Archives mensuelles : février 2014

Jésus au prisme du genre

Les débats actuels et la confusion des propos bruyants ne permet pas vraiment la réflexion. Dans les milieux chrétiens comme dans le reste du monde, il devient difficile de faire reconnaître la différence profonde et fondamentale entre :
- des études du genre, qui cherchent à comprendre combien les notions de féminité et de masculinité sont codifiées et façonnées différemment selon les cultures,
- une vraie théorie du genre (bien que d’aucuns disent qu’elle n’existe pas), qui est l’extrapolation hasardeuse, normative et idéologique desdites études, prônant toutes sortes d’excès dont la négation de la différence sexuelle, le rupture fantasmée entre genre et culture, ou un hégémonisme d’une culture a-sexuelle ou trans-sexuelle (androgynie).

Alors portons paisiblement notre regard sur Jésus avec le recul critique d’une lecture au prisme du genre, en voyant quelles dérives nous pourrions en conclure dans une idéologie du genre (plutôt que « théorie », si vous le voulez bien).

JÉSUS, HOMME JUIF
Jésus est troublant à plus d’un titre, et pas seulement parce qu’il a su être pleinement Homme et pleinement Dieu. Il l’est parce que sa façon d’être homme, telle que les évangiles nous la décrivent, est étonnante pour notre perception culturelle.

Du point de vue de sa propre culture, juive, il est tout à fait un homme. Il porte une robe, avec vraisemblablement des téfilines (תפילין), puisque ce fut une drôle d’expérience qu’une femme impure du fait de pertes de sang ose toucher la frange de sa tunique (Luc 8,46). Il est un rabbin assez normal, il convoque des disciples qui sont des hommes essentiellement même s’il semble très ouvert à ce que des femmes suivent son enseignement et ses pérégrinations. Il ne s’oppose pas ouvertement aux catégories de son époque dans la répartition des prérogatives sexuelles, mais en même temps il transgresse plusieurs interdits. Il n’hésite pas à parler à une femme au bord d’un puits (Jean 4), ce qui « ne se fait pas », tout comme se faire sécher les pieds par une prostituée (Jean 12). Mais surtout il sera de fait connu comme le Ressuscité par le témoignage premier de femmes l’ayant découvert vivant au tombeau (Luc 23,55), ce qui est une bizarrerie car le témoignage des femmes n’a aucune valeur juridique.

JÉSUS EFFÉMINÉ ?
Du point de vue de notre culture, Jésus est un peu efféminé. Pas simplement à cause de la robe, mais surtout à cause de sa douceur dans les relations avec les autres. Ce type de délicatesse est classé au registre des valeurs féminines dans la France d’aujourd’hui.
Beaucoup sont aussi assez gênés qu’il ne soit pas marié.

C’est oublier qu’il est fiancé, et ceci depuis qu’il a posé, à Cana (Jean 2) l’acte d’abandonner la férule maternelle. Par là il a « quitté son père et sa mère pour s’attacher à son épouse » (Genèse 2,24), et ceci, justement, dans des noces qui préfigurent son propre mariage ! Lisez Apocalypse 19 pour y voir la narration des Noces de l’Agneau, où le Christ-époux prendra entièrement pour lui l’Église-Épouse en noces joyeuses : toute l’humanité rassemblée deviendra l’Épouse.
Donc Jésus n’est pas célibataire, à moins qu’on considère un fiancé comme un pur célibataire.

C’est un déficit de connaissance biblique qui a fait de Jésus une sorte d’androgyne dans l’imaginaire des chromos italiens, mais il était bien un homme, sexué et plein d’émois. Est-ce le fait qu’il pleure (Jean 11) ou qu’il soit secoué d’émotions à Getsémané (Matthieu 26) qui fait que nous trouvons encore qu’il soit un peu sensible ou maniéré ? En tout cas, cela ne peut être le point de vue que d’une société où s’est radicalisé une masculinité ancrée dans l’adage : « un garçon ça ne pleure pas… voyons ! ».

