:2-5 ; Ephésiens 5:28-29 et 33 ; Hébreux 13:4
Deutéronome 24,1-4 donne la possibilité à l’homme de divorcer s’il trouve en sa femme quelque-chose de malséant.
Mais en Matthieu 19,8-9, Matthieu 5,31-32 et Marc 10,5-9 Jésus, dans sa volonté de respect scrupuleux de la loi (contre l’hypocrisie des Pharisiens), va plus loin en disant que si un homme répudie (sauf, chez Matthieu, pour « inconduite sexuelle ») sa femme et en épouse une autre, il commet un adultère. Jésus considère que la permissivité de Moise est lié à la dureté du cœur du peuple, mais qu’un mari et une femme sont bien appelés à devenir « une seule chaire ».
Jésus insiste donc sur l’importance des liens conjugaux, tels qu’ils étaient déjà enseignés dans la Torah.
Deux passages semblent donner le célibat (plutôt que le mariage) comme idéal. Ils se trouvent dans des livres que nous avons cités et qui font aussi l’apologie du mariage.
S’agissant de Matthieu 19,12, Jésus répond à quelqu’un qui trouve l’idéal du mariage trop difficile et exigent. Aussi Jésus propose-t-il l’alternative du célibat et de l’abstinence. Toutefois, il s’agit d’une objection d’un disciple qui trouve qu’il n’est pas, à cause de l’interdiction de la répudiation, avantageux de se marier. On peut aussi comprendre l’apparente contradiction de Jésus comme liée à la supériorité du projet de Dieu (« le règne de Dieu ») sur les préoccupations personnelles, ou comme une concession contextuelle, liée aux difficultés de la fin des temps (cf Matthieu 24,19). Ceci expliquerait aussi le point de vue « personnel » que Paul sur un autre passage qui évoque l’abstinence, en1Corinthiens 7,1 (cf la suite), si on met le passage en interaction avec 1Corinthiens 7,26.
Le célibat serait donc prôné pour des raisons contextuelles, au contraire de l’idéal du mariage qui semble donc demeurer pour tous les auteurs bibliques qui en parlent (on sait que dans des groupes juifs au 1er siècle on ne se mariait pas, non par idéal d’abstinence mais à cause d’un contexte social tumultueux).
Le divorce selon la Torah (mari qui quitte sa femme, le contraire ne semblait pas envisagé) est possible sous certaines conditions. Mais Jésus va plus loin comme nous l’avons vu. Paul quant à lui souligne que si le « non-croyant » se sépare d’un compagnon croyant, le croyant n’est pas lié et pourrait donc s’unir de nouveau. Paul encourage toutefois le croyant à ne pas se séparer de son compagnon.
Il va sans dire que les cas de divorce ainsi envisagés ne représentent pas tous les cas particuliers auxquels une personne peut être confrontée. Malgré tout, l’idéal biblique d’une union à vie entre un homme et une femme est indiscutable, source de bonheur pour un peuple et les individus qui le composent. Nous ne devons toutefois pas oublier les versets bibliques qui appellent au pardon et à la réconciliation, un des meilleurs exemples étant donné par Jésus vis-à-vis de la femme adultère (Jean 8,11) : on y trouve l’idéal de pardon de Jésus, couplé à l’idéal du respect de la loi.
2) Les « interdits » sexuels
Un certain nombre de rapports sont évoqués dans la bible. Mais aucune parole du Seigneur ne va contredire, dans les Ecritures, ce qui va être dit dans le livre du Lévitique en terme de bien/bon et de mal/mauvais, le livre présentant un certain nombre d’ « interdits » sexuels :
-L’adultère
-Des pratiques incestueuses
-La pratique « zoophile »
- La pratique « homosexuelle » (en lévitique, seule la pratique homosexuelle masculine est évoquée)
La question nous étant posée par les documents d’ « information et évangélisation », voici les versets qui parleraient d’homosexualité, plus exactement de pratiques « homosexuelles » (bibliquement, l’homosexualité « ontologique » n’existe pas).
Gen 19:5-13 Ce texte ne semble pas « condamner » explicitement des pratiques homosexuelles. L’envie de viol décrite sur deux envoyés de Dieu renforce sans doute la polémique sur l’ « immoralité » de Sodome…mais ce serait surtout pour des raisons de manque d’hospitalité que Sodome et Gomorrhe sont détruites (cf le contraste avec le comportement d’Abraham en Genèse 18). C’est la même problématique que nous retrouvons en Juges 19,22.
Lv 18,22 C’est un passage de la torah révélée par le Seigneur à Moise. La loi exprime la volonté de Dieu, le bien/bon et le mal/mauvais, elle est chemin de bonheur et bénédiction pour le peuple que Dieu a libéré d’Egypte. La désobéissance à ces lois définissant le vivre-ensemble est et implique la malédiction de Dieu.
