UNE PRÉDICATION DU 21 AVRIL 2013 A L’EGLISE PROTESTANTE UNIE DE NEVERS
LECTURES: Lévitique 20 : 1-13 ; Jean 8 : 1-11; Matthieu 19 : 1-6
Au moment où le débat fait rage dans notre société en ce qui concerne le mariage homosexuel, inutile de vous dire qu’aborder un tel sujet dans l’Église est délicat, tant les tensions sont grandes. Mais avant toute chose, j’aimerais préciser que mon but n’est d’offenser personne, mais seulement de rechercher à travers l’étude de la Bible ce qui nous est dit sur un tel sujet. Je rappelle également que si dans le débat sur le mariage civil des arguments d’ordre philosophique, sociaux, moraux, anthropologique ont été avancés, dans un débat sur la possibilité de reconnaître et de bénir de telle union dans l’Église, nous devons avant toute chose partir de la Bible. En effet, pour toutes les églises issues de la réforme protestante, un principe essentiel doit être appliqué à nos pratiques d’Église : le principe de « sola scriptura » : il stipule que la Bible est l’autorité ultime à laquelle les chrétiens et l’Église se soumettent, pour la foi et la vie de l’Eglise. C’est donc en premier lieu dans la Bible que nous devons chercher pour savoir si une bénédiction des couples homosexuels est possible. C’est la raison pour laquelle mon message sera en deux parties : dans une première partie, il s’agira de voir ce que nous dit la Bible lorsqu’elle aborde la question de l’homosexualité ; dans une deuxième partie, de voir ce que signifie l’alliance du mariage et les conclusions que nous pouvons en tirer.
Il y’ a dans la Bible 6 passages dans lesquels il est question de l’homosexualité de manière explicite :
– Lévitique 18 : 22 :Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination.
– Lévitique 20 : 13 : Si un homme couche avec un autre homme comme on couche avec une femme, ils ont commis tous deux une abomination ; ils seront mis à mort : leur sang sera sur eux.
– Deutéronome 23 : 18-19: Il n’y aura pas de prostituée sacrée parmi les filles d’Israël, il n’y aura pas de prostitué sacré parmi les fils d’Israël. Tu n’apporteras pas dans la maison du Seigneur, ton Dieu, pour un vœu, quel qu’il soit, le gain d’une prostituée ou le salaire d’un chien : l’un comme l’autre sont une abomination pour le Seigneur, ton Dieu.
– Romains 1 : 26-28 :C’est pour cela que Dieu les a livrés à des passions déshonorantes. Ainsi, en effet, leurs femmes ont changé les relations naturelles pour des actes contre
nature ; de même les hommes, abandonnant les relations naturelles avec la femme, se sont enflammés dans leur appétit les uns pour les autres ; ils se livrent, entre hommes, à des actes honteux et reçoivent en eux-mêmes le salaire que mérite leur égarement. Comme ils n’ont pas jugé bon de reconnaître Dieu, Dieu les a livrés à leur manque de jugement, de sorte qu’ils font des choses indignes.
– 1 corinthiens 6 : 9-11 : Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront pas le royaume de Dieu ? Ne vous égarez pas : ce ne sont pas ceux qui se livrent à l’inconduite sexuelle, à l’idolâtrie, à l’adultère, les hommes qui couchent avec des hommes, les voleurs, les gens avides, les ivrognes, ceux qui s’adonnent aux insultes ou à la rapacité qui hériteront le royaume de Dieu. Et pourtant c’est là ce que vous étiez — quelques-uns d’entre vous. Mais vous avez été lavés, vous avez été consacrés, vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit de notre Dieu.
– 1 Timothée 1 : 8-11 : Nous savons bien que la loi est bonne, pourvu qu’on en fasse un usage légitime ; sachant que la loi n’est pas faite pour le juste, mais pour les sans-loi et les insoumis, les impies et les pécheurs, les sacrilèges et les profanateurs, les parricides et les matricides, les meurtriers, les gens qui se livrent à l’inconduite sexuelle, les hommes qui couchent avec des hommes, les trafiquants d’esclaves, les menteurs, les parjures, et tout ce qui peut encore s’opposer à l’enseignement sain, d’après la bonne nouvelle de la gloire du Dieu bienheureux, bonne nouvelle qui m’a été confiée.
Il y a également deux autres textes dans lesquels l’homosexualité est évoqué de manière implicite : en Genèse 19 : 1-11 dans l’histoire de Sodome et Gomorrhe et dans un passage du livre des juges en Juges 19. Cependant, j’ai choisi de ne pas m’arrêter sur ces deux textes, et de me concentrer sur ceux qui parlent de pratiques homosexuelles de façon évidente.
Dans le livre du lévitique, la question de l’homosexualité est abordée dans ce qui est appelé le code de sainteté. La sainteté dans ce cadre repose sur le mystère de Dieu qui est différend, insaisissable, ineffable. Dieu demande au peuple hébreu de participer à sa sainteté en se distinguant des nations qui l’entoure. Le code de la sainteté est l’ensemble des prescriptions relatives au peuple (soyez saints comme je suis saint), aux prêtres (conditions du sacerdoce), aux temps (les fêtes le sabbat, le jubilé) et aux lieux (le sanctuaire). Dans la partie qui s’adresse au peuple, le chapitre 18 évoque le respect de l’union conjugale. Il traite de l’interdit de l’inceste, de l’adultère, du sacrifice des enfants, de l’homosexualité et de la zoophilie. Une question se pose cependant : quel statut et quelle autorité à ce code de sainteté pour nous chrétiens ? Comment devons-nous le considérer à l’aune de l’Évangile ?
Un passage du nouveau testament, celui de l’histoire de la femme adultère nous donne peut être une réponse. En effet, dans ce passage de l’évangile de Jean, une femme prise en flagrant délit d’adultère est emmenée devant Jésus. Ceci est intéressant. Car cela montre que même les contemporains de Jésus-Christ, du moins ceux qui avaient écoutés son enseignement, ne savaient plus si le Christ voulait l’abolition de ce code ou pas. C’est pourquoi, les maîtres de la Loi et les pharisiens emmènent cette femme devant Jésus-christ, pour lui tendre un piège; en effet, selon le code de sainteté cette femme doit être lapidée: Si Jésus-christ demande qu’on n’applique pas la sanction, alors c’est que véritablement il est pour l’abolition de la Loi. Mais si il demande qu’elle soit appliquée comme le veut la Loi, alors ces adversaires pourront remettre en cause son enseignement sur l’amour de Dieu et le pardon. Il y’ a là une impasse, du moins à vues humaines. La réponse de Jésus-christ à cette énigme nous donne une indication sur la manière dont Il considérait le code de sainteté : d’abord au verset 7 :« Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre » ensuite au verset 11 : « Moi non plus je ne te condamne pas ; va et ne pèche plus ». que nous enseigne ces deux versets ?
En premier lieu, pour Jésus, seul quelqu’un de vraiment saint, c’est à dire quelqu’un qui respecte dans sa totalité ce code, seule une telle personne est en mesure de punir ceux qui y contreviennent. En pratique, seul Dieu peut vraiment punir et aucun Homme n’a cette légitimité. Et Jésus-Christ qui est Dieu, dit à cette femme « je ne te condamne pas non plus ». Seul Dieu peut punir et Dieu choisit le pardon ! Ensuite, en disant à la femme « va et ne pèche plus », il montre que pour lui, le code de sainteté n’est pas aboli par son enseignement. L’adultère reste un péché, néanmoins le pardon de Dieu est maintenant possible ! Pourquoi cela est-il important ? Nous l’avons vu, l’interdiction des pratiques homosexuelles vient tout de suite après celui de l’adultère. Et c’est également puni de mort. Mais à la lecture de l’Évangile, nous pouvons dire que quiconque s’arroge le droit de maltraiter ou de persécuter un être humain parce qu’il est homosexuel, quiconque fait cela désobéi de facto à Jésus-christ. Car à ceux qui persécutent les homosexuels on peut leur dire ceci : « Vous considérer que c’est un péché ? fort bien, et vous ? Êtes vous sans péché ? De quel droit persécutez-vous ou tuez-vous des hommes et des femmes tout en vous disant chrétien, c’est à dire des disciples de Jésus-Christ ? » Qu’on se le dise, si l’homosexualité est considéré comme un péché, l’hétérosexualité n’est jamais présenté comme un qualité en soi ! Ce qui est bénit dans la Bible, c’est le mariage, et la relation sexuelle dans le cadre du mariage et cela en vue de constituer une famille ! Être hétérosexuel n’est pas une qualité en soi !
En outre, puisque tous les hommes sont des pécheurs devant Dieu, ce n’est plus par sa perfection morale que l’Homme s’approche de Dieu, mais plutôt en reconnaissant justement son imperfection morale. Il ne s’agit plus de s’approcher de Dieu en mettant en avant nos capacités à respecter le code de sainteté, mais plutôt de s’approcher de Dieu en reconnaissant que nous sommes incapables sans son aide d’être saint; c’est toute la question de la repentance: Dieu accueille quiconque confesse ses péchés, à cause de Jésus-Christ. Or la repentance redonne paradoxalement toute son importance à ce code de sainteté; il est la norme à partir de laquelle on va définir la notion du péché. Par exemple, on ne peut pas se repentir de son adultère, si l’on ne reconnaît pas que l’adultère est quelque chose de mal. Or qui est ce qui dit que l’adultère est mal, sinon le code de sainteté ? C’est pourquoi Jésus-christ n’abolit pas son autorité, mais la déplace : la sainteté, n’est pas une frontière qui sépare les humains en deux catégories, c’est une frontière qui est en chacun de nous. Avec l’évangile, le code de sainteté devient une exhortation qui s’adresse à chacun. C’est pourquoi Jésus-Christ dit ceci en Matthieu 15 : « Écoutez et comprenez. Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur, mais ce qui sort de la bouche, c’est ce qui rend l’homme impur. et aux versets 18-19 : Mais ce qui sort de la bouche provient du cœur, et c’est ce qui rend l’homme impur. Car c’est du cœur que viennent les mauvaises pensées, meurtres, adultères, prostitutions, vols, faux témoignages, blasphèmes. »
J’aimerais vous citer la conclusion du pasteur Antoine Nouis, dans le rapport de 2002 du conseil permanent luthéro-reformé intitulé « L’Eglise et les homosexuels ». Je fais mien cet argument que l’on retrouve dans une annexe au rapport : « Le déplacement de la notion de sainteté ne signifie pas sa capitulation. Dans ses réflexions, L’Église ne dédaigne pas le code de sainteté dans ses appels à aimer son prochain ; à ne pas commettre d’injustice, à être généreux avec le pauvre et l’émigré. Dans l’intériorisation de la Loi, nous considérons comme toujours pertinent les interdits concernant l’inceste, l’adultère, la zoophilie ou le sacrifice des enfants. Nous ne voyons pas au nom de quel principe herméneutique nous pourrions isoler la relative à l’homosexualité pour dire qu’elle est caduque ». Autrement dit, à partir de quels éléments de lecture de la Bible et d’interprétation , nous pourrions enlever l’interdit sur l’homosexualité ? Si on me dit au nom du principe de l’amour, je dirais, que des personnes qui commettent un adultère peuvent s’aimer, éprouver des sentiments : est ce pour autant que l’église doit dire que l’adultère est une pratique neutre, normale et sans conséquence spirituelle ?
En résumé de cette première partie, nous pouvons dire que l’homosexualité est considéré de manière indéniable comme un péché dans la Bible. Cependant, à la lecture de l’Évangile, nous ne pouvons pas penser qu’il y’a une catégorie de personnes qui seraient plus indignes que le reste de l’humanité à cause de sa pratique sexuelle. Nous ne pouvons pas isoler l’interdit de l’homosexualité pour en faire un critère de discrimination et oublier le reste. Le message fondamental de l’Évangile est que tous les Hommes sont pécheurs : hétérosexuels ou homosexuels ; peu importe ! Tous ont besoin du pardon de Dieu en Jésus-Christ ! Tous sont appelés à entrer dans une vie nouvelle avec Dieu.
Quel regard par rapport au mariage, ou plus précisément à la bénédiction du mariage ? Si on revient à l’étymologie du terme «bénir » , il signifie « dire du bien ». L’Église ne bénit pas en son propre nom, mais elle bénit au nom de Dieu. Or s’il est indéniable que le mariage, l’alliance entre un homme et une femme est bénit et regardé favorablement par Dieu, il nous est impossible à la lecture des textes de trouver un seul passage d’une bénédiction équivalente entre personnes du même sexe. Au contraire, comme nous l’avons vu, la pratique homosexuelle est considérée comme étant un péché. Dès lors se pose la question de l’autorité des écritures : L’Église peut-elle de sa propre autorité décider d’appeler « bien » ce que les écritures appellent « mal » ? l’Église peut-elle bénir ce qui n’est pas bénit ? Au nom de quelle autorité ? La question n’est donc pas d’être homophobe, ou réactionnaire ou en décalage par rapport aux évolutions de la société ; la question est d’être fidèle ! Or si le christ nous appelle à aimer, ce n’est jamais au prix de notre fidélité à son enseignement. Nous aimons Dieu, et c’est parce que nous aimons Dieu que nous pouvons aimer notre prochain. Que le Seigneur donne à chacun d’entre nous de comprendre et d’accomplir sa volonté en toute chose. Car c’est bien là notre principale préoccupation.
Amen.
Ngougo Guy-Bertrand