CROIRE C’EST POUR LES FEMMES
Ce déficit de culture quant à l’anthropologie biblique donne à penser à beaucoup d’hommes occidentaux que la foi n’est pas faite pour les vrais mâles, parce qu’elle implique une sensibilité qui est classée culturellement en France comme de l’ordre du féminin. Un homme ne confesse pas ses péchés devant les autres, il ne parle pas de son intimité, il ne partage pas ce qui est de l’ordre de l’émotion. Sinon il n’est pas un homme… D’où la perception que la foi serait une sorte de mariage spirituel entre la femme croyante et Jésus, ce qui est une aberration parce que Jésus n’est pas polygame, et encore moins infidèle à sa seule Épouse qui est l’Église. C’est aller un peu vite en besogne de dire que, parce que Jésus serait l’époux spirituel de l’Église, il serait l’époux psychique et émotionnel de chaque femme… Et conséquemment qu’on ne peut pas être homme et croyant parce que cela évoque une intimité d’homme à homme qui semble être de l’ordre d’une relation « entre copines ».

Une saine étude du personnage de Jésus selon les catégories du genre nous permet donc de comprendre combien le machisme occidental est d’une toute autre nature que le système patriarcal connu à l’époque de Jésus. C’est un produit d’un puritanisme du XIXème siècle. Le patriarcat juif est compensé par la transmission matrilinéaire de la judéité : cette idée émerge exactement au temps de Jésus. Notre machisme d’avant 1968 est quant à lui plus que patriarcal : c’est un simple système de domination des hommes sur les femmes, pour l’essentiel.

Il pourrait ainsi y avoir une Bonne Nouvelle à considérer l’étonnante égalité biblique, que l’on trouve dans plusieurs passages dont deux sont assez explicites :
- « la femme est l’os de mes os, la chair de ma chair » (Genèse 2,23) signifie une radicale identité qualitative entre l’homme et la femme,
- « La femme n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est le mari ; et pareillement, le mari n’a pas autorité sur son propre corps, mais c’est la femme. » (1 Corinthiens 7,4). C’est révolutionnaire pour le contexte du Proche-Orient ancien.

IL S’EN SUIT QUE…
Nous sommes donc mis au défi en tant qu’Église de savoir si la lutte contre le machisme ambiant n’est pas une partie de la Bonne Nouvelle qu’un Christ sauveur veut annoncer à notre culture. Pour autant, comment rejoindre une génération d’hommes à certains égards traumatisée par le choc de représentations de 1968, et les contrecoups inattendus du mouvement — positif ! — de libération de la Femme ? Comment être un homme entre les deux lignes de fuite que sont l’hypervirilité du colosse bodybuildé, d’une part, et l’androgyne des publicités de Jean-Paul Gaultier promouvant explicitement une culture gay, d’autre part ?

En somme, ne serait-il pas vraiment révolutionnaire de parler de l’homme (masculin), via les modèles de la paternité de Dieu (amour et fermeté), de la masculinité de Jésus (tendresse et autorité), etc. ? N’est-ce pas là une façon de s’affranchir d’une culture qui s’est avéré être aliénante ?

Il deviendrait en revanche idéologique de faire de Jésus une icône gay, interprétant au crible d’une androgynie devenue but en soi, justifiant son a-sexualité par son célibat dénoncé plus haut, ou par des versets faciles à tordre dans un but doctrinal : « Un des disciples, celui que Jésus aimait, était couché sur le sein de Jésus. » (Jean 13,23). Pareillement, pourquoi inverser la logique et à tout prix vouloir employer un langage inclusif pour parler de Dieu, l’appeler Mère ou Père/Mère plutôt que d’assumer que l’Écriture l’appelle simplement Père ?

Car là, on ne serait plus dans le « lire » mais dans le « délire ».

Ne nous conformons pas

Ne nous conformons pas au siècle présent !

Je ne suis pas « huguenot » d’origine, et donc je ne me complais pas dans cette idée qu’être minoritaire c’est bien, qu’être seul contre tous est la marque de la « vérité d’un combat ». Au contraire, je crois qu’il faut aussi entendre ce que dit la majorité silencieuse de nos églises. Or là, en ce qui concerne l’ouverture du mariage et surtout de l’adoption et de la procréation médicale assistée aux couples de même sexe, il s’agit même plus de majorité silencieuse, mais de majorité tout court ! En effet, sur 2,2 milliards de chrétiens, dont ½  de catholiques, il n’y a sans doute guère plus de 15% des baptisés qui acceptent vraiment ces évolutions sociétales contraire à l’éthique chrétienne et biblique (les orthodoxes et les évangéliques les rejettent, comme la grande majorité des catholiques, hors mis dans l’Europe sécularisée). Et même chez les 800 millions de protestants, où il n’y a plus que 185 millions de luthéro-anglicano-réformés, même pas la moitié acceptent ces évolutions.

Quant à notre Eglise [protestante unie de France - NDLR], nous avons eu il y a près de 10 ans un débat sur ces questions dans nos églises locales et en synodes, conclu au synode national de Bordeaux en 2004. Il est alors remonté des églises locales qu’elles accueillaient tout le monde inconditionnellement sans se soucier de l’orientation sexuelle des uns et des autres. Par contre, une majorité d’églises s’étaient prononcées contre la possibilité d’accueillir en paroisse un pasteur qui aurait déclaré son homosexualité. Enfin, le texte disait qu’il n’était pas opportun d’envisager un culte de bénédiction pour les personnes de même sexe, qui entretiendrait alors la confusion entre couples homosexuel et hétérosexuel. A cette époque, des conseillers de plusieurs églises étaient prêts à envisager que leur église locale sorte de l’Union si le synode avait voté la possibilité de bénir des couples de même sexe. Demain, il en sera de même !

Personnellement, je crois aussi que si nos directions d’églises s’ouvrent à ce type de demandes minoritaires, à terme, cela créera des schismes dans nos églises au niveau mondial, national ou local. En effet, ces évolutions de la société, du droit conjugal, de la filiation… ne sont pas des évolutions positives ; mais, comme le disent plus ouvertement nombre de nos pratiquants, comme la majorité des catholiques engagés et des réformés-évangéliques, ce sont plutôt là les indices d’une civilisation occidentale devenue matérialiste et individualiste, qui met la toute-puissance du désir de l’individu au-dessus de l’intérêt collectif et du Projet de Dieu. Je crois aussi que si le Christ avait été interrogé sur ces questions, comme il l’a été sur le divorce, il aurait renvoyé ses interlocuteurs à Genèse 1 et 2. Enfin, je crois qu’on ne peut accepter que le « droit de l’enfant » soit remplacé par un « droit à l’enfant », en ouvrant notamment la PMA à des femmes non-stériles, ni qu’on établisse ça et là une équivalence entre couples hétérosexuels et les couples homosexuels ; car établir une équivalence entre les deux revient à nier la réalité en opérant une grave confusion entre « genre » et « pratique » : confusion qu’il ne faudrait ni entretenir à l’Ecole et encore moins à l’Eglise en présentant ces choix de vie comme étant égaux. Ainsi, en matière de droits n’inventons rien de nouveaux, respectons plutôt ce qui est déjà écrit dans la Déclaration des Droits de l’Homme  de 1948, et appliquons aux questions de filiation le « Principe de précaution » inscrit dans notre Constitution.

Pr Luc Serrano : courrier envoyer au journal ENSEMBLE

« Ce qui me frappe, au contraire, lorsque je regarde en moi-même ou que j’entre en contact avec un de mes frères en humanité, c’est à quel point la raison, cette raison au nom de laquelle on prétend nier toute valeur spirituelle de caractère proprement religieux, est sans cesse obnubilée par la passion, par tout ce qui monte des bas-fonds de notre être, par tout ce qui nous pousse à prendre notre intérêt personnel pour seule règle, à le mettre au centre de notre vie, par tout ce qui inspire notre égoïsme et notre orgueil. »

Marc BOEGNER, Le christianisme et le monde moderne
Paris, Librairie Fischbacher, 1928

Résister et bénir

Face à la bénédiction des couples de même sexe
Un courrier du pasteur C. de Tonnac, Alès, le 20 février 2014

Notre Eglise a décidé de mettre à l’ordre du jour de nos synodes la question de la bénédiction des couples homosexuels. Cela n’est pas sans nous poser des questions profondes.Pour certains, les choses apparaissent comme toutes prêtes à être votées. Est-ce la réalité ? M’efforçant d’être loyal envers notre Eglise, je ne puis faire de concessions face à ce qui me semble être un mauvais chemin.

Il y a déjà 12-15 ans déjà, le pasteur Mickaël de Hadjetlaché avait déjà levé un réseau sur ce thème et nous avait alertés de façon salutaire en interpellant nos consciences. Les choses furent repoussées, maintenant nous sommes confrontés à ce questionnement. Il faut savoir réagir clairement et fermement.

 

DOCUMENTS
Il convient de lire les 2 numéros spéciaux de Information-Evangélisation qui viennent de sortir sur « Bénir » : réflexions sur cet acte, mais aussi implications ecclésiologiques devant amener non seulement à se positionner sur les couples pacsés par ex : faut-il les bénir ? Mais aussi ‘tout naturellement’ à la  bénédiction des couples de personnes de même sexe.

Pour ma part je réagis devant cette espèce de fixation sur ce sujet alors que bien d’autres points sont très cruciaux. Certes la question des couples Pacsés se pose et c’est juste d’apporter une réponse collective éprouvée. Derrière ces points, c’est notre théologie de mariage, de la conjugalité, de l’alliance et de la famille qui est questionnée.  Même si nous savons que les types de familles se sont passablement complexifiées et que cela est forcément à prendre en compte, je suis pour une disjonction : que l’on sépare la réflexion et les décisions concernant les évolutions de la famille, de celle de la bénédiction des couples de même sexe.

Il y a aussi nettement un désir de ‘plaire au monde’, d’une naïveté qui m’étonne beaucoup. Là n’est pas du tout notre vocation de plaire, d’emboiter le pas sous prétexte de modernité. Une Eglise de la raison (de la Raison !) ira dans ce sens, mais pas celle qui vit de la Révélation. Comment peut-on être à ce point à la remorque du monde ?

Je vais encore plus loin : la bénédiction des couples de même sexe : un nouveau créneau de bon rapport pour l’Eglise ??

Je me demande si quelque part dans notre ralentissement ecclésial, on ne cherche non seulement à prendre en compte le monde qu’on s’y conforme, mais qu’on en rajoute presque en y voyant des débouchés d’activité… Humour noir provoquant, pardonnez-moi, mais que dire devant les aveuglements de notre Eglise ?

Et que dire de l’interdit biblique face à l’homosexualité ? Il y a des interdits fondateurs. L’homosexualité fait partie de ces sexualités que la Bible écarte clairement.

Je relève un argument concernant la relation David-Jonathan, qualifié d’homosexuelle. Je pense que Jonathan était presque amoureux de David, mais pas David qui est resté hétéro et qui, à mon sens, voyait dans cette relation une étape nécessaire vers la montée au trône. La mort prématurée de Jonathan m’interpelle.

CONCLUSION

Cette prise de position est un combat spirituel, nous le savons : NON pas contre la chair et le sang mais contre les Dominations etc. (Eph 6/ 10ss). Tenons-nous en sentinelles dans notre Eglise afin qu’elle demeure Eglise de Jésus-Christ et pour Jésus-Christ… seul.

Veuille notre Seigneur nous bénir dans ce chemin de status communionis éthique.

Merci pour votre réponse, vos lignes très utiles dans ce chemin à frayer au milieu des ronces de ce monde avec ses ténèbres, et  béni soit Dieu, Dieu de l’Alliance, lumière et espérance du monde.

Christian de Tonnac, Alès.

Courrier des lecteurs de l’hebdomadaire Réforme (20 fév 2014)

« Conseiller presbytéral à Voiron (Isère), je viens de recevoir les 2 épaisses brochures sur « Bénir ». Que de papiers à lire ! Certes l’EPUdF présente le dossier comme l’occasion de réfléchir sur la bénédiction en général, mais la seule question qui se posera sera : Va-t-on bénir les couples homosexuels, mariés ou non ? et non pas : Va-t-on bénir les porte-avions ?
Ces nombreuses pages brassent énormément d’éléments anthropologiques, bibliques, psychanalytiques, afin qu’on puisse dire si la décision est prise de bénir ces couples : »Vous voyez, on a beaucoup réfléchi, beaucoup débattu, donc la décision est bonne et indiscutable ».
Le tableau final de l’annexe 5.13 élaboré par un poste de la Mission populaire, a la prétention de présenter objectivement les diverses positions. Finalement, il aboutit à faire apparaître ceux qui sont contre la bénédiction des homosexuels comme des extrémistes, marginaux et ringards, alors que ceux qui sont pour sont présentés comme des modernes, progressistes qui montrent le chemin aux autres. »

D. Lanz

La nouvelle brebis perdue

Parabole revisitée

Luc 15.3 — Jésus leur dit cette parabole : « Quel homme d’entre vous, s’il a 100 moutons et qu’il en perde un, ne laisse les 99 autres dans le désert pour aller après celui qui est perdu, jusqu’à ce qu’il le retrouve ? »

Mais que firent les 99 moutons pendant que le berger était parti ?
Ils tinrent un conciliabule – une sorte de synode ovin – se demandant quelle attitude adopter face à cette situation inédite : pensez, un mouton, animal grégaire par excellence, qui avait fait son « going out » !
A propos de l’inédit de la situation, remarquons que l’on a souvent tendance à croire que notre époque est celle de toutes les nouveautés, comme si le passé n’était qu’une sombre époque de conservatisme et de dogmatisme étroit. C’est oublier que de tous temps les bergers durent se mettre en recherche de moutons égarés.
Mais revenons aux discussions tenues en la bergerie.
Certains moutons étaient d’avis qu’il était urgent d’attendre et qu’il fallait faire confiance au berger. Après tout c’était son métier à lui de trouver et de ramener la brebis perdue. D’autres estimaient que cet incident était une occasion de méditer plus en profondeur sur ce qui incite certains de leurs congénères à se mettre en marge du troupeau et à prendre parfois des chemins de traverse. Quelques-uns voulaient aller plus loin que les paroles. « Et si par solidarité avec notre frère perdu, nous allions nous aussi à sa rencontre. Nous pourrions ainsi lui témoigner notre soutien, lui manifester que nous trouvons son choix courageux. Arrêtons de penser que c’est forcément mal de se perdre. D’ailleurs, dit un des moutons, j’ai eu récemment un échange de vues des plus stimulant sur ce sujet avec la chèvre d’un certain M. Seguin…
Pendant ce temps dans un coin du bercail, un mouton se taisait. On aurait dit qu’il priait. Et si l’on s’était avancé plus près, on aurait aperçu une larme au coin de l’œil et aussi une patte un peu tordue, cicatrice d’une escapade qui aurait pu mal tourner si le berger n’était pas, pour lui aussi, parti à sa recherche. C’était il y a longtemps, mais quand on a goûté au salut, on ne l’oublie pas.

Synodalité augmentée

L’Eglise Protestante Unie de France se lance dans un grand thème synodal sur la bénédiction. Espérant nourrir et enrichir par des points de vue différents le débat lancé par le dossier synodal, nous vous proposons d’autres opinions sur ce site. Vous voulez contribuer ? Ecrivez à « benediction-p@ssion.fr »

Merci !

Regards Protestants offre à ses lecteurs un dossier large et ouvert qui balaye le spectre large des points de vue sur la question de la bénédiction du mariage homosexuel.

Code de sainteté et homosexualité: Quelle compréhension à l’aune de l’Évangile ?

UNE PRÉDICATION DU 21 AVRIL 2013 A L’EGLISE PROTESTANTE UNIE DE NEVERS

LECTURES: Lévitique 20 : 1-13 ; Jean 8 : 1-11; Matthieu 19 : 1-6

Au moment où le débat fait rage dans notre société en ce qui concerne le mariage homosexuel, inutile de vous dire qu’aborder un tel sujet dans l’Église est délicat, tant les tensions sont grandes. Mais avant toute chose, j’aimerais préciser que mon but n’est d’offenser personne, mais seulement de rechercher à travers l’étude de la Bible ce qui nous est dit sur un tel sujet. Je rappelle également que si dans le débat sur le mariage civil des arguments d’ordre philosophique, sociaux, moraux, anthropologique ont été avancés, dans un débat sur la possibilité de reconnaître et de bénir de telle union dans l’Église, nous devons avant toute chose partir de la Bible. En effet, pour toutes les églises issues de la réforme protestante, un principe essentiel doit être appliqué à nos pratiques d’Église : le principe de « sola scriptura » : il stipule que la Bible est l’autorité ultime à laquelle les chrétiens et l’Église se soumettent, pour la foi et la vie de l’Eglise. C’est donc en premier lieu dans la Bible que nous devons chercher pour savoir si une bénédiction des couples homosexuels est possible. C’est la raison pour laquelle mon message sera en deux parties : dans une première partie, il s’agira de voir ce que nous dit la Bible lorsqu’elle aborde la question de l’homosexualité ; dans une deuxième partie, de voir ce que signifie l’alliance du mariage et les conclusions que nous pouvons en tirer.

Il y’ a dans la Bible 6 passages dans lesquels il est question de l’homosexualité de manière explicite :
Lévitique 18 : 22 :Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination.
Lévitique 20 : 13 : Si un homme couche avec un autre homme comme on couche avec une femme, ils ont commis tous deux une abomination ; ils seront mis à mort : leur sang sera sur eux.
Deutéronome 23 : 18-19: Il n’y aura pas de prostituée sacrée parmi les filles d’Israël, il n’y aura pas de prostitué sacré parmi les fils d’Israël. Tu n’apporteras pas dans la maison du Seigneur, ton Dieu, pour un vœu, quel qu’il soit, le gain d’une prostituée ou le salaire d’un chien : l’un comme l’autre sont une abomination pour le Seigneur, ton Dieu.
Romains 1 : 26-28 :C’est pour cela que Dieu les a livrés à des passions déshonorantes. Ainsi, en effet, leurs femmes ont changé les relations naturelles pour des actes contre
nature ; de même les hommes, abandonnant les relations naturelles avec la femme, se sont enflammés dans leur appétit les uns pour les autres ; ils se livrent, entre hommes, à des actes honteux et reçoivent en eux-mêmes le salaire que mérite leur égarement. Comme ils n’ont pas jugé bon de reconnaître Dieu, Dieu les a livrés à leur manque de jugement, de sorte qu’ils font des choses indignes.
1 corinthiens 6 : 9-11 : Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront pas le royaume de Dieu ? Ne vous égarez pas : ce ne sont pas ceux qui se livrent à l’inconduite sexuelle, à l’idolâtrie, à l’adultère, les hommes qui couchent avec des hommes, les voleurs, les gens avides, les ivrognes, ceux qui s’adonnent aux insultes ou à la rapacité qui hériteront le royaume de Dieu. Et pourtant c’est là ce que vous étiez — quelques-uns d’entre vous. Mais vous avez été lavés, vous avez été consacrés, vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit de notre Dieu.
1 Timothée 1 : 8-11 : Nous savons bien que la loi est bonne, pourvu qu’on en fasse un usage légitime ; sachant que la loi n’est pas faite pour le juste, mais pour les sans-loi et les insoumis, les impies et les pécheurs, les sacrilèges et les profanateurs, les parricides et les matricides, les meurtriers, les gens qui se livrent à l’inconduite sexuelle, les hommes qui couchent avec des hommes, les trafiquants d’esclaves, les menteurs, les parjures, et tout ce qui peut encore s’opposer à l’enseignement sain, d’après la bonne nouvelle de la gloire du Dieu bienheureux, bonne nouvelle qui m’a été confiée.

Il y a également deux autres textes dans lesquels l’homosexualité est évoqué de manière implicite : en Genèse 19 : 1-11 dans l’histoire de Sodome et Gomorrhe et dans un passage du livre des juges en Juges 19. Cependant, j’ai choisi de ne pas m’arrêter sur ces deux textes, et de me concentrer sur ceux qui parlent de pratiques homosexuelles de façon évidente.

Dans le livre du lévitique, la question de l’homosexualité est abordée dans ce qui est appelé le code de sainteté. La sainteté dans ce cadre repose sur le mystère de Dieu qui est différend, insaisissable, ineffable. Dieu demande au peuple hébreu de participer à sa sainteté en se distinguant des nations qui l’entoure. Le code de la sainteté est l’ensemble des prescriptions relatives au peuple (soyez saints comme je suis saint), aux prêtres (conditions du sacerdoce), aux temps (les fêtes le sabbat, le jubilé) et aux lieux (le sanctuaire). Dans la partie qui s’adresse au peuple, le chapitre 18 évoque le respect de l’union conjugale. Il traite de l’interdit de l’inceste, de l’adultère, du sacrifice des enfants, de l’homosexualité et de la zoophilie. Une question se pose cependant : quel statut et quelle autorité à ce code de sainteté pour nous chrétiens ? Comment devons-nous le considérer à l’aune de l’Évangile ?

Un passage du nouveau testament, celui de l’histoire de la femme adultère nous donne peut être une réponse. En effet, dans ce passage de l’évangile de Jean, une femme prise en flagrant délit d’adultère est emmenée devant Jésus. Ceci est intéressant. Car cela montre que même les contemporains de Jésus-Christ, du moins ceux qui avaient écoutés son enseignement, ne savaient plus si le Christ voulait l’abolition de ce code ou pas. C’est pourquoi, les maîtres de la Loi et les pharisiens emmènent cette femme devant Jésus-christ, pour lui tendre un piège; en effet, selon le code de sainteté cette femme doit être lapidée: Si Jésus-christ demande qu’on n’applique pas la sanction, alors c’est que véritablement il est pour l’abolition de la Loi. Mais si il demande qu’elle soit appliquée comme le veut la Loi, alors ces adversaires pourront remettre en cause son enseignement sur l’amour de Dieu et le pardon. Il y’ a là une impasse, du moins à vues humaines. La réponse de Jésus-christ à cette énigme nous donne une indication sur la manière dont Il considérait le code de sainteté : d’abord au verset 7 :« Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre » ensuite au verset 11 : « Moi non plus je ne te condamne pas ; va et ne pèche plus ». que nous enseigne ces deux versets ?

En premier lieu, pour Jésus, seul quelqu’un de vraiment saint, c’est à dire quelqu’un qui respecte dans sa totalité ce code, seule une telle personne est en mesure de punir ceux qui y contreviennent. En pratique, seul Dieu peut vraiment punir et aucun Homme n’a cette légitimité. Et Jésus-Christ qui est Dieu, dit à cette femme « je ne te condamne pas non plus ». Seul Dieu peut punir et Dieu choisit le pardon ! Ensuite, en disant à la femme « va et ne pèche plus », il montre que pour lui, le code de sainteté n’est pas aboli par son enseignement. L’adultère reste un péché, néanmoins le pardon de Dieu est maintenant possible ! Pourquoi cela est-il important ? Nous l’avons vu, l’interdiction des pratiques homosexuelles vient tout de suite après celui de l’adultère. Et c’est également puni de mort. Mais à la lecture de l’Évangile, nous pouvons dire que quiconque s’arroge le droit de maltraiter ou de persécuter un être humain parce qu’il est homosexuel, quiconque fait cela désobéi de facto à Jésus-christ. Car à ceux qui persécutent les homosexuels on peut leur dire ceci : « Vous considérer que c’est un péché ? fort bien, et vous ? Êtes vous sans péché ? De quel droit persécutez-vous ou tuez-vous des hommes et des femmes tout en vous disant chrétien, c’est à dire des disciples de Jésus-Christ ? » Qu’on se le dise, si l’homosexualité est considéré comme un péché, l’hétérosexualité n’est jamais présenté comme un qualité en soi ! Ce qui est béni dans la Bible, c’est le mariage, et la relation sexuelle dans le cadre du mariage et cela en vue de constituer une famille ! Être hétérosexuel n’est pas une qualité en soi !

En outre, puisque tous les hommes sont des pécheurs devant Dieu, ce n’est plus par sa perfection morale que l’Homme s’approche de Dieu, mais plutôt en reconnaissant justement son imperfection morale. Il ne s’agit plus de s’approcher de Dieu en mettant en avant nos capacités à respecter le code de sainteté, mais plutôt de s’approcher de Dieu en reconnaissant que nous sommes incapables sans son aide d’être saint; c’est toute la question de la repentance: Dieu accueille quiconque confesse ses péchés, à cause de Jésus-Christ. Or la repentance redonne paradoxalement toute son importance à ce code de sainteté; il est la norme à partir de laquelle on va définir la notion du péché. Par exemple, on ne peut pas se repentir de son adultère, si l’on ne reconnaît pas que l’adultère est quelque chose de mal. Or qui est ce qui dit que l’adultère est mal, sinon le code de sainteté ? C’est pourquoi Jésus-christ n’abolit pas son autorité, mais la déplace : la sainteté, n’est pas une frontière qui sépare les humains en deux catégories, c’est une frontière qui est en chacun de nous. Avec l’évangile, le code de sainteté devient une exhortation qui s’adresse à chacun. C’est pourquoi Jésus-Christ dit ceci en Matthieu 15 : « Écoutez et comprenez. Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur, mais ce qui sort de la bouche, c’est ce qui rend l’homme impur. et aux versets 18-19 : Mais ce qui sort de la bouche provient du cœur, et c’est ce qui rend l’homme impur. Car c’est du cœur que viennent les mauvaises pensées, meurtres, adultères, prostitutions, vols, faux témoignages, blasphèmes. »

J’aimerais vous citer la conclusion du pasteur Antoine Nouis, dans le rapport de 2002 du conseil permanent luthéro-reformé intitulé « L’Eglise et les homosexuels ». Je fais mien cet argument que l’on retrouve dans une annexe au rapport : « Le déplacement de la notion de sainteté ne signifie pas sa capitulation. Dans ses réflexions, L’Église ne dédaigne pas le code de sainteté dans ses appels à aimer son prochain ; à ne pas commettre d’injustice, à être généreux avec le pauvre et l’émigré. Dans l’intériorisation de la Loi, nous considérons comme toujours pertinent les interdits concernant l’inceste, l’adultère, la zoophilie ou le sacrifice des enfants. Nous ne voyons pas au nom de quel principe herméneutique nous pourrions isoler la relative à l’homosexualité pour dire qu’elle est caduque ». Autrement dit, à partir de quels éléments de lecture de la Bible et d’interprétation , nous pourrions enlever l’interdit sur l’homosexualité ? Si on me dit au nom du principe de l’amour, je dirais, que des personnes qui commettent un adultère peuvent s’aimer, éprouver des sentiments : est ce pour autant que l’église doit dire que l’adultère est une pratique neutre, normale et sans conséquence spirituelle ?

En résumé de cette première partie, nous pouvons dire que l’homosexualité est considérée de manière indéniable comme un péché dans la Bible. Cependant, à la lecture de l’Évangile, nous ne pouvons pas penser qu’il y’a une catégorie de personnes qui seraient plus indignes que le reste de l’humanité à cause de sa pratique sexuelle. Nous ne pouvons pas isoler l’interdit de l’homosexualité pour en faire un critère de discrimination et oublier le reste. Le message fondamental de l’Évangile est que tous les Hommes sont pécheurs : hétérosexuels ou homosexuels ; peu importe ! Tous ont besoin du pardon de Dieu en Jésus-Christ ! Tous sont appelés à entrer dans une vie nouvelle avec Dieu.

Quel regard par rapport au mariage, ou plus précisément à la bénédiction du mariage ? Si on revient à l’étymologie du terme «bénir » , il signifie « dire du bien ». L’Église ne bénit pas en son propre nom, mais elle bénit au nom de Dieu. Or s’il est indéniable que le mariage, l’alliance entre un homme et une femme est béni et regardé favorablement par Dieu, il nous est impossible à la lecture des textes de trouver un seul passage d’une bénédiction équivalente entre personnes du même sexe. Au contraire, comme nous l’avons vu, la pratique homosexuelle est considérée comme étant un péché. Dès lors se pose la question de l’autorité des écritures : L’Église peut-elle de sa propre autorité décider d’appeler « bien » ce que les écritures appellent « mal » ? l’Église peut-elle bénir ce qui n’est pas bénit ? Au nom de quelle autorité ? La question n’est donc pas d’être homophobe, ou réactionnaire ou en décalage par rapport aux évolutions de la société ; la question est d’être fidèle ! Or si le christ nous appelle à aimer, ce n’est jamais au prix de notre fidélité à son enseignement. Nous aimons Dieu, et c’est parce que nous aimons Dieu que nous pouvons aimer notre prochain. Que le Seigneur donne à chacun d’entre nous de comprendre et d’accomplir sa volonté en toute chose. Car c’est bien là notre principale préoccupation.

Amen.

Ngougo Guy-Bertrand