Dans ce chapitre 18 du lévitique, il est question de plusieurs pratiques à ne pas transgresser. On a l’ « interdiction » de l’inceste, de la relation d’un homme avec une femme mariée, de la relation avec une femme pendant son « impureté » menstruelle, de relations « homosexuelles » masculines, de pratiques zoophiles (de la part d’homme comme de femmes). Le malheur dans la terre promise est et sera présent si de telles pratiques sont commises, comme le malheur était chez les peuples qui les ont pratiqués. Il faut noter que parmi toutes ces prescriptions au chapitre 18, une est soulignée comme particulièrement mauvaise : il s’agit des pratiques « homosexuelles » (Lv18,22) puisqu’il est dit « c’est une abomination ». A titre de comparaison, la pratique zoophile est caractérisée comme étant une « confusion ».
Idem en 20,13 : on est dans cadre de prescriptions légales assez proches du chapitre 18, mais avec sanction pénale établissant la gravité des actes. Les pratiques « homosexuelles » sont encore soulignées comme étant « abominables ».
1 Samuel 19,1; 20,17 et 2 Samuel 1,26 : Certains exégètes considèrent que ces textes suggèrent qu’il y a une relation « homosexuelle » entre David et Jonathan. Toutefois, ces textes sont très loin d’être explicites. De plus, à aucun moment ces textes ne se prononcent sur la bonté, aux yeux de Dieu, d’une telle union éventuelle.
Il en va de même pour Ruth et Naomi (cf Ruth1,16-17)
Rm1, 26-31 : Paul annonce la colère de Dieu vis-à-vis de d’un certain nombre de pratiques qui sont conséquences, pour Paul, de l’idolâtrie et donc du détournement du vrai Dieu. Il inclue dans ces pratiques qu’il reconnait, en fidélité à la torah, comme « mortelles », les pratiques homosexuelles féminines, homosexuelles masculines, puis le fait d’être plein d’injustice, de méchanceté, de cupidité, de malice; pleins d’envie, de meurtre, de querelle, de ruse, de malignité; ect…
1 Corinthiens 6,9 -12 :
Parmi des comportements qui n’ont pas leur place dans le règne de Dieu, il est fait mention des « sans vigueurs » et des « virils ». Les termes désignent sans doute des personnes ayant des pratiques « homosexuelles ».
1 Tim 1, 8 :
On retrouve au verset 10 le même terme qu’en 1Corinthiens 6,9.
On peut avancer le fait que ces lois sont liées à des contextes bien particuliers. Il est vrai que les pratiques sexuelles antiques ne sont pas toujours similaires aux pratiques aujourd’hui socialement « en voie d’acceptation » dans les sociétés occidentales. S’agissant du monde gréco-romain auquel les auteurs du Nouveau Testament sont confrontés, les pratiques homosexuelles « acceptées » socialement étaient bien précises. Par exemple, un homme ne pouvait pas « dominer » sexuellement un plus âgé, ni un esclave dominer un maitre. Surtout, la sexualité n’était pas toujours librement consentie (un maitre avait le droit de jouir du corps de son esclave). Toutefois la Bible ne fait de distinctions entre des pratiques qui seraient bonnes ou « pas mauvaises » et d’autres qui ne le seraient pas. Concernant le monde gréco-romain auquel est confronté l’apôtre Paul, il existait aussi des pratiques « homosexuelles » librement consenties, mais l’apôtre ne les distingue pas des autres.
Certains avanceront, face à cet interdit biblique des pratiques homosexuelles, l’argument de la nécessité du peuple d’Israël de procréer (étant donné son statut minoritaire), ce qui expliquerait la prohibition de pratiques non « hétérosexuelles ». Or il n’y a pas d’interdit biblique sur des pratiques sexuelles non procréatives « hétérosexuelles ». Concernant le Nouveau Testament, l’argument tombe aussi du fait que l’apôtre Paul, dans le contexte corinthien où il relaie l’interdit des pratiques « homosexuelles », ne faisait pas l’apologie de la procréation et même du mariage (cf 1Corinthiens 7).
Conclusion :
De ce bref parcours il ressort que, en termes de conjugalité, seule une union d’un homme et d’une femme apparait comme une bénédiction de Dieu, un cadeau de Dieu, la forme de conjugalité conforme à ce que Dieu veut pour sa création en tant que chose bonne. Aucun texte ne dit qu’une autre forme d’union serait légitime ou positive, ou se trouverait être une bonne chose pour Dieu et donc pour l’humanité. Cela ne veut pas dire que les personnes qui ne rentrent pas dans ces critères doivent être méprisées, condamnées ou non accueillies dans les églises. Les Ecritures nous indiquent simplement que leur choix n’est pas un chemin de vie et de bonheur, et qu’en aucun cas leur choix ne saurait être un idéal de vie à encourager. Pour autant, cela ne signifie pas que les Ecritures doivent nous détourner de qui que ce soit et que la bénédiction de Dieu ne soit pas proposé. A chaque personne de l’accepter ou